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Accueil > Communications électroniques > Droit des communications électroniques (Mars 2018 – Mars 2019) - Communications électroniques

Communications électroniques
/ Synthèses


24/04/2019


Droit des communications électroniques (Mars 2018 – Mars 2019)



Le droit des communications électroniques a été mobilisé, en 2018, par la loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information. La qualification du service de correspondance privée demeure très sensible tandis que la question du droit à l'oubli numérique nourrit l'essentiel du contentieux. Quant à la jurisprudence sur la responsabilité des fournisseurs de services de communication électronique, en relative décroissance, elle s'est essentiellement précisée sur les cumuls de qualification des prestataires, sur la notion de nouvelle publication et sur la pratique des hyperliens, les questions de compétence territoriale étant abordées dans nombre de décisions.

 

I - Création des services de communication par voie électronique

A - Services de communication au public en ligne

Opérateur de plateforme en ligne. Loyauté des plateformes. Depuis la loi du 7 oct. 2016 pour une République numérique, figure, aux côtés de la catégorie nouvelle de fournisseur de services de communication au public en ligne (CPL), défini à l'article L. 32, 23° du code des postes et des communications électroniques, celle d'opérateur de plateforme en ligne, défini à l'article L. 111-7, I, du code de la consommation. Cette définition englobe notamment les moteurs de recherche, les agrégateurs ou les comparateurs de prix, de biens ou de services, les places de marché, ou encore les sites de partage de contenus comme les réseaux sociaux. Qu'ils soient éditeurs ou hébergeurs, les opérateurs de plateformes sont désormais soumis à un certain nombre d'obligations vis-à-vis des consommateurs, contribuant à la loyauté, la clarté et la transparence de l'information qu'ils produisent (C. consom., art. L. 111-7, II).

Opérateur de plateforme en ligne. Fake news. Période électorale. Transparence. Outre la lutte contre la propagation de fausses informations à travers l'instauration d'une procédure de référé ad hoc(1), la régulation des plateformes en période électorale a consisté en l'instauration d'une procédure de transparence de la promotion de contenus d'information d'intérêt général. La loi du 22 décembre 2018(2) relative à la lutte contre la manipulation de l'information a ajouté, dans le code électoral, des obligations de transparence à la charge des opérateurs, qui viennent compléter les dispositions de droit commun, formulées à l'article L. 111-7 du code de la consommation. Ainsi l'article L. 163-1 du code électoral dispose que « pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d'élections générales et jusqu'à la date du tour de scrutin où celles-ci sont acquises », les opérateurs de plateforme en ligne, au sens de l'article L. 111-7 du code de la consommation, « dont l'activité dépasse un seuil déterminé de nombre de connexions sur le territoire français sont tenus, au regard de l'intérêt général attaché à l'information éclairée des citoyens en période électorale et à la sincérité du scrutin « sont tenus de fournir à l'utilisateur une information loyale, claire et transparente sur « l'identité de la personne physique ou sur la raison sociale, le siège social et l'objet social de la personne morale et de celle pour le compte de laquelle, le cas échéant, elle a déclaré agir, qui verse à la plateforme des rémunérations en contrepartie de la promotion de contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général », sur l'utilisation de ses données personnelles dans le cadre de cette promotion et de rendre public le montant des rémunérations reçues en contrepartie de la promotion de tels contenus d'information lorsque leur montant est supérieur à un seuil déterminé.

Lutte contre les fake news. Opérateurs de plateformes en ligne. Dispositif de signalement. Sans doute inspiré par toutes les initiatives d'autorégulation pour lutter contre les fake news, le législateur en a formalisé certaines, dans un titre III de la loi du 22 décembre 2018 précitée, intitulé « Devoir de coopération des opérateurs de plateforme en ligne en matière de lutte contre la diffusion de fausses informations ». Ainsi, les opérateurs mentionnés à l'article L. 163-1, alinéa 1, du code électoral « mettent en œuvre des mesures en vue de lutter contre la diffusion de fausses informations susceptibles de troubler l'ordre public ou d'altérer la sincérité d'un des scrutins mentionnés au premier alinéa de l'article 33-1-1 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Ils mettent en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à leurs utilisateurs de signaler de telles informations, notamment lorsque celles-ci sont issues de contenus promus pour le compte d'un tiers(3) ».

Lutte contre les fake news. Devoir de coopération des opérateurs de plateformes en ligne. Les opérateurs précités « mettent également en œuvre des mesures complémentaires pouvant notamment porter » sur la transparence de leurs algorithmes, sur la promotion des contenus issus d'entreprises et d'agences de presse et de services de communication audiovisuelle, sur la lutte contre les comptes propageant massivement de fausses informations, sur l'information des utilisateurs sur l'identité de la personne physique ou la raison sociale, le siège social et l'objet social des personnes morales leur versant des rémunérations en contrepartie de la promotion de contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général, sur l'information des utilisateurs sur la nature, l'origine et les modalités de diffusion des contenus ainsi que sur l'éducation aux médias et à l'information(4).

Lutte contre les fake news. Algorithmes. Les opérateurs précités « qui recourent à des algorithmes de recommandation, classement ou référencement de contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général » doivent publier des « statistiques agrégées sur leur fonctionnement(5) ». Sont mentionnées pour chaque contenu, la part d'accès direct, sans recours aux algorithmes de recommandation, classement ou référencement et les parts d'accès indirects imputables, d'une part, à l'algorithme du moteur de recherche interne de la plateforme le cas échéant et, d'autre part, aux autres algorithmes de recommandation, classement ou référencement de la plateforme qui sont intervenus dans l'accès aux contenus.

Lutte contre les fake news. Opérateurs de plateformes en ligne. Représentant légal. Les opérateurs précités « désignent un représentant légal exerçant les fonctions d'interlocuteur référent sur le territoire français pour l'application des dispositions prévues au présent titre(6) » et à l'article 6.-I, 7°, alinéa 3, de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), relatif à l'obligation faite aux fournisseurs d'accès et d'hébergement de concourir à la lutte contre les contenus relevant de l'apologie des crimes contre l'humanité, de la provocation à la commission d'actes de terrorisme et de leur apologie, de l'incitation à la haine raciale, à la haine à l'égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap ainsi que de la pornographie enfantine, de l'incitation à la violence, notamment l'incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine (V. à ce titre, l'art. 6.-I, 7°, al. 4 LCEN sur le dispositif de signalement de tels contenus).

Lutte contre les fake news. Compétence du CSA. Une nouvelle compétence est assignée au Conseil supérieur de l'audiovisuel, en matière de lutte contre la diffusion de fausses informations. Aux termes de l'article 17-2 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le CSA « contribue à la lutte contre la diffusion de fausses informations susceptibles de troubler l'ordre public ou de porter atteinte à la sincérité d'un des scrutins mentionnés au premier alinéa de l'article 33-1-1 de la présente loi ». En cas de nécessité, il adresse, à ce titre, aux opérateurs de plateforme en ligne, des recommandations visant à améliorer la lutte contre la diffusion de telles informations. Il s'assure du suivi de l'obligation pour les opérateurs de plateforme en ligne de prendre les mesures prévues à l'article 11 de la loi du 22 décembre 2018 précitée(7).

