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Le juge judiciaire français consacre l'impunité des pages Wikipédia
Le 19 septembre 2025(1), le président du Tribunal judiciaire de Paris a jugé que la Wikimédia Foundation Inc., qui héberge Wikipédia, n'était responsable d'aucune violation, ni du règlement général de protection des données (RGPD), ni du règlement européen sur les services numériques (DSA), ni de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), au regard des demandes de suppression et de rectification d'une page Wikipédia, formulées par un écrivain, essayiste et universitaire français qui tentait en vain de faire rectifier des mentions inexactes figurant sur sa page. Il avait pourtant invoqué tous les textes de droit positif applicables qui auraient pu fonder ses demandes.
Sur le terrain du RGPD, le tribunal, tout en reconnaissant que les informations figurant sur les pages Wikipédia constituent effectivement des données personnelles, considère que leur communication est légitime au regard du droit à l'information du public. Les demandes fondées sur le droit à l'effacement ont été rejetées, en raison de l'exception (reconnue par l'art. 17, § 3, a, RGPD) pour la liberté d'expression et d'information.
Le tribunal s'est également déclaré incompétent, car saisi au terme d'une procédure accélérée au fond, pour toutes les demandes visant à contraindre la plateforme à se conformer aux prescriptions du DSA(2). Il rappelle qu'il n'a vocation qu'à prendre des mesures propres à prévenir ou à faire cesser un dommage particulier, causé par un contenu en ligne, et non à contraindre une plateforme à se conformer aux prescriptions légales. Enfin, le tribunal rejette la demande formulée par l'écrivain éconduit de se voir communiquer les données d'identification du contributeur du passage litigieux, au motif qu'elle n'était pas justifiée par le préjudice qu'il alléguait, et qu'elle porterait une atteinte disproportionnée tant au droit au respect de la vie privée qu'à celui de la liberté d'expression.
Si l'on doit saluer en son principe cette réitération de la protection qu'accorde le tribunal au droit à l'information et à la liberté d'expression, on reste toutefois un peu sur sa faim et inquiet au regard de ses conséquences pratiques. Cette décision consacre, en effet, une quasi totale impunité pour tous les contributeurs anonymes qui, par définition(3), peuvent enrichir les pages Wikipédia de tout un chacun, après deux simples clics. Le crédit que ces pages trouvent encore dans le public, qui ressemblent à celles traditionnelles des grandes encyclopédies – terme dont elle a d'ailleurs pris soin de s’intituler elle-même ! –, risque à terme de disparaître. Quand on sait avec quelle vigilance et organisation certains, forts de cet anonymat garanti, prennent soin de réécrire les pages de leurs adversaires ou concurrents, dans l'unique but de leur nuire, on ne peut que s'inquiéter de l'absence de responsabilité de la société éditrice américaine qu'emporte, en définitive, cette jurisprudence. Si la loi et les tribunaux ne permettent plus d'aller rechercher la responsabilité de ceux qui, protégés par l'anonymat, publient sur ces pages des propos litigieux, on en viendra peut-être à préférer Grokipedia, l'encyclopédie lancée par Elon Musk, générée par l'IA générative censée, selon son instigateur, représenter « la vérité, toute la vérité, rien que la vérité » – donc à l'abri des lobbys, des grincheux et autres revanchards ?



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