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Communication numérique
/ Tribune


10/07/2023


ChatGPT passible de la loi sur la presse ? Rien n'est moins sûr…



 

ChatGPT est un programme informatique, créé par la société américaine Open AI, qui utilise un algorithme d'intelligence artificielle pour répondre aux questions qu'on lui pose, à partir des données d'apprentissage qu'il a accumulées. Cet outil va, parait-il, remplacer beaucoup d'activités humaines. Il ne lasse donc pas de susciter inquiétudes et interrogations.

La question de sa soumission aux dispositions qui encadrent la liberté d'expression, en particulier la loi du 29 juillet 1881, en est une. Si c'est bien à partir d'un serveur public que l'on reçoit le texte, celui-ci n'est envoyé, en un seul exemplaire, qu'à la seule personne qui l'interroge. La nature publique du message est, ce faisant, contestable. Ne s'agit-il pas que d'une correspondance privée ? C'est une première question. Celle touchant à la responsabilité de son « auteur » laisse aussi songeur. Si l'intelligence est artificielle, il n'en reste pas moins qu'à l'origine, il y a bien une main humaine qui a instauré les bases de données dans lesquelles les algorithmes vont chercher les éléments de réponse fournis. ChatGPT n'invente rien, il ne fait que choisir et agglomérer les éléments piochés ailleurs, sans pour autant en citer les sources.

Que faut-il alors faire, si la réponse fournie contient des mises en cause de nature diffamatoires ou injurieuse à l'égard de certaines personnes ? Ces dernières seraient évidemment recevables à s'en plaindre, fut-ce au titre d'une diffamation non publique(1). Mais à l'égard de qui ? L'éditeur du service doit-il en répondre, alors qu'il sera difficile d'établir une quelconque manifestation de volonté de sa part dans l'émission du propos litigieux ? Le principe de responsabilité pénale, qui suppose un acte volontaire, risque de faire défaut. À cet égard, ce qui avait été jugé par la Cour de cassation pour Google Suggest constitue un précédent utile. Les juges du fond avaient considéré que l'éditeur Google devait répondre des propos injurieux que la fonction Google Suggest proposait lorsqu'on interrogeait le moteur de recherche à partir de certains noms de personnes car le résultat dommageable n'était que la mise en œuvre des algorithmes de leur fabrication. La Cour de cassation a cassé la décision, en jugeant que « la fonctionnalité aboutissant au rapprochement critiquée est le fruit d'un processus purement automatique dans son fonctionnement, et aléatoire dans ses résultats, de sorte que l'affichage des mots-clés qui en résulte est exclusif de toute volonté de l'exploitant du moteur de recherche d'émettre les propos en cause ou de leur conférer une signification autonome, au-delà de leur simple juxtaposition et de leur seule fonction d'aide à la recherche »(2).

Quand on interroge ChatGPT sur le fait de savoir s'il estime que la loi de 1881 lui est applicable, il répond que non(3). Mais il semble, qu'en bonne « intelligence », il n'oublie pas de modérer (autant que cela est possible, au regard de la grande subjectivité de certaines des incriminations qui encadrent la liberté d'expression) les messages pouvant tomber sous le coup de la loi. C'est aussi bien…

10 juillet 2023 - Légipresse N°415
585 mots
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