Service de médias audiovisuels. Responsabilisation des services de plateformes de partage de vidéos. Le concept de communication au public en ligne (CPL) figure, aux côtés de celui de communication audiovisuelle (CA), comme l'un des deux modes de communication au public par voie électronique (CPVE). La frontière a bougé avec la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision(8), laquelle a finalement intégré à l'article 2 de la loi du 30 sept. 1986 précitée les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), principalement la vidéo à la demande et la télévision de rattrapage. Cela a également bougé du côté de la directive « Services de médias audiovisuels » du 10 mars 2010, dont la révision, le 14 novembre 2018(9), a entraîné la modification de la définition du service de médias audiovisuels – SMA – lequel comprend désormais toute « partie dissociable « de ce service dont l'objet est la « fourniture de programmes au grand public, sous la responsabilité éditoriale d'un fournisseur de services de médias, dans le but d'informer, de divertir ou d'éduquer, par le biais de réseaux de communications électroniques ». Cela permet d'englober les fournisseurs de plateformes de partage de vidéos et de leur imposer notamment l'obligation de prendre des mesures appropriées pour protéger les mineurs contre des contenus susceptibles de nuire à leur épanouissement physique, mental ou moral et le grand public contre des contenus comportant une incitation à la violence ou à la haine (consid. 47 ; sur le fait que la définition du SMA ne couvre pas les courtes vidéos promotionnelles sur internet, v. CJUE 21 févr. 2018).

Atteinte au secret des affaires. Procédure. Mesure de publicité. Service de CPL. Créé par la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires, l'article L. 152-7 du code de commerce dispose que la juridiction, saisie d'une action pour prévenir et faire cesser une atteinte au secret des affaires, « peut ordonner toute mesure de publicité de la décision relative à l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicite d'un secret des affaires, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise » (V. sur la procédure de référé, le décret du 11 déc. 2018).

Service de presse en ligne. Taux de TVA. L'administration fiscale a remis en cause, pour une entreprise de presse en ligne, le taux réduit de TVA, sur le fondement de l'article 298 septies du code général des impôts, pour ses abonnements permettant l'accès à son site d'information en ligne, et lui a appliqué le taux normal de TVA prévu à l'article 278 de ce code. Il est jugé que l'article 98, § 2, de la directive 2006/112/CE modifiée, qui a pour effet d'exclure la possibilité pour les États membres d'appliquer un taux réduit de TVA à la fourniture de publications numériques par voie électronique, tout en les autorisant à appliquer un taux réduit de TVA à la fourniture de publications sur tout type de support physique, ne méconnaît pas le principe d'égalité de traitement, tel qu'énoncé à l'article 20 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (TA Paris, 22 mai 2018).

B - Services de correspondance privée

Courriel. Correspondance privée. Communauté d'intérêts. Classiquement, une diffamation par courriel est jugée publique, « en l'absence de communauté d'intérêts liant les différents destinataires du courrier électronique litigieux ». Tel n'est pas le cas d'un courriel envoyé par la directrice d'une école privée, sous contrat d'association avec l'État, aux adresses électroniques du père d'une élève, d'une inspectrice d'académie et de la boîte de réception structurelle. Est confirmé l'arrêt ayant considéré que ces deux correspondants, appartenant à l'académie et à l'inspection de l'Éducation nationale, sont indiscutablement liés à l'expéditeur par une communauté d'intérêts, de sorte que la publicité des propos, au sens de l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881, n'est pas caractérisée. Pour la Cour de cassation, en effet, cette analyse est justifiée, dès lors qu'entre le chef d'un établissement scolaire sous contrat d'association et les membres de l'inspection académique « il existe un groupement de personnes liées par une communauté d'intérêts », l'État devant veiller à la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire garantissant les droits des élèves (Crim. 22 janv. 2019).

Courriel. Correspondance privée. Diffamation non publique. Les expressions diffamatoires contenues dans une correspondance personnelle et privée, et visant une personne autre que le destinataire du message qui les contient, ne sont punissables, sous la qualification de diffamation non publique, que « si cette correspondance a été adressée dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel ». Par conséquent, un courriel adressé en réponse à une enseignante puis à trois autres du même établissement dont l'intéressé s'estimait, à tort ou à raison, proche, revêt le caractère d'une correspondance personnelle et privée. Il n'a « perdu son caractère confidentiel que par l'initiative de l'un de ses destinataires », ce qui ne saurait engager la responsabilité pour diffamation non publique de son auteur (Crim. 7 mai 2018 ; à l'inverse, sur le fait que le retweet est une mesure de publication de nature à engager la responsabilité de son auteur, vTGI Paris, 11 juill. 2018).

Facebook. Groupe fermé. Conversation privée. Ne constituent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement des propos « diffusés sur le compte ouvert par la salariée sur le site Facebook « et qui n'ont été « accessibles qu'à des personnes agréées par cette dernière et peu nombreuses, à savoir un groupe fermé composé de quatorze personnes, de sorte qu'ils relevaient d'une conversation de nature privée » (Soc. 12 sept. 2018). La Cour de cassation confirme que des propos – fussent-ils injurieux et humiliants à l'encontre de l'employeur – publiés sur un compte accessible aux seules personnes agréées et en nombre très restreint – qui forment entre elles une communauté d'intérêts – relèvent d'une conversation privée et ne peuvent justifier un licenciement

Cyber-infiltration sous pseudonyme.La Cour de cassation dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel une QPC sur le point de savoir si les dispositions de l'article 706-87-1 du code de procédure pénale – en ce qu'elles ne prévoient aucune garantie procédurale spécifique pour une mesure de cyber-infiltration réalisée sous pseudonyme dans le cadre d'une enquête ou d'une instruction judiciaire en matière d'atteinte aux systèmes de traitement de données, de criminalité et de délinquance organisée – porte atteinte au principe d'égalité devant la loi et la justice, au droit au respect de la vie privée et aux droits de la défense. La Cour relève notamment que cet article, qui autorise un enquêteur habilité à rassembler des preuves et rechercher les auteurs de certaines infractions, sans pouvoir inciter à leur commission, en participant avec eux à des échanges de messages électroniques sous pseudonyme, « n'entraîne aucune violation des droits de la défense ni aucune intrusion dans la vie privée de la personne qui demeure libre de répondre aux dits messages en appréciant librement le contenu de sa réponse » (Crim. 7 févr. 2018 ; sur la conventionalité de procédures d'interceptions de correspondances et de surveillance de masse, dans le cadre de lois sur le renseignement, v. CEDH 19 juin 2018 et CEDH 13 sept. 2018).

C - Services traitant des données personnelles

Ordonnance du 12 décembre 2018. Droit à l'effacement. Alors que règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données – dit RGPD – entrait en application le 25 mai 2018, a été votée la loi du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles, laquelle a utilisé une partie des marges de manœuvre permises par le règlement afin de préciser certaines de ses dispositions et d'aménager des garanties supplémentaires. Conformément à l'habilitation, permettant au gouvernement de procéder à une réécriture de l'ensemble de la loi du 6 janvier 1978, en vue, principalement, d'harmoniser l'état du droit, a été publiée l'ordonnance du 12 décembre 2018 prise en application de l'article 32 de la loi du 20 juin 2018. Des dispositions sur le droit à l'effacement des données parcourent la loi de 1978 modifiée, principalement en ses articles 51, 52, 54, 85, 97, 106 et 118.

Oubli numérique. Site de presse. Droit à l'effacement (non). Une forme de droit à l'oubli numérique a été consacrée par le règlement européen sur la protection des données, en son article 17, intitulé « Droit à l'effacement (« droit à l'oubli ») ». Mais ce droit comprend évidemment des exceptions, parmi lesquelles « l'exercice du droit à la liberté d'expression et d'information ». Cette exception est à rapprocher du régime spécifique applicable aux traitements de données aux fins de journalisme, dans le dispositif « Informatique et Libertés » français, ainsi que dans le RGPD. Il est assurément hors de question de conférer à l'individu la possibilité d'obtenir des sites de presse électroniques l'effacement de données le concernant, même si, par exemple, elles mettent en cause son honneur. L'article peut certes être diffamatoire mais bénéficier du fait justificatif de l'exception de vérité ou de la bonne foi. En tout état de cause, si la diffamation est sanctionnée, outre les condamnations pénales et/ou l'indemnisation civile, au nom de la liberté d'expression, le juge aura plutôt tendance à ordonner, soit l'insertion d'un communiqué judiciaire et d'un lien hypertexte de l'article vers ce communiqué, soit le déréférencement des moteurs de recherche.

