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Accueil > Communications électroniques > Confinée, l'Europe se réveille dans la lutte contre les contenus digitaux illicites - Communications électroniques

Communication numérique
/ Tribune


08/01/2021


Confinée, l'Europe se réveille dans la lutte contre les contenus digitaux illicites



 

L'Europe, cette belle endormie, n'avait rien entrepris en matière de régulation sur internet depuis la directive sur le commerce électronique de 2000. Un siècle en ce domaine ! À la faveur de la crise sanitaire, dont on observe qu'elle est un grand accélérateur de la virtualité, le premier marché du monde – et son plus grand espace démocratique – a décidé de discipliner les grands acteurs du monde virtuel, à l'horizon 2022. La philosophie de l'entreprise est claire et ambitieuse : « Ce qui est illégal dans le monde physique doit l'être dans le monde digital »(1).

Le projet se décline en deux textes : le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Service Acts (DSA). C'est ce dernier qui va enrichir le droit de la communication. Les plateformes concernées sont désormais définies. C'est la principale nouveauté. Il s'agit de tous les services en ligne (réseaux sociaux, plateformes de vente en ligne, moteurs de recherche). Les « très grandes plateformes », c’est-à-dire ayant au moins 45 millions d'utilisateurs dans l'Union, soit un seuil de 10 % de sa population totale, seront soumises à des obligations supplémentaires. Le DSA va imposer à ces services des obligations de moyens dans la lutte contre les contenus illicites et de transparence dans leurs algorithmes de recommandations. Ils devront coopérer avec « les tiers de confiance » que sont notamment les autorités judiciaires et policières, en laissant en particulier un libre accès à leurs fonctions de modération. Ils devront nommer un représentant légal dans chaque pays, qui sera responsable devant ces autorités. Le projet pose en outre un mécanisme de retrait des contenus proche de celui censuré par le Conseil constitutionnel en juin dernier(2) : tout retrait devra être notifié à son auteur qui pourra contester la décision, et les internautes qui auront signalé un contenu illicite seront tenus informés des suites réservées à leur demande. Il conviendra de voir comment ce mécanisme se conformera aux principes rappelés par le juge constitutionnel. Les plateformes devront enfin se soumettre à un régulateur national, lequel pourra leur infliger des amendes allant jusqu'à 6 % de leur chiffre d'affaires mondial.

Le texte donne ainsi une assise européenne aux mesures que proposait la loi Avia(3), mais qui, ayant presque toutes été jugées inconstitutionnelles, sont remises sur le métier à l'occasion du vote du projet de loi confortant le respect des principes de la République(4). Comme pour le droit voisin des éditeurs, la France est donc en avance. Elle a déjà son régulateur en la personne du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), appelé à devenir l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) une fois que la fusion annoncée avec la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) sera réalisée.

Les principales innovations du DSA par rapport à ce qui est déjà en chantier en France seront : la transparence et le contrôle des algorithmes, la possibilité de suspendre des comptes abusifs, la coordination européenne de la régulation. Il y aura même des obligations d'atténuation des risques systémiques que sont la viralité des contenus illégaux et la manipulation de l'information.

Bref, un vaste programme qu'il faut saluer ! On attend de voir comment tout cela sera mis en œuvre et surtout la riposte à venir des GAFA, qui ne vont sans doute pas se laisser faire…

8 janvier 2021 - Légipresse N°388
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