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Audiovisuel
/ Tribune


26/07/2024


Le pluralisme « interne » sur la TNT



 

La liberté de la presse a pour principale légitimité le droit à l'information du public. C'est ce que proclame l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. Elle ne s'appréhende pas uniquement comme la liberté d'expression du citoyen, mais contraint les éditeurs et les journalistes à des devoirs et responsabilités, notamment au regard de l'honnêteté de l'information et du respect du pluralisme des opinions.

Le pluralisme se comprend traditionnellement de manière « externe », par l'existence du kiosque à journaux, c'est-à-dire par une offre éditoriale plurale, à laquelle on adjoint un système d'aides directes et indirectes pour permettre aux journaux économiquement faibles d'exister.

Pour la télévision, la question du respect du pluralisme se pose autrement. Car s'il est toujours possible d'ajouter un nouveau journal dans le kiosque, le nombre limité des fréquences oblige à choisir les opérateurs. C'est le rôle confié au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), devenu l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), qui conditionne l'attribution de la fréquence au respect de règles, parmi lesquelles l'honnêteté de l'information et le respect du pluralisme(1).

L'arrêt Reporters sans frontières, rendu par le Conseil d'État le 13 février 2024(2), a précisé ce qu'on doit comprendre par « pluralisme interne » des chaînes sur la TNT. Censurant l'ARCOM, cette décision a contraint celle-ci à faire évoluer sa doctrine sur la question. C'est l'objet de sa délibération du 17 juillet 2024. Si cette délibération confirme le principe de liberté éditoriale, elle considère qu'au regard « de l'exigence de diversité », les chaînes doivent se garder, en particulier dans les programmes d'information, de « déséquilibres manifestes et durables » dans l'expression des courants de pensée et d'opinion. À ce titre, elle précise que ce sont bien les interventions de l'ensemble des participants aux programmes diffusés qui doivent être prises en compte, en particulier sur « les questions prêtant à controverse(3) ». L'ARCOM indique qu'elle tiendra compte, dans son appréciation, de la variété des sujets abordés à l'antenne, de la diversité des intervenants, de l'expression d'une pluralité de points de vue contradictoires sur les différents sujets. Enfin, elle précise que son appréciation portera sur une période qui ne saurait être inférieure au trimestre pour l'ensemble des services, et à un mois pour les chaînes d'information en continu. C'est en effet sur la durée qu'on peut juger une intention partisane(4).

Cette délibération inspire plusieurs réflexions. Bien sûr, il s'est agi de respecter ce qu'a dit le Conseil d'État, mais le régulateur de l'audiovisuel n'a pas hésité à accroître, à cette occasion, ses déjà lourdes taches, puisqu'il va devoir déterminer désormais la coloration politique de toutes les interventions sur toutes les chaînes… À l'heure du renouvellement de l'attribution des fréquences, la doctrine de l'ARCOM ainsi précisée va sans doute contraindre certains attributaires qui seraient reconduits, à s'engager à respecter plus fermement qu'ils n'ont pu le faire(5) « le pluralisme interne ». Enfin, on sera curieux de voir si cette doctrine sera mise en œuvre à l'égard de tous les opérateurs, ou si, comme il en fut en son temps des lois « Hersant », cette délibération ne sera qu'une délibération « Bolloré ».

26 juillet 2024 - Légipresse N°427
661 mots
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