Oubli numérique. Atteinte à la vie privée. Droit à l'effacement (oui). L'effacement est, en revanche, envisageable, en présence de données attentatoires à la vie privée, sans nécessité pour l'information. A ainsi été ordonnée la suppression de la page litigieuse d'un blog faisant état de condamnations pénales, en raison de l'atteinte à la vie privée et de la malveillance qui l'accompagne. Pour le tribunal, en effet, « si, en principe, les condamnations prononcées par les juridictions pénales qui sont rendues publiquement échappent de ce fait à la sphère protégée de la vie privée, c'est à la condition que ce rappel ne soit pas fait avec malveillance et réponde aux nécessités de la liberté d'expression ». Or, l'évocation et la reproduction de ces décisions, « d'une certaine ancienneté, portant sur des faits encore plus anciens en prenant soin de lever l'anonymat », n'alimentant le débat d'aucun élément nouveau, peuvent apparaître mues par une certaine malveillance. Et cette malveillance est soulignée par la reproduction de l'avis nécrologique du père du requérant, laquelle caractérise une intrusion dans ce qui relève de son intimité, auquel « elle impose la résurgence brutale car incongrue et décalée, d'un instant que l'on peut supposer douloureux de sa vie familiale « (TGI Paris, 14 févr. 2018 ; à l'inverse, sur le rejet, en référé, d'une demande de suppression et d'anonymisation d'articles archivés sur le site d'un journal, au motif que le contenu de ces articles ne constitue pas une atteinte à l'intimité de la vie privée, ni, avec l'évidence requise en référé, un trouble manifestement illicite, v. Paris, 30 mars 2018).

Oubli numérique. Site de notation. Suppression.Considérant, à raison, que « le régime légal réservé aux données à caractère personnel « s'applique aux informations délivrées au public sur la fiche professionnelle « Google My Business », et à propos de l'activité professionnelle, le juge des référés ordonne la suppression de la fiche d'un dentiste (TGI Paris, réf. 6 avr. 2018). Le trouble manifestement illicite est caractérisé par le traitement de données opéré en dépit de l'exercice du droit d'opposition à faire l'objet d'une prospection commerciale, traitement réprimé à l'article 226-18-1 du code pénal. En l'espèce, la fiche a été créée sans l'autorisation de l'intéressé. Il en a accepté l'existence puis en a demandé la suppression, car elle impliquait l'envoi au professionnel, par la société Google, de courriels à des fins de prospection commerciale, pour « améliorer ses performances », par le biais de « Google AdWords Express ». Reste en suspens la question de la licéité de tels traitements de données, opérant des notations, licéité à passer désormais au crible de l'article 22 du RGPD.

Oubli numérique. Déréférencement. Balance des intérêts. Participant également, mais moins radicalement qu'avec l'effacement, de la démarche d'oubli numérique, le recours au dispositif « Informatique et Libertés », et particulièrement au droit d'opposition, est tout à fait reçu, en droit français, à l'appui de demandes de désindexation. Au plan européen, cette solution a également les faveurs de la Cour de justice de l'Union européenne. Depuis l'arrêt Costeja c/ Google Spain, la Cour de justice reconnaît un droit au déréférencement, lequel peut toutefois être écarté en présence d'un intérêt prépondérant du public à avoir accès à l'information référencée (CJUE 13 mai 2014). Ainsi, au visa de l'arrêt Costeja, la Cour de cassation a estimé que la juridiction saisie d'une demande de déréférencement était « tenue de porter une appréciation sur son bien-fondé et de procéder, de façon concrète, à la mise en balance des intérêts en présence, de sorte qu'elle ne peut ordonner une mesure d'injonction d'ordre général conférant un caractère automatique à la suppression de la liste de résultats, affichée à la suite d'une recherche effectuée à partir du nom d'une personne, des liens vers des pages internet contenant des informations relatives à cette personne » (Civ. 1re, 14 févr. 2018). Aussi a-t-elle cassé un arrêt enjoignant à la société Google Inc. – après lui avoir ordonné de supprimer les liens qui conduisent aux deux adresses URL précisées en son dispositif – de supprimer les liens qui conduisent, « lors de recherches opérées dans les mêmes conditions, à toute adresse URL identifiée et signalée par M. X… comme portant atteinte à sa vie privée, dans un délai de sept jours à compter de la réception de ce signalement ». Afin de préserver la liberté d'expression, la balance des intérêts ne s'opère pas dans l'absolu au regard du contenu litigieux, mais au regard du contexte de sa publication.

Oubli numérique. Site de presse. Déréférencement (oui). La demande de déréférencement suppose des raisons légitimes prévalant sur l'intérêt prépondérant du public à avoir accès à l'information. Ainsi a été reconnu un « intérêt légitime « à voir un déréférencement ordonné – au regard des difficultés d'insertion professionnelles dûment justifiées du requérant – s'agissant d'articles faisant état de son implication, en 2011 et 2012, dans une entreprise d'aide à la prostitution et à la pédopornographie. Le tribunal relève que l'intéressé n'a jamais été mis en examen et que son implication apparaît donc inexacte, incomplète et périmée (TGI Paris, 14 nov. 2018).

Oubli numérique. Site de presse. Déréférencement (non). Une demande de désindexation a, en revanche, échoué à propos de liens générés par le moteur de recherche Google, sur une requête à partir du nom et prénom du demandeur, renvoyant vers trois articles publiés en 2005, évoquant une mise en examen pour avoir tenté de donner la mort à ses trois enfants mineurs. Il est jugé, au contraire, au visa de l'ancien article 38 de la loi de 1978, relatif au droit d'opposition de la personne concernée, que les faits, compte tenu de leur gravité, ont « acquis une publicité certaine et sont par là même sortis de la sphère privée ». Le tribunal relève, en outre, l'absence de preuve, par le requérant, que le maintien de ces articles dans les archives du site du journal aurait un impact direct sur sa vie privée et professionnelle (TGI Bobigny, 23 janv. 2018). De même, est confirmée l'ordonnance de référé, ayant rejeté la demande de déréférencement de liens renvoyant à un article relatant une condamnation pour proxénétisme et escroquerie. Pour la Cour, cette publication participe du droit à l'information, particulièrement quand il s'agit d'infractions pénales sérieuses. Elle ne constitue pas une atteinte à la vie privée, « s'agissant de la relation de faits publics et participe du droit du public à être informé dans le temps de l'événement mais également au-delà, le délai de neuf années n'apparaissant pas si important » (Paris, 28 nov. 2018). Enfin, est jugée non établie, avec l'évidence requise en référé, la nécessité d'ordonner le déréférencement de la recension critique d'un ouvrage du demandeur. Le juge estime notamment que la libre critique de l'ouvrage, fondée sur des considérations scientifiques, participe de la libre expression sur les débats académiques (TGI Paris, réf., 29 juin 2018). Dossiers délicats à trancher qu'il est audacieux de porter devant le juge des référés, juge de l'évidence ! Sur le fond, quand est en cause le passé pénal de l'individu, si l'effacement est inconcevable, l'ancienneté des faits et de la condamnation peut justifier certaines demandes de déréférencement (sur le rejet d'une demande de déréférencement d'informations soumises à la confidentialité en application de l'article L. 611-15 du code de commerce, au motif que le juge des référés n'est pas en mesure de statuer aux vues des éléments fournis, v. T. com. Paris, réf., 22 janv. 2018).

