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Et soudain, Twitter et les autres sont sortis du bois
Après la prise d’assaut du Capitole américain le 6 janvier dernier, on a assisté, le lendemain, à celle de la liberté de parole du président des États-Unis par les responsables de réseaux sociaux. Facebook a en effet annoncé, par la voix de son président, Mark Zuckerberg, le blocage du compte de Donald Trump pour une durée de treize jours, emportant aussi un blocage de son compte Instagram. Le même jour, Twitter a suspendu son compte aux 88,7 millions de « followers », pour violation de son règlement sur sa « politique d’intégrité civique ». Leur emboitant le pas, plusieurs autres plateformes, parmi lesquelles Snapchat, Twitch, Reddit et TikTok ont mis en place des restrictions de même nature.
Aucun juge, à notre connaissance, n’avait ordonné ces mesures de censure. Aucun des opérateurs n’a même invoqué le fait que ces blocages leur auraient été réclamés légitimement par un quelconque plaignant. Non, ces mesures ont été prises d’autorité, unilatéralement. Le président Trump n’en était pourtant pas à son premier coup d’essai. Il est vrai qu’il était alors acquis que, définitivement battu par la proclamation des résultats de la veille, sa capacité de rétorsion avait considérablement diminué. Et, il ne s’agissait sans doute pas, du point de vue de ces plateformes, de faire alors taire le président des États-Unis, mais seulement un ennemi de la démocratie, un fauteur de trouble, à qui on avait laissé trop longtemps la parole impunément.
Ces géants n’avaient pas à l’esprit, qu’à leur tour, ils s’en prenaient à la démocratie, parce qu’à un de ses « droits les plus précieux »,(1) la libre communication des pensées et des opinions.
Cet événement est, en effet, révélateur de deux choses dont il faut avoir conscience. Ces plateformes épousent la pensée dominante. Le 7 janvier dernier, elles ont voulu plaire, ou plus simplement fait le choix du moindre inconvénient. Leur décision de blocage était utilitaire. Le second enseignement est celui de leur imperméabilité aux règles de droit qu’elles n’ont pas agréées. Seules les leur comptent. On le savait déjà. Elles ignorent les lois des pays dans lesquelles elles sont pourtant riches de millions d’abonnés, tout comme elles font fi, le plus souvent, des décisions judiciaires qui y sont rendues à leur encontre.
On retiendra, pour notre part, qu’elles se sont, en la circonstance, comportées comme des éditeurs, et non pas simplement comme un innocent intermédiaire technique qui n’y peut mais. Elles ont bien décidé, en vertu du droit « privé », qu’elles ont aussitôt invoqué, de bloquer le compte d’un cocontractant, comme elles le font régulièrement, et comme toute entreprise peut le faire, sans avoir à en répondre à quiconque d’autre que le seul intéressé.
Il faudra s’en souvenir. Cette responsabilité qu’elles se sont arrogée, c’est celle d’un éditeur ; lequel surveille et choisit les contenus dont il permet la diffusion ou l’accessibilité. Ce n’est pas rien, à l’heure où l’Union européenne vient de poser ses Digital Services Act (DSA) et Digital Markets Act (DMA)(2) visant à discipliner « l’oligarchie numérique »(3), et à l’heure où le dispositif leur imposant des obligations de modération sous le contrôle du juge est en passe d’être adopté par le législateur français, lors du vote de la loi confortant les principes républicains.
Il est en effet urgent, dès lors que les réseaux sociaux se sont aujourd’hui imposés comme le premier vecteur de l’expression politique, que les États ne soient pas soumis à l’arbitraire et l’opportunisme de leurs décisions unilatérales.