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La résistance de Google au droit voisin des éditeurs
La France fut le premier pays à transposer la directive européenne(1), malgré le lobbying intense des grandes plateformes. Le droit voisin des éditeurs doit venir compenser financièrement la reproduction de leurs articles sur les moteurs de recherche et sur les réseaux sociaux sans contrepartie, alors qu'ils captent l'essentiel des ressources publicitaires, lesquelles sont indispensables à l'équilibre économique de la presse.
Mais la mise en place de ce droit s'est aussitôt opposée à des résistances, la plupart des plateformes entendant se soustraire à son règlement. Google, notamment, a tenté de passer avec chacun des éditeurs individuellement des accords aux termes desquels, peu ou prou, ils doivent renoncer au bénéfice de la loi s'ils veulent continuer de rester visibles sur son moteur de recherche. Cette visibilité est devenue, en effet, vitale pour les journaux à l'heure du tout numérique.
Il a fallu que, par le truchement de leurs syndicats, les éditeurs de presse saisissent l'Autorité de la concurrence pour faire entendre raison au moteur de recherche. C'est ainsi que cette dernière a rendu une première décision(2) qui a condamné Google à une amende de 500 millions d'euros, pour ne pas s’être conformé à ses injonctions lui imposant la neutralité, la bonne foi et la transparence dans ses négociations avec les éditeurs et agences de presse. L'Autorité de la concurrence a sanctionné Google d'une amende supplémentaire de 250 millions d'euros pour ne pas avoir conduit des négociations de bonne foi, sur la base de « critères transparents », ni « transmis aux éditeurs les informations nécessaires à l'évaluation de leurs rémunérations(3) ».
La décision qui vient d'être rendue en procédure d'urgence par le Tribunal de commerce de Paris, le 13 novembre dernier, interdisant à Google, sous une astreinte de 900 000 € par jour, de « rendre invisibles » les articles des médias avec lesquels il a un différend sur la mise en œuvre des droits voisins, s'inscrit dans ce combat(4).
La question que pose cette affaire est double. Elle est, d'une part, celle de l'application de bonne foi des négociations en cours, sans mesures de rétorsion intermédiaires par Google. Elle est, d’autre part, plus fondamentalement celle du bras de fer que la société américaine a engagé avec les autorités et la loi européennes. Il s'agit d'une question de souveraineté nationale et européenne, de ne pas voir l'Union et les États membres renoncer à leur devoir régalien de fixer la loi.
Or la loi a un objectif qui n'est pas mince en l'occurrence, celui de la survie d'une presse libre et pluraliste, dont le modèle économique reste viable. Ce qui suppose qu'elle puisse continuer de vendre ses articles en bénéficiant notamment des ressources publicitaires que leur consultation génère. Il faut, en effet, que les éditeurs puissent continuer de payer des journalistes professionnels qui sont les seuls gages du maintien de l'information à laquelle a droit le public dans une démocratie digne de ce nom. C'est une nouvelle version de l'affrontement millénaire entre la force et le droit.