Oubli numérique. Relation d'un procès pénal. Anonymisation (non). La Cour européenne des droits de l’homme a considéré qu'il n'y avait pas eu violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dans le rejet, par les tribunaux allemands, d'une demande d'anonymisation d'un reportage sur un procès pénal, mis en ligne sur le site internet d'une radio. Pour la Cour, en effet « l'anonymisation d'un reportage constitue certes une mesure moins attentatoire à la liberté d'expression qu'une suppression du reportage tout entier ». Elle relève toutefois que « l'inclusion dans un reportage d'éléments individualisés, tel le nom complet de la personne visée, constitue un aspect important du travail de la presse » et ce d'autant plus lorsqu'il s'agit de « reportages sur des procédures pénales ayant suscité un intérêt considérable ». Elle en conclut que « la disponibilité des reportages litigieux sur les sites web des médias au moment de l'introduction des demandes des requérants contribuait toujours à un débat d'intérêt général que l'écoulement d'un laps de temps de quelques années n'a pas fait disparaître » (CEDH 28 juin 2018). La Cour européenne observe, à cet égard, que les requérants « n'ont pas fait part des tentatives qu'ils auraient faites de s'adresser aux exploitants des moteurs de recherche pour réduire la détectabilité des informations sur leurs personnes « (pt 114). Du déréférencement, comme solution alternative !

Oubli numérique. Données publiques. Anonymisation des décisions de justice. Issu de l'article 21 de la loi du 7 oct. 2016 pour une République numérique, l'article L. 111-13 du code de l'organisation judiciaire dispose que les décisions rendues par les juridictions judiciaires sont mises à la disposition du public à titre gratuit dans le respect de la vie privée des personnes concernées et que cette mise à disposition est « précédée d'une analyse du risque de ré-identification des personnes ». La même disposition prévaut, avec l'article L. 10 du code de la justice administrative, issu de l'article 20 de la même loi, pour les décisions rendues par les juridictions administratives. Le législateur a confié à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les conditions d'application de ces articles. Dans l'attente de ce décret, l'on mentionnera, à propos d'une demande de suppression de la page d'un site faisant état de deux condamnations, au visa de la délibération de la CNIL no 01-057 du 29 novembre 2001 et de l'arrêté du 9 octobre 2002 relatif au site internet de Légifrance, l'argumentation selon laquelle l'obligation d'anonymiser les décisions de justice s'imposant aux bases de données ne peut pas être opposée à l'auteur d'un blog (TGI Paris, 14 févr. 2018, préc.).

Oubli numérique. Déréférencement. Nom de domaine. Géoblocage. Tandis qu'est attendue la réponse de la Cour de justice de l'Union européenne à la question préjudicielle du Conseil d'État sur la portée du géoblocage (CE 19 juill. 2017), est ordonné un déréférencement des résultats fournis par toutes les extensions du moteur de recherche lorsqu'elles sont consultées depuis le territoire français, lors d'une requête comportant le nom et le prénom. Est rejetée, en revanche, pour son caractère disproportionné, la demande de suppression mondiale, sans distinction selon l'origine géographique de l'internaute, « s'agissant d'un résident français, le seul caractère international de ses démarches d'emploi ne pouvant justifier une telle restriction, qui conduirait in fine à soumettre le réseau internet à une injonction de portée globale » (TGI Paris, 14 nov. 2018, préc.).

II - Traitement des données des communications électroniques

A - Données d'identification

Éditeur professionnel ou non professionnel. Afin de faciliter les recours des victimes, les fournisseurs de contenu doivent, dans les termes des articles 6.-III, 1° LCEN – pour les éditeurs professionnels – et 6.-III, 2° LCEN – pour les éditeurs non professionnels – mettre à disposition du public des éléments d'identification. Précisément, les éditeurs non professionnels, comme les créateurs de blogs, peuvent préserver leur anonymat à condition d'avoir communiqué à leur hébergeur leurs éléments d'identification personnelle. La qualification d'éditeur professionnel a finalement été retenue pour un site d'opposition à une équipe municipale, au motif que la définition de l'article 6.-III, 1° LCEN vise « les personnes qui participent à la diffusion d'une information sur le réseau sans être un hébergeur, et ce de manière régulière, voire quotidienne, et dans un objectif autre que celui de portée personnelle souvent limité aux internautes du cercle privé (familial et amical) ». La fréquence des articles a été le critère d'appréciation majeur, là où une distinction fondée sur l'activité principale d'édition d'un service de CPL aurait sans doute été plus pertinente. En tout état de cause, cette qualification a été sans incidence sur l'issue du litige, le tribunal ayant jugé que l'existence d'un préjudice certain subi par la commune requérante, du fait du non-respect des obligations légales d'identification, n'était pas démontrée (TGI Caen, 9 avr. 2018 ; sur l'injonction faite à la société Facebook Ireland de communiquer les données de nature à permettre l'identification du créateur d'une page web et de supprimer le faux profil figurant sur cette page, v. TGI Clermont-Ferrand, réf., 27 févr. 2018).

Données d'identification. Accès. Ingérence grave (non). L'article 15, § 1, de la directive « vie privée et communications électroniques », no 2002/58/CE du 12 juillet 2002, telle que modifiée par la directive 2009/136/CE du 25 novembre 2009, lu à la lumière des articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux, doit être interprété en ce sens que « l'accès d'autorités publiques aux données visant à l'identification des titulaires des cartes SIM activées avec un téléphone mobile volé, telles que les nom, prénom et, le cas échéant, adresse de ces titulaires, comporte une ingérence dans les droits fondamentaux de ces derniers ». Cependant cette ingérence « ne présente pas une gravité telle que cet accès devrait être limité, en matière de prévention, de recherche, de détection et de poursuite d'infractions pénales, à la lutte contre la criminalité grave » (CJUE, gde ch., 2 oct. 2018). Quand l'ingérence n'est pas grave – autrement dit que les données ne permettent pas de « tirer de conclusions précises concernant la vie privée des personnes « (v. pt 60) – ledit accès est susceptible d'être justifié par un objectif de prévention, de recherche, de détection et de poursuite d'infractions pénales ne relevant pas de la criminalité grave.

B - Données de connexion

Données de connexion. Conservation généralisée (non). Le Conseil d'État a été saisi de différents recours mettant en cause les articles du code de la sécurité intérieure (CSI), relatifs à l'obligation de conservation des données de connexion (CSI, art. L. 851-1) et aux accès administratifs à ces données (CSI, art. L. 851-1, L. 851-2 et L. 851-4). Évoquant l'arrêt de la Cour de justice, dans l'affaire Tele2 Sverige AB, selon lequel l'article 15, § 1, de la directive du 12 juillet 2002 s'oppose à une réglementation nationale prévoyant, à des fins de lutte contre la criminalité, une conservation généralisée et indifférenciée de l'ensemble des données relatives au trafic et des données de localisation de tous les abonnés et utilisateurs inscrits concernant tous les moyens de communication électronique (CJUE 21 déc. 2016), il renvoie à la Cour de justice trois questions préjudicielles. Dans la première, il demande si l'obligation de conservation généralisée et indifférenciée, imposée aux fournisseurs, sur le fondement de l'article 15, § 1, ne doit pas être « regardée, dans un contexte marqué par des menaces graves et persistantes pour la sécurité nationale, et en particulier par le risque terroriste, comme une ingérence justifiée par le droit à la sûreté garanti à l'article 6 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les exigences de la sécurité nationale, dont la responsabilité incombe aux seuls États-membres « (CE 26 juill. 2018 ; v. la recommandation no 3 sur la durée de conservation des métadonnées de l'avis de la CNCDH du 22 mai 2018 sur la protection de la vie privée à l'ère du numérique, JO 3 juin).

