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Les limites de la liberté d'expression d'un candidat à l'élection présidentielle
Editorial - Légipresse n° 401
La diffusion sur YouTube, le 30 novembre dernier, du clip confectionné par Éric Zemmour et ses équipes pour lancer sa candidature à la présidentielle avait atteint sa cible : provoquer la polémique. Installé devant une bibliothèque, le candidat, assis derrière un bureau, y lisait sa déclaration, face à un micro ressemblant à ceux des années 30. Il singeait l'appel du Général de Gaulle du 18 juin 1940, pour appeler à « sauver La France ».
Cette parodie était accompagnée d'une sorte de zapping mêlant de nombreuses images extraites de films et d'émissions et reportages tirés de plusieurs médias. Aujourd'hui cette vidéo n'est plus disponible sur You Tube, au moins depuis la France, car le juge est intervenu pour constater le non-respect des droits des titulaires de certaines de ces images.
Le Tribunal de Paris saisi en urgence par les titulaires des droits des films « Un singe en hiver », Europarcop, pour le film « Jeanne D'Arc », « Dans La Maison », « Quai des Brumes », et « Louis Pasteur, portrait d'un visionnaire », accompagnés de la SACD, a en effet constaté les contrefaçons que comportait la vidéo. Il a écarté, ce faisant, tant l'exception de courte citation que le caractère disproportionné d'une telle censure au regard de sa liberté d'expression sur un sujet d'intérêt général, qui étaient invoqués en défense(1). Le jugement étant frappé d'appel, on attendra la décision de la cour pour en donner un plus large commentaire.
On se bornera, à ce stade, à relever que le tribunal retient la nature particulière de cette vidéo qui appartient au genre de la propagande politique, plus proche de « l'expression commerciale », au sens de la jurisprudence européenne(2), que de la participation à un débat d'intérêt général.
C'est la question principale de cette affaire. Où s'arrête l'intérêt général ?
On se souvient qu'il fut central pour relaxer du chef d'exhibition sexuelle, la militante Femen qui avait protesté, la poitrine dénudée, devant la statue de Vladimir Poutine, plusieurs heures au musée Grévin, au motif d'une « ingérence disproportionnée dans l'exercice de sa liberté d'expression politique »(3), ou dans l'arrêt rendu en faveur des militants écologistes décrocheurs des portraits du président de la République dans les mairies(4), poursuivis pour vol en réunion.
Pour accueillir l'atteinte au droit moral des demandeurs, le tribunal dit en outre que l'association des images de leurs films à un discours de candidature d'un homme politique, sans leur autorisation, « porte atteinte au droit au respect de l'œuvre, car en constitue une dénaturation, dès lors que, détournées de leur finalité, qui est de distraire ou d'informer, les œuvres audiovisuelles ont été utilisées à des fins politiques ».
Le droit d'auteur « qui découle du droit de propriété », comme le rappelle le tribunal, fait bien partie des « droits fondamentaux », dont la mise en œuvre peut constituer « une atteinte proportionnée et nécessaire à la liberté d'expression ».