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La protection de la présomption d'innocence : un défi pour l'État de droit
Le garde des Sceaux a confié au printemps dernier à Elisabeth Guigou une mission de réflexion et de proposition sur la présomption d'innocence. C'était une bonne idée. Madame Guigou avait porté, étant alors elle-même garde des Sceaux, une loi qui depuis porte son nom(1), qui a beaucoup fait pour l'effectivité de la présomption d'innocence, non seulement comme garantie du procès équitable, mais aussi comme droit subjectif, limite de la liberté d'expression. Cette loi a, complétant celle du 4 janvier 1993, effectivement discipliné la presse qui n'affirme plus aussi brutalement qu'elle a pu le faire pendant des années, avant l'heure, la culpabilité des personnes poursuivies.
C'est, en réalité, l'arrivée des réseaux sociaux, leur mécanique simplificatrice et nourrissant le scandale, qui a remis la question au goût du jour. La règle y est la propagation de la rumeur et la dénonciation sans nuance ni vérification. La mission confiée à Madame Guigou, et au groupe qu'elle a constitué autour d'elle(2), consistait à dresser un état des atteintes et à formuler des propositions pour y remédier. Le groupe a rendu son rapport la veille des États généraux de la justice(3).
Il formule quarante propositions(4), lesquelles s'articulent autour de trois champs de réflexion visant à : renforcer l'éducation des citoyens au fonctionnement de la justice, améliorer la communication de la justice sur son action, ce qui passe par une meilleure formation des magistrats à la communication, enfin rendre la protection civile de la présomption d'innocence plus efficace, en particulier sur les réseaux sociaux.
On en est donc, là encore, revenu à la question récurrente du sentiment d'impunité qu'entretient la difficulté à contraindre les grandes plateformes à coopérer avec la justice. Le groupe de travail recommande d'élargir, dans le prolongement de la loi du 24 août dernier(5), le champ d'application désormais ouvert à la lutte contre la haine ligne de l'article 6-I-7 de la LCEN, aux atteintes à la présomption d'innocence, en se fondant notamment sur l'article 48 de la Chartre des droits fondamentaux de l'Union européenne(6). C'est tout l'enjeu qu'emporterait une revitalisation efficace de l'action de l'article 9-1 : pouvoir saisir le juge en urgence pour supprimer ou corriger un message portant atteinte à ce principe, en identifiant son auteur. L'impunité disparaissant, la discipline que s'est imposée la presse depuis la loi Guigou pourrait s'imposer sur les réseaux… Il n'est jamais inutile d'espérer.
C'est le sens du rapport de la mission Guigou qui a vu, à raison, dans la question du respect de la présomption d'innocence, un véritable défi pour l'État de droit ; car celui-ci suppose une justice dont le fonctionnement et l'action sont connus de tous, dont le temps est respecté et qui reste effective même dans le monde virtuel.