Données de connexion. Obtention par certains agents des douanes. A été déclaré contraire à la Constitution l'article 65.1°, i) du code des douanes, prévoyant que les agents des douanes ayant au moins le grade de contrôleur peuvent exiger la communication des papiers et documents de toute nature relatifs aux opérations intéressant leur service, quel qu'en soit le support, « chez les opérateurs de télécommunications et les prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I de l'article 6 de la loi no 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, pour les données conservées et traitées par ces derniers, dans le cadre de l'article L. 34-1 du code des postes et télécommunications ». Le Conseil constitutionnel rappelle que « la communication des données de connexion est de nature à porter atteinte au droit au respect de la vie privée de la personne intéressée » et que, si le législateur a « réservé à certains agents des douanes soumis au respect du secret professionnel le pouvoir d'obtenir ces données dans le cadre d'opérations intéressant leur service et ne leur a pas conféré un pouvoir d'exécution forcée, il n'a assorti la procédure prévue par les dispositions en cause d'aucune autre garantie » (pt 8). Il en conclut que le législateur n'a pas entouré la procédure prévue par les dispositions contestées de garanties propres à assurer une conciliation équilibrée entre, d'une part, le droit au respect de la vie privée et, d'autre part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions (Cons. const. 15 févr. 2019, no 2018-764 QPC). Au demeurant, l'article 65.-1°, i) a été abrogé par l'article 14 de la loi no 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.

C - Données de consultation (…)

D - Données publiques

Données publiques. Documents administratifs communicables. Anonymisation (non). En application de l'article L. 312-1-2 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA), dans sa version résultant de l'article 6 de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, a été pris un décret du 10 décembre 2018 précisant, pour les documents administratifs communicables ou accessibles à toute personne, les catégories de documents pouvant être rendus publics par les administrations sans faire l'objet d'un traitement rendant impossible l'identification des personnes.

Publication des instructions et circulaires. Sites internet. En application de l'article 20 de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance – modifiant l'article L. 312-2 du CRPA et créant un nouvel article L. 312-3 au sein du même code – a été pris un décret du 28 novembre 2018 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires. Ce décret précise notamment les modalités selon lesquelles les documents émanant des services centraux et déconcentrés de l'État doivent être publiés pour être opposables à l'administration, en particulier les sites ministériels sur lesquels ils sont recensés (CRPA, art. R. 312-10 et D. 312-11).

III - Responsabilité des fournisseurs de services de communication électronique

A - Fournisseurs d'accès

Référé. Arrêt de service. Au visa de l'article 50-1 de la loi de 1881, le juge des référés n'a pas fait droit à la demande d'arrêt de service, formulée par diverses associations, à l'encontre du site « démocratie participative.biz ». Relevant que « seul l'hébergeur est apte à arrêter le service, c'est-à-dire à mettre fin aux propos contestés, les fournisseurs d'accès Internet n'étant pas en mesure de supprimer définitivement un site, mais seulement d'en assurer le blocage », le tribunal juge cette demande sans intérêt, en l'absence de l'hébergeur, de l'éditeur ou de l'auteur du site (TGI Paris, réf., 27 nov. 2018). Une autre procédure de référé susceptible d'aboutir à l'arrêt d'un service de communication au public en ligne existe – à l'article 706-23 du code de procédure pénale – pour les faits de provocation ou d'apologie du terrorisme prévus à l'article 421-2-5 du code pénal.

Référé. Blocage d'accès. En revanche, au visa de l'article 6.-I, 8° LCEN, le juge des référés enjoint aux fournisseurs d'accès de procéder au blocage du site « démocratie participative.biz », estimant l'ordre public menacé par la diffusion de publications haineuses qui « sont des mots d'une extrême violence et qui exhortent en même temps au passage à l'acte violent contre des personnes », en raison de leur religion, origine ou orientation sexuelle. Les fournisseurs sont « libres de choisir la mesure technique la plus adaptée et la plus efficace ». Cette mesure n'est pas limitée dans le temps « le blocage définitif du site relevant du principe de proportionnalité au vu de la gravité des propos relevés » (TGI Paris, réf., 27 nov. 2018, préc.).

Blocage d'accès et déréférencement administratifs. Apologie du terrorisme. Contrôle du juge administratif. Lorsque les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l'apologie de tels actes relevant de l'article 421-2-5 du code pénal ou contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant de l'article 227-23 du même code le justifient, l'article 6-1 LCEN permet à l'autorité administrative de demander aux prestataires techniques de retirer les contenus qui contreviennent à ces articles. En l'absence de retrait de ces contenus dans un délai de vingt-quatre heures, l'administration peut demander le blocage d'accès aux adresses électroniques des services de CPL. Elle peut également notifier les adresses électroniques aux moteurs de recherche ou aux annuaires, lesquels prennent toute mesure utile destinée à faire cesser le référencement du service de communication au public en ligne. De telles mesures, ordonnées par l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC), ont été déférées pour annulation devant le tribunal administratif par la personne qualifiée par la CNIL, en vertu de l'article 6-1, al. 3 LCEN, (v. TA Cergy-Pontoise, 4 févr. 2019 ; sur les restrictions d'accès et la protection de la liberté d'expression, v. la Recommandation CM/Rec(2018)2 du 7 mars 2018 du Conseil de l'Europe sur les rôles et les responsabilités des intermédiaires d'internet, suivi des lignes directrices, art. 1.3).

B - Fournisseurs d'hébergement

1 - Prestation d'hébergement

Réseau social Twitter. Hébergeur. Données personnelles. Responsable de traitement. La détermination de la qualité d'hébergeur, intermédiaire technique défini à l'article 6.-I, 2° LCEN, a été notamment éclairée par la position de la Cour de justice de l'Union européenne, quand elle énonce qu'il faut examiner « si le rôle exercé par ledit prestataire est neutre, en ce que son comportement est purement technique, automatique et passif, impliquant l'absence de connaissance ou de contrôle des données qu'il stocke « (CJUE 23 mars 2010, pt 114). Cette qualité d'hébergeur n'est pas exclusive de celle de responsable de traitement, au sens de l'article 3 de la loi du 6 janvier 1978. Ainsi est-il jugé que « dans le cadre du service de réseautage social, la société Twitter met en place des activités de natures diverses, non exclusives les unes des autres, allant de l'activité d'hébergement, c'est-à-dire du simple rôle technique de stockage des informations, à la collecte, le traitement et la gestion de contenus déposés par l'utilisateur » (TGI Paris, 7 août 2018). Le tribunal estime que la société Twitter, « en collectant et en utilisant des données à caractère personnel de ses utilisateurs, répond bien à la définition « du responsable du traitement de données à caractère personnel. Un certain nombre de clauses du contrat d'utilisation sont qualifiées d'illicites au regard de la loi Informatique et Libertés et, par conséquent, réputées non écrites.

Réseau social Twitter. Qualité de professionnel. Clauses abusives. Il est également jugé que « le contrat d'utilisation de la plateforme, exploitée par la société Twitter en sa qualité de professionnel, est soumis aux dispositions du code de la consommation, notamment aux dispositions relatives aux clauses abusives, l'utilisateur qui participe au contenu restant un consommateur au regard des dispositions du code de la consommation ». Ainsi plus de 200 clauses du contrat d'utilisation sont jugées abusives (TGI Paris, 7 août 2018, préc.).

