LE PRÉSENT ARRÊT EST DIGNE d'intérêt pour au moins deux raisons. D'une part, il statue sur la question controversée de l'exercice du droit moral à l'occasion de l'intégration d'une oeuvre dans une compilation. D'autre part, il illustre la vitalité du droit moral de l'artiste-interprète dont l'exercice permet parfois d'obtenir satisfaction là où le droit moral de l'auteur était tenu en échec (1).Le 1er juillet 1966, la société Barclay déposait à la SACEM la chanson Les jolies ...
Cour de cassation, 1re ch. civile, 7 novembre 2006, Warner Chappell music France c/ Pierre Perret, Universal pictures video France et a.
Guillaume HENRY
Docteur en droit Avocat au Barreau de Paris Cabinet Gaultier-Lakits-Szleper
(2) Sur la vitalité du droit moral des artistes-interprètes : B. Edelman, « Nouvelle enquête surle droit moral des artistes-interprètes », D. 2006, p. 1168.
(3) CA Paris, 4e ch., 23 janvier 2004, Légipresse, mars 2004, n° 209-26.
(4) Cass. Soc., 8 février 2006, JCP E 2006, p. 766, note C. Alleaume ; JCP 2006, p. 1009,note T. Azzi ; CCE. avril 2006, p. 15, note M. Bourdarot ; LP n° 232-III, p. 101, note P. Tafforeau.
(5) Cass. Soc., 8 février 2006, précit.
(6) CA Paris, 5 juillet 2006, JCP 2006, p. 1820, n° 2920 ; Versailles, 7 avril 2004, Com. comélec. septembre 2004, com., n° 100, obs. C. Caron : « l'exploitation sous forme de compilationsn'est pas par essence, constitutive d'une violation du droit moral de l'artiste ».
(7) CA Paris, 5 juillet 2006, précit. : l'insertion d'un enregistrement d'une chanson d'un artisteinterprète au sein d'une compilation multi-artistes n'altère pas le sens de l'interprétation dansla mesure où le phonogramme est consacré à la musique de type country, genre auquell'artiste-interprète revendique l'appartenance, interprétée par des artistes dont elle ne dénienullement les qualités artistiques.
(8) L'article L. 132-12 du Code de la propriété intellectuelle dispose que : « L'éditeur est tenud'assurer à l'oeuvre une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale,conformément aux usages de la profession ». V C. Alleaume, note sous Cass. Soc., 8 février2006, précit.
(9) CA Paris, 4e ch., 23 janvier 2004, précit. : qui considère que la qualification vidéogrammede karaoké ne peut être retenue « en l'absence d'une dissociation des paroles et de la musiquede la chanson ».
(10) Cass., 1er, 13 novembre 2003, JCP 2004, p. 27, note C. Caron ; D. 2003, p. 2967, obs.J. Daleau ; G.P., 22-24 février 2004, n° 53-55, p. 23, ccl. J. Sainte-Rose. CA Paris, 4e ch.,29 mai 2002, Com. com. élec., octobre 2002, comm., n° 125, obs. C. Caron ; RIDA octobre2002, n° 194, p. 325. Les dispositions générales de la SDRM définissent un vidéogrammekaraoké comme « tout support de son, de texte ou d'image y compris numérique, reproduisant pour une oeuvre donnée l'interprétation musicale et le défilement concurrent du textedes paroles et/ou de la partition de ladite oeuvre, et dont l'objet est de permettre l'interprétationchantée de cette dernière par l'utilisateur grâce au défilement sur l'écran du texte desparoles et/ou de la partition simultanément à la diffusion de l'interprétation musicale ». Dansla présente affaire, le tribunal de grande instance de Paris avait retenu la qualification dekaraoké en jugeant que le vidéogramme litigieux « répond globalement à cette définition (dela SDRM), le texte des chansons interprétées défilant concurremment à l'interprétation par ungroupe d'artistes de diverses chansons afin que l'utilisateur puisse chanter en cadence » : TGIParis, 3e ch., 24 octobre 2001, inédit.
(11) Le tribunal avait jugé à l'inverse que l'atteinte commise « n'a pas la gravité suffisante pourentraîner la résiliation d'un contrat portant sur les droits d'auteur de celui-ci, alors même qu'iln'est pas établi que l'éditeur ait manqué à l'une quelconque des obligations découlant duditcontrat ». Et la Cour de cassation a déjà jugé que le dépassement d'une autorisation d'exploitationpar un cessionnaire est une faute de nature délictuelle : Civ. 1er, 21 novembre 2006, àparaître au Bulletin. V. également Pollaud-Dulian, « Le droit d'auteur », Economica, 2005,n° 1217.
(12) Civ. 1er, 15 octobre 1996, Bull. civ., I, n° 355, D. aff. 1997, p. 80 : « la personne qui aparticipé à une contrefaçon en mettant en vente un produit qu'elle savait être contrefaisantn'est pas fondée à obtenir la garantie de son vendeur pour l'éviction qu'elle subit, qui est deson fait ». V. également : Civ., 1er, 10 mai 1995, Bull. civ., I, n° 203 ; Com., 29 octobre 2003,JCP 2004, I, 113, n° 4, chr. C. Caron ; Civ., 1er, 11 octobre 1995, Bull. civ., I, n° 203.
(13) V. pour la qualification en contrefaçon de l'atteinte du droit moral de l'auteur : Crim.,13 décembre 1995, RIDA juillet 1996, p. 307. Pollaud-Dulian, op. cit., n° 1233 s. et 1660 ; A. etH.-J. Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique, Litec, 3e éd., 2006, n° 952 et 1112 ;P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, PUF, 5e éd., 2004, n° 436.
(14) Com., 29 octobre 2003, JCP 2004, I, 113, n° 4, chr. C. Caron.
(15) F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil. Les obligations, 9e édition, Dalloz 2005,n° 864, 891 et 1261. J.-L. Aubert et E. Savaux, Le fait juridique, A. Colin, 11e éd., 2005,n° 172 s.
(16) F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, op. cit. n° 891. En revanche, si l'un seulement a commisune faute (la responsabilité de l'autre était fondée sur un régime de responsabilité sansfaute), il doit in fine supporter seul la totalité de la condamnation.
(17) La jurisprudence estime que dans certaines hypothèses, la disproportion des fautes esttelle que cela peut aboutir à mettre l'entière réparation à la charge de l'un des responsables :Civ., 1er, 23 novembre 1999, Bull. civ., I, n° 320, RTD civ., 2000, p. 345, obs. P. Jourdain.