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Le DSA et le risque de censure privée
Le lobbying des GAFA à Bruxelles n'a jamais été aussi actif. La bataille en coulisse bat son plein. L'objet de ces tractations est la mise en place du DSA (le Digital Services Act) par lequel l'Union européenne entend se doter de nouveaux outils juridiques pour lutter contre les contenus illicites en ligne, en contraignant les grandes plateformes à coopérer. Ce sont principalement « la haine en ligne » et la désinformation qui sont en ligne de mire, et plus fondamentalement une modernisation de la directive de 2000 sur le commerce électronique, qui, c'est vrai, date un peu.
Thierry Breton l'avait annoncé il y un an, « tout ce qui est illégal dans le monde réel doit l'être aussi dans le monde virtuel »(1), et pour cela, il faut élargir et clarifier un ensemble commun de responsabilités pour les entreprises qui fournissent des services en ligne dans l'Union, quel que soit l'endroit où elles sont situées dans le monde.
Or, le Conseil de l'Union européenne vient d'arrêter « l'orientation générale » du texte à venir(2). Elle comporte une avancée significative en ce qu'elle ajoute les moteurs de recherche en ligne aux autres services intermédiaires, que sont principalement les plateformes de réseaux sociaux. L'objectif est « d'améliorer les mécanismes de suppression de contenus illicites », sans méconnaitre, ajoute le Conseil, « la protection effective des droits fondamentaux, notamment la liberté d'expression ».
La balle est à présent au Parlement européen. C'est alors que le lobbying va être le plus féroce. Dans la danse, les médias ont déjà fait connaître leur inquiétude de voir les mécanismes de modération confiés aux plateformes, et qu'ils aboutissent à des suppressions de contenus trop systématiques, au point d'en faire « des censeurs privés »(3). Ils sont, à raison, très attachés à « une non-ingérence » des plateformes sur les contenus éditoriaux, dont ils rappellent le rôle démocratique.
Et l'on est revenu à cette occasion sur les particularismes du produit de presse, vielle chimère qui consisterait à lui reconnaître un régime d'exception. De fait, distinguer les informations venant de médias des autres fournisseurs d'informations risque d'être arbitraire et bien incertain.
La modération indispensable par les plateformes devra être justifiée, transparente et contestable. La solution consiste surtout à voir trancher les différends par un juge indépendant, qui doit avoir le dernier mot et dont les décisions doivent pour cela être opposables aux plateformes, quand bien même leur maison mère serait protégée par le Premier amendement américain.
L'enjeu des discussions à venir est donc considérable. Il faut trouver la ligne de crête entre la protection de la liberté d'expression et la souveraineté européenne.