2 - Responsabilité allégée

Hébergeur. Connaissance effective. Notification. Aux termes de l'article 6.-I, 2° LCEN, les hébergeurs « ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible ». Par ailleurs, conformément aux réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel, la responsabilité d'un hébergeur qui n'a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers ne saurait être engagée que si cette information présentait « manifestement un tel caractère « ou si son retrait avait été « ordonné par un juge ». Quant à la procédure de notification de contenus illicites aux hébergeurs, prévue à l'article 6.-I, 5° LCEN, elle permet de présumer acquise la connaissance des faits litigieux. C'est ainsi que, dans un dossier où le requérant sollicitait de l'hébergeur qu'il retire l'ensemble de ses informations personnelles des sites qu'il héberge, le juge des référés l'a débouté de ses demandes dès lors qu'il n'établissait pas la notification préalable de contenus illicites – alors que le défendeur était hébergeur de contenus – de sorte que la responsabilité civile de ce dernier ne pouvait pas être engagée (TGI Paris, réf. 18 mai 2018).

3 - Cessation des troubles

Lutte contre les fake news. Référé électoral. Cessation du dommage. L'article 6.-I, 8° LCEN prévoit la possibilité pour le juge, saisi en référé ou sur requête, de prescrire au fournisseur d'hébergement, ou à défaut, au fournisseur d'accès toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne. Une procédure de référé ad hoc – dont on peut s'interroger sur l'opportunité et l'efficacité – a également été instaurée, en période électorale, par la loi du 22 décembre 2018 précitée relative à la lutte contre la manipulation de l'information. Ainsi, l'article L. 163-2, I, du code électoral dispose que « pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d'élections générales et jusqu'à la date du tour de scrutin où celles-ci sont acquises, lorsque des allégations ou imputations inexactes ou trompeuses d'un fait de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir sont diffusées de manière délibérée, artificielle ou automatisée et massive par le biais d'un service de communication au public en ligne, le juge des référés peut, à la demande du ministère public, de tout candidat, de tout parti ou groupement politique ou de toute personne ayant intérêt à agir, et sans préjudice de la réparation du dommage subi “prescrire au fournisseur d'hébergement ou, à défaut, au fournisseur d'accès” toutes mesures proportionnées et nécessaires pour faire cesser cette diffusion ». Le juge se prononce dans un délai de quarante-huit heures à compter de la saisine.

C - Fournisseurs de contenus

1 - Prestation de fourniture de contenu ou « édition »

Fournisseur de contenu. Éditeur de service de CPL. Directeur de la publication. Les fournisseurs de contenus sont, à l'article 6.-III LCEN, les « personnes dont l'activité est d'éditer un service de communication au public en ligne ». Le législateur visait principalement les créateurs de sites internet, sites d'informations ou de fourniture de biens ou de services. L'éditeur de site est un éditeur de service de CPL. Il crée ou rassemble du contenu, quelle qu'en soit la variété, et en a la maîtrise « éditoriale ». L'éditeur est « la personne qui détermine les contenus qui doivent être mis à la disposition du public sur le service qu'elle a créé ou dont elle a la charge, engageant ainsi sa responsabilité à ce titre ». Il ne relève pas du régime de responsabilité particulier des prestataires intermédiaires, fournisseurs d'accès ou d'hébergement. Aux termes de l'article 6.-III, 1°, c) LCEN, les fournisseurs de contenu mettent à disposition du public, dans un standard ouvert : (…) « c) Le nom du directeur ou du codirecteur de la publication et, le cas échéant, celui du responsable de la rédaction » au sens de l'article 93-2 de la loi du 29 juill. 1982. Cette désignation d'un directeur de la publication, classique pour les sites de presse électronique, est, par exemple, effectuée pour le site internet d'une association (TGI Paris, 1er juin 2018).

Site internet. Association. Directeur de la publication. La qualité de directeur de la publication est reconnue au président d'une association, dès lors que, sous la rubrique « organigramme », ledit site internet mentionne l'association « Égalité & Réconciliation » et le nom de son président, et sous la rubrique « mentions légales », le nom de l'éditeur du site. Pour la Cour de cassation, en effet, aux termes de l'article 93-2 précité, le directeur de la publication d'un service de CPL fourni par une personne morale est, de droit, le représentant légal ou, dans le cas d'une association, statutaire de celle-ci, en dépit de toute indication contraire figurant sur le site, prétendant satisfaire à l'obligation de mettre à disposition du public dans un standard ouvert l'identité du directeur de la publication instituée par l'article 6.-III LCEN. Sont donc surabondants les motifs relatifs, d'une part, à l'incapacité dans laquelle seraient les personnes présentées dans la rubrique « mentions légales » comme directeur de la publication et « directeur adjoint », d'exercer effectivement ces responsabilités en raison de leur incarcération et de leur absence d'accès à internet, d'autre part, au fait que le président de l'association gère seul le site internet, ce dont il est déduit que celui-ci en est en fait le véritable éditeur (Crim. 22 janv. 2019 ; v. aussi, à propos du même site, TGI Paris, 1er juin 2018, préc.).

Directeur de la publication. Droit de réponse en ligne. Refus d'insertion. À la suite de la mise en ligne d'un article daté du 27 juin 2013, une société a sollicité du directeur de publication un droit de réponse le 4 juill. 2013. La réponse adressée par la société ayant été publiée le 18 juillet 2013, dans un onglet « prolonger », destiné aux seuls abonnés et le chapeau de l'article litigieux étant demeuré en accès libre, la partie civile a fait citer devant le tribunal correctionnel du chef de refus d'insertion d'une réponse. Le délit est constitué dès lors que le prévenu, directeur de la publication d'un service de CPL, d'une part, s'est abstenu de faire connaître à la société la suite qu'il entendait donner à la demande de publication de sa réponse – dans le délai prévu à l'article 6.-IV, alinéa 3 LCEN, en application de l'article 4 du décret no 2007-1527 du 24 octobre 2007 –, d'autre part, a inséré ladite réponse dans un onglet, destiné aux seuls abonnés, dans un délai qu'il ne peut démontrer être celui de trois jours exigé par l'article 6.-IV LCEN (Crim. 19 juin 2018).

2 - Fournisseur de contenu. Éditeur de site et autres qualifications

Éditeur de site. Responsable de traitement. Cookies. Statuant sur des manquements à l'obligation d'information et de mise en œuvre d'un mécanisme d'opposition en cas de dépôt de témoins de connexion (« cookies ») sur le terminal des utilisateurs ainsi qu'à l'obligation de définir et respecter une durée de conservation des données proportionnée à la finalité du traitement, le Conseil d'État s'est prononcé sur la notion de responsable du traitement de données personnelles, au sens de la loi du 6 janvier 1978. Il considère ainsi que « lorsque des “cookies” sont déposés par l'éditeur du site, il doit être considéré comme responsable de traitement au sens de la loi ». Toutefois, l'éditeur qui autorise le dépôt et l'utilisation de tels cookies par des tiers, à l'occasion de la visite de son site, doit également être considéré comme responsable de traitement, alors même qu'il n'est pas soumis à l'ensemble des obligations qui s'imposent au tiers, également responsable de traitement, qui a émis le cookie (CE 6 juin 2018).

