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Infractions de presse
/ Tribune


27/01/2022


La loi pour « la confiance dans l'institution judiciaire » et la presse



 

Notre procédure pénale est un éternel chantier. Chaque législature connaît Sa grande réforme(1). Et, souvent celle-ci touche incidemment au droit de la presse. La loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, promulguée le 22 décembre dernier, ne déroge pas à la règle(2).

Il y a d'abord de nouvelles mesures ayant vocation à conforter les droits de la défense : une réaffirmation, d'une part, du secret de l'instruction par aggravation des sanctions pour les révélations et transmission d'éléments de procédure tirés d'une enquête ou d'une instruction en cours, et la possibilité désormais ouverte, d'autre part, aux personnes mise en cause dans une enquête préliminaire de solliciter un accès à la procédure, lorsqu'il aura été porté atteinte publiquement à leur présomption d'innocence. Ce sont bien les sources des journaux qui sont en ligne de mire. Gare à ceux qui les informent. S'ils venaient à être identifiés, ils risquent désormais trois ans de prison et 45 000 € d'amende, et les révélations publiques des éléments du dossier pourront les obliger à ouvrir le dossier d'enquête à la défense. Ça risque d'être dissuasif pour certains correspondants habituels…

Mais c'est surtout la réapparition sous condition des images des procès qui mérite d'être signalée. Interdites de salles d'audience depuis une loi de 1954 et les bousculades des reporters et photographes dans la cour d'assises trop exiguë de Digne lors du procès Dominici, les caméras sont donc de retour. Le texte voté en décembre dernier douche un peu l'enthousiasme que ce retour annoncé avait pu provoquer. C'est plus une loi qui étend les exceptions posées par la loi Badinter du 11 juillet 1985 pour les procès présentant un intérêt historique, qu'une véritable remise en cause de l'interdiction de 1954. D'ailleurs, le nouvel article 38 quater de la loi de 1881 ne fait qu'ajouter une exception à l'article 38 ter, dont l'interdiction reste le principe.

Les audiences pourront désormais être filmées pour « un motif d'intérêt public d'ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique ». L'autorisation sera donnée, après avis du ministre de la Justice, par les chefs de juridictions. Ces affaires ne pourront être diffusées qu'après qu'elles soient définitivement jugées. Et ces diffusions ne devront porter « atteinte ni à la sécurité, ni au respect de la vie privée des personnes enregistrées, ni au respect de la présomption d'innocence ». Bref, ces garde-fous(3) empêcheront, de fait, aux reporters des chaînes de télévision et aux réalisateurs de films et documentaires(4) de venir filmer les procès qui les intéressent, sans parler des photographes qui restent toujours bannis des prétoires…

C'est décevant pour ceux qui espéraient que la France rejoindrait les démocraties(5) qui ne craignent pas de montrer comment leur justice fonctionne, en laissant les caméras et photographes des organes de presse s'inviter à suivre des procès, et à en rendre compte par l'image.

Ils n'auront plus qu’à espérer que la nouvelle exception légale à l'interdiction sera couramment mise en œuvre, et que les diffusions qui seront faites des procès « dignes d'intérêt » apaiseront les craintes et frilosités dont le législateur s'est finalement fait l'écho dans ce texte. Cela sera alors peut-être une première étape vers une vraie libéralisation du droit de l'information par l'image et le son en la matière, puisque la prochaine réforme de notre justice pénale est forcément très proche…

27 janvier 2022 - Légipresse N°399
718 mots
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