Page Facebook. Responsable de traitement. Cookies. Au visa de l'article 2, sous d), de la directive « données personnelles » no 95/46/CE du 24 octobre 1995 (abrogée par le RGPD), il est jugé que la notion de responsable de traitement « englobe l'administrateur d'une page fan hébergée sur un réseau social ». Relevant qu'il offre à Facebook la possibilité de placer des cookies sur l'ordinateur de la personne ayant visité sa page fan, la Cour de justice de l'Union européenne en conclut que la création de cette page « implique de la part de son administrateur une action de paramétrage, en fonction, notamment, de son audience cible ainsi que d'objectifs de gestion ou de promotion de ses activités, qui influe sur le traitement de données à caractère personnel aux fins de l'établissement des statistiques établies à partir des visites de la page fan » et que, par conséquent, cet administrateur « contribue au traitement des données à caractère personnel des visiteurs de sa page ». De l'intrication entre la fourniture de contenu et la perspective « Informatique et libertés » (CJUE, gde ch., 5 juin 2018). La Cour statue également sur la compétence de l'autorité nationale de contrôle, par rapport à l'autorité d'un autre État membre, question désormais évoquée aux articles 60 et suivants du RGPD.

3 - Responsabilité de droit commun

Fournisseur de contenu. Éditeur de service. Droit commun de « l'activité ». Les fournisseurs de contenu, éditeurs de service de CPL, ne bénéficient pas de la responsabilité allégée accordée, sous conditions, par la LCEN, aux intermédiaires techniques. Ils répondent donc des dommages causés par leurs prestations, dans les termes du droit commun de leur activité, civile ou commerciale, ce qui génère un contentieux en droit des contrats, en droit de la concurrence et en droit de la consommation (sur la notion de consommateur au sens de l'article 15 du règlement (CE) no 44/2001 du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, pour l'utilisateur d'un compte Facebook privé, v. CJUE 25 janv. 2018).

Fournisseur de contenu. Éditeur de site. Droit commun de la « communication ».Les fournisseurs de contenu, éditeurs de service de CPL, sont également responsables, dans les conditions du droit commun de la communication – par opposition au droit spécial forgé par la LCEN pour les intermédiaires techniques – des dommages subis du fait de la diffusion des contenus. Ce droit commun s'entend notamment de tout l'éventail offert par le droit de la responsabilité civile (sur une action en dénigrement, v. TGI Paris, 23 mai 2018 ; Civ. 1re, 11 juill. 2018 ; requalifiée en diffamation, v. TGI Paris, 17 janv. 2018), la protection de la vie privée (v. TGI Paris, 14 mars 2018 ; TGI Marseille, réf., 20 juill. 2018), le droit à l'image (v. TGI Paris, 7 févr. 2018 ; Versailles, 29 juin 2018 ; TGI Paris, 11 juill. 2018), la protection de la présomption d'innocence (v. TGI Paris, réf., 15 juin 2018). Des dispositions plus sectorielles sont aussi mobilisées, en droit de la publicité (sur une poursuite sur le fondement de l'art. L. 3323-4 CSP relative à la publicité en faveur des boissons alcooliques, v. Paris, 13 déc. 2018), en droit des affaires (sur la publication d'informations soumises à la confidentialité, en application de l'art. L. 611-15 C. com., v. T. com. Paris, réf., 22 janv. 2018, préc. ; sur une QPC sur l'art. L. 611-15 c. com. ; v. Com. QPC, 4 oct. 2018), en droit d'auteur (CJUE 7 août 2018) ou en droit administratif (sur un manquement à l'obligation de réserve d'un capitaine de gendarmerie, v. CE 27 juin 2018).

Droit commun de la « communication ». Droit pénal. En droit commun de la communication, le droit pénal est également appelé à connaître de bon nombre de messages litigieux diffusés par les fournisseurs de contenu, suscitant de difficiles exercices de qualification (sur la transmission à la Cour de cassation d'une QPC sur le délit d'usurpation d'identité de l'art. 226-4-1 c. pén., v. TGI Paris, 10 avr. 2018).

Droit commun de la « communication ». Délit d'apologie d'actes de terrorisme. Au visa de l'article 421-2-5 du code pénal, un militant politique a été jugé coupable de complicité du délit d'apologie publique d'un acte de terrorisme, au moyen d'un service de communication accessible au public en ligne, aux motifs que les propos apologiques ont été tenus au cours d'une interview diffusée sur une radio, puis mis en ligne sur le site internet d'une revue. Il a contesté l'existence de la circonstance aggravante du délit, en cas de faits commis en utilisant un service de CPL (C. pén., art. 421-2-5, al. 2), qui suppose que le prévenu ait eu connaissance de ce support de diffusion, ce qu'il récuse. Ce moyen est rejet par la Cour de cassation, au motif que les propos étaient « accessibles par un service de communication en ligne dont l'arrêt a souverainement apprécié que le prévenu avait connaissance de cette circonstance » (Crim. 27 nov. 2018 ; sur une condamnation sur ce fondement pour des propos diffusés sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter, v. TGI Lisieux, 27 mars 2018 ; sur la conformité à la constitution de l'art. 421-2-5 c. pén., v. Cons. const. 18 mai 2018).

Droit commun de la « communication ». Délit de cyber-harcèlement. Les articles 222-33 et 222-33-2-2 du code pénal, relatifs au harcèlement sexuel et au harcèlement moral, ont été modifiés par la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Ils comportent désormais la circonstance aggravante de l'utilisation d'un service de communication au public en ligne ou du biais d'un support numérique ou électronique, ce qui permet de sanctionner plus fortement le cyber-harcèlement.

Droit commun de la « communication ». Loi de 1881.Un gros bataillon du contentieux du droit de la communication est évidemment constitué par le droit pénal spécial de la presse, issu de la loi du 29 juill. 1881 (sur des poursuites en diffamation, v. TGI Paris, 23 janv. 2018 ; Crim.10 avr. 2018 ; Crim.7 mai 2018 (2 esp.) ; Paris, 13 juin 2018 ; Crim. 19 juin 2018 ; Crim. 8 août 2018 ; Paris, 20 sept. 2018 ; Crim. 27 nov. 2018 ; Paris, 13 déc. 2018 ; sur des poursuites pour injures, v. Crim. 9 janv. 2018 ; TGI Paris, 15 févr. 2018 ; TGI Paris, 23 mai 2018 ; Paris, 6 juin 2018 ; TGI Paris, 28 nov. 2018 ; Paris, 12 déc. 2018 ; Crim. 8 janv. 2019 ; sur des poursuites pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, v. Crim. 9 janv. 2018 ; Crim. 23 mai 2018 ; TGI Paris, 1er juin 2018, préc. ; TGI Paris, 6 juin 2018 ; Paris, 6 juin 2018 ; Crim. 19 juin 2018 ; sur des poursuites pour contestation de crimes contre l'humanité, v. Paris, 18 janv. 2018 ; Paris, 6 juin 2018 ; sur le caractère proportionné ou non de la condamnation à publier un communiqué judiciaire d'une durée d'un mois consécutif, sur la page d'accueil du site internet du journal, v. Crim. 8 janv. 2019).

Prescription. Loi de 1881. Nouvelle publication. Au visa de l'article 65 de la loi de 1881, la Cour de cassation rappelle que toute reproduction, dans un écrit rendu public, d'un texte déjà publié, est constitutive d'une publication nouvelle dudit texte, qui fait courir un nouveau délai de prescription (v., en ce sens, Crim. 2 nov. 2016). Elle ajoute qu'une « nouvelle mise à disposition du public d'un contenu précédemment mis en ligne sur un site internet dont une personne a volontairement réactivé le contenu initial sur le réseau internet, après qu'il eut été retiré », constitue une telle reproduction de la part de cette personne (Crim. 10 avr. 2018 ; v. dans des termes très proches, à propos de l'opération de réactivation d'un site, Crim. 7 févr. 2017). En l'espèce, la publication incriminée a été déplacée de l'onglet « historique « vers l'onglet « article". Au-delà de la simple manipulation technique, il convient de déceler, derrière la réactivation d'un site, une volonté de nouvelle publication.

Site internet. Affichage d'un hyperlien vers un contenu diffamatoire. Responsabilité (non). Alors que le responsable d'un site internet d'actualités avait été condamné par les juridictions hongroises – pour avoir affiché un hyperlien vers une interview sur YouTube dont il a été ultérieurement jugé qu'elle avait un contenu diffamatoire – la Cour européenne juge que le droit à la liberté d'expression a été restreint de manière disproportionnée et qu'il y a eu violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. Relevant l'importance des hyperliens pour le bon fonctionnement d'internet parce qu'ils rendent l'information accessible en rattachant des éléments en ligne, la Cour rejette l'idée d'une responsabilité objective du journaliste du fait de l'affichage d'un hyperlien vers un article diffamatoire. Elle constate que l'article se contentait d'indiquer qu'une interview était disponible sur YouTube et affichait un lien vers celle-ci, sans faire de commentaire, sans reprendre le contenu et sans mentionner le parti politique. Elle estime qu'il ne pouvait apparaître à l'évidence aux yeux du journaliste, auteur de l'hyperlien, que celui-ci renverrait à des propos diffamatoires (CEDH 4 déc. 2018). À cet égard, s'agissant de la responsabilité de directeurs de la publication de sites, ayant soit repris un article litigieux publié sur un site internet, en tout ou en partie, soit inséré un lien permettant d'y accéder, il est confirmé que l'excuse de bonne foi, admise au profit des auteurs de l'article, bénéficie en conséquence aux différents directeurs de publication ayant permis l'accès audit article. Pour la Cour de cassation, en effet, « s'il est vrai que l'intention de nuire doit être appréciée en la personne des auteurs de l'article diffamatoire, l'existence de faits justificatifs suffisants pour faire admettre la bonne foi des auteurs a pour effet d'exclure tant leur responsabilité que celle du directeur de publication des organes de presse l'ayant relayé, dès lors que les propos litigieux ont été repris sans dénaturation et sans qu'aucun élément nouveau n'ait été invoqué depuis la publication de l'article initial « (Crim. 7 mai 2018 ; sur la pratique des hyperliens et leur incidence en droit d'auteur, en termes de contrefaçon, v. CJUE 7 août 2018, préc.).

4 - Droit international privé

Injures en ligne. Compétence territoriale. Ciblage du public français (non). À propos d'une action pour injures publiques et au visa notamment de l'article 113-2 du code pénal, est confirmé l'arrêt ayant jugé que l'accessibilité aux propos litigieux depuis le territoire français, comme seul critère d'application de la loi française, n'est pas suffisant pour caractériser le lieu de l'acte de publication constitutif de l'infraction et que le recours au lieu du fait dommageable comme critère de compétence conduit à rechercher le lien existant entre ce dernier et le public visé par le site litigieux. La cour d'appel avait ajouté que le critère allégué de la notoriété internationale des parties civiles, dans le seul domaine des affaires, ne saurait suffire à démontrer que les propos litigieux, dont l'auteur n'est pas connu en France, de même que le contexte ayant pu les susciter, étaient destinés aux internautes se trouvant sur le territoire français. Pour la Cour de cassation, en effet, la circonstance que, du fait de leur diffusion sur le réseau internet, les propos aient été accessibles depuis le territoire français « ne caractérise pas, à elle seule, un acte de publication sur ledit territoire, rendant le juge français compétent, en l'absence de tout critère rattachant les propos incriminés au territoire de la République, les juges ayant pu retenir que la notoriété alléguée par les intéressés dans le seul domaine des affaires était à cet égard insuffisante « (Crim. 6 mars 2018). Elle avait, par ailleurs, précisé que « le principe d'égalité ne s'oppose pas, lorsqu'est en cause la diffusion de propos, à l'application d'un critère de compétence différencié selon que cette diffusion a lieu par le biais d'une publication écrite ou audiovisuelle ou par la voie de l'internet, dont l'accessibilité au plan mondial exclut que soit retenu le seul critère d'accessibilité appliqué en matière de presse écrite ou audiovisuelle « (sur la compétence territoriale au sens de l'art. 16, §, 1, du règl. (CE) no 44/2001 du 22 déc. 2000 préc., pour l'action d'un consommateur contre la société Facebook, v. CJUE 25 janv. 2018, aff. C-498/16, préc. ; sur le fait que le règl. (CE) no 44/2001 est inapplicable pour déterminer la compétence des juridictions pénales, v. Crim. 6 mars 2018, préc.).

Provocation en ligne. Compétence territoriale et loi applicable. Ciblage (oui). À l'inverse, a été confirmé le rejet d'une exception territoriale, dès lors que « les propos litigieux, diffusés sur le site […], accessible depuis le territoire français, précédemment hébergé et poursuivi en France, étaient destinés au public français dès lors que le journal déclare vouloir “en finir avec la loi du 9 décembre 1905” et œuvrer “au rassemblement de tous les laïques et les républicains voulant défendre en France, en Europe et dans le monde ce principe émancipateur” ». La Cour de cassation confirme également la responsabilité du prévenu en qualité de directeur de publication, les dispositions de l'article 42 de la loi de 1881 étant applicables, dès lors que la publication des propos provoquant à la discrimination raciale a eu lieu sur le territoire français (Crim. 19 juin 2018 ; sur des liens de rattachement suffisants avec le territoire français, les propos – poursuivis pour provocation à la haine – portant sur une situation vécue sur le territoire de la République, v. Paris, 29 nov. 2018).

Atteinte à la vie privée. Compétence territoriale et loi applicable. Lieu du préjudice. À propos d'un article attentatoire à la vie privée, publié sur un site espagnol, il est jugé – au visa de l'article 46 du code de procédure civile – que le critère de la réalisation sur le territoire français du fait dommageable n'est pas rempli, car il n'apparaît pas que le public français soit, même en partie, destinataire du contenu litigieux. En revanche, en ce qui concerne le lieu où le préjudice a été subi, « s'agissant d'une infraction commise sur internet pour laquelle le dommage est réalisé dans le monde entier », les victimes peuvent « demander la réparation de leur entier dommage dans le pays où ils démontrent avoir le centre de leurs intérêts ». Le tribunal conclut qu'il convient d'appliquer la loi française, c'est-à-dire la « loi du lieu où est subi le préjudice pour réparer l'intégralité du dommage résultant de la diffusion de la publication litigieuse dans le monde entier » (TGI Paris, 21 févr. 2018). Pour justifier la modération de l'évaluation du dommage, il est relevé que le préjudice procédant de la diffusion en France est « nécessairement marginal, s'agissant d'un contenu hispanophone ».

Données personnelles. RGPD. Déréférencement. Au visa des articles 38 et 40 de la loi du 6 janvier 1978 et du RGPD, à propos d'une demande de déréférencement d'un article diffamatoire, il est jugé que le droit national s'applique et qu'une personne physique peut demander à un moteur de recherche accessible sur le territoire national de supprimer de la liste des résultats des liens vers des pages web identifiées par leur URL. Le tribunal rappelle que « l'existence de critères rattachant les diffusions au territoire français permet au juge français de se déclarer compétent ». Tel est le cas dès lors que le requérant, de nationalité française, réside sur le territoire français et que les contenus litigieux sont accessibles depuis le ressort du tribunal (TGI Paris, 14 nov. 2018, préc.).

N. M.-P.

24 avril 2019 - Légipresse N°370
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