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Tribune


01/03/2013


Information politique et générale, qui t'a faite citoyenne ?



 

Du rapport de la Cour des comptes (1) aux accords Google, en passant par les réflexions en cours du groupe d'experts mis en place par le ministère de la Culture et de la Communication en janvier dernier, l'information politique et générale est au centre des débats sur le périmètre des aides à la presse.
La Commission paritaire des publications et agences de presse (Cppap) est plus particulièrement chargée d'apprécier ce critère pour les publications imprimées sollicitant le bénéfice de l'abattement sur le tarif réduit du transport postal de la presse (dispositif dit du « ciblage » prévu par l'article D. 19-2 du Code des postes et des communications électroniques), pour les services de presse en ligne et, depuis fin 2009, pour le bénéfice de l'article 39 bis A du Code général des impôts (Cgi) permettant de constituer des provisions pour investissement.
L'accès à cette noble qualification de titre d'information politique et générale (Ipg), caractérisant une approche pluraliste de l'information des citoyens, ne concerne qu'une minorité réduite à 3 % de l'ensemble des inscrits de la Cppap. Ainsi, au 1er mars 2013, la Cppap compte quatre cents titres de presse papier ciblés sur ses registres et cent soixante-sept services de presse en ligne d'information politique et générale (sur cinq cent trente-trois homologués). Depuis 2010, la Cppap a par ailleurs délivré dixhuit avis favorables à l'appréciation des critères réglementaires exigés par le dispositif de l'article 39 bis A du Cgi.
Afin de mieux cerner les contours de cette notion subjective, il importe d'examiner l'interprétation retenue pour le ciblage de la presse papier (A) puis pour la reconnaissance des services de presse en ligne (B) avant de s'interroger sur ses modalités d'application pour l'article 39 bis A (C).
A. Critères d'éligibilité au bénéfice du ciblage des titres papier Aux termes de l'article D. 19-2 du Code des postes et des communications électroniques, pour présenter un caractère d'information politique et générale, les publications, de périodicité au maximum hebdomadaire, doivent, de façon principale et régulière, apporter sur l'actualité politique et générale, locale, nationale ou internationale des informations et commentaires tendant à éclairer le jugement des citoyens. Elles doivent au surplus s'adresser à un public diversifié et non à une catégorie particulière de lecteurs. La publication d'information politique et générale couvre en principe tout le champ de l'actualité, qu'elle soit politique, économique, sociale, scientifique, culturelle, sportive, ou relative à d'autres thèmes divers, par des exposés et analyses des faits et événements qui tendent à éclairer le jugement des citoyens. Son contenu ne doit être spécialisé ni par son objet ni par ses lecteurs. à la consultation des registres de la Cppap, les titres Ipg de la presse imprimée fleurent bon la France au plus profond de ses terroirs, par ses courriers, dépêches, échos, éveils, réveils et autres gazettes. La presse d'information locale et régionale représente en effet trois cent quarantequatre titres sur quatre cents. La reconnaissance de cette qualité sur le support numérique, qu'elle soit accessoire d'une publication imprimée ou « pure-player » apparaît plus diversifiée.
B. Qualité de service de presse en ligne d'information politique et générale Les critères d'appréciation de l'Ipg pour la presse en ligne, prévus par l'article 2 du décret n° 2009-1340 du 29 octobre 2009, sont très proches de ceux utilisés pour le « ciblage » en presse imprimée.
- Sont exclus les contenus à caractère trop spécialisé (par exemple des sites d'information médicale), ou ne présentant pas suffisamment d'information à caractère politique ou à caractère général. Ont en revanche été reconnus d'Ipg, sous réserve d'un traitement diversifié et accessible à un large lectorat, des services qui traitent l'actualité sous un prisme particulier comme celui de l'économie ou du développement durable.
- à la différence de la presse écrite pour laquelle est prévu un critère de périodicité, les informations doivent être apportées « de façon permanente et continue ». Il a ainsi été estimé qu'un renouvellement bimensuel du contenu n'était pas suffisant pour répondre à cette exigence.
- Ces informations doivent dépasser significativement les préoccupations d'une catégorie de lecteurs et traiter de sujets divers susceptibles de recueillir l'intérêt d'un public large et varié. Si l'actualité peut être abordée sous un prisme particulier (par exemple une religion ou une orientation politique), elle ne doit pas s'adresser de façon quasiment exclusive aux membres d'une communauté. En outre, l'accès à l'information ne doit pas être restreint. La Cppap a ainsi estimé que le contenu et le prix très élevé tant de l'abonnement que de la facturation à l'article d'un site limitaient sa diffusion à une catégorie par-

ticulière de lecteurs, décideurs politiques et économiques.
Cette interprétation est conforme à l'approche retenue par la Commission pour la presse papier, confirmée par la jurisprudence du Conseil d'État (2).
C. L'information politique et générale au sens du 39 bis A du Cgi Le régime de provisions pour investissement en faveur des entreprises de presse, institué en 1953 et défini par l'article 39 bis A du Cgi, exige que la publication éditée réponde aux critères de l'article 17 de l'annexe II du même code, modifié par le décret n° 2010-412 du 27 avril 2010. Dans la famille des aides à la presse, l'article 39 bis A, cousin riche du ciblage dans son fondement d'aide fiscale à l'investissement, est devenu le parent pauvre de l'information politique et générale, dans sa proportionnalité réduite au tiers de la publication et dans la suppression de l'exclusion de la catégorie particulière de lecteurs. La presse spécialisée (agricole, médicale, scientifique ou juridique) peut en conséquence y prétendre (3).
Contrairement au dispositif précédent relevant de la seule appréciation des services fiscaux (4), le décret n° 2009-1423 du 19/11/2009 (5) a confié compétence à la Cppap pour délivrer un avis sur le respect de ces critères. La liste des avis délivrés depuis 2010 s'élève aujourd'hui à dix-huit titres. Du fait de son caractère iconoclaste, celle-ci s'apparente quelque peu à un inventaire à la Prévert. S'y trouvent des titres : - dédiés à l'information politique (du royaliste « Politique magazine » au républicain « Le nouveau bastille ») dont certains comprennent une approche éditoriale particulière telle que satirique (« Siné hebdo », « Fluide glacial ») ou littéraire (« L'impossible ») ; - privilégiant un thème d'information, en particulier l'économie (« L'Expansion », « Alternatives économiques », « Environnement magazine », « Acteurs publics ») ; - d'information du consommateur ou de conseils juridiques et patrimoniaux généralistes (« Intérêts privés », « Que choisir », « Dossier familial ») ; - qui s'adressent plus particulièrement à une catégorie de lecteurs : enfantin (« Okapi », « Phosphore », « Le journal des incollables »), féminin (« Causette ») ou anglophone (« The connexion »).
Des « Acteurs publics » aux « Intérêts privés », on ne sait « Que choisir » comme critère commun ?... Tentons cependant de dégager une première lecture de la doctrine de la Cppap en construction.
Si elle est de tiers ordre et non plus dans la majorité et qu'elle peut être réservée à une catégorie particulière, voire privilégiée, de lecteurs, tant dans ses conditions d'accès que dans son public, l'Ipg du 39 bis A doit demeurer une information du citoyen. Qu'est-ce que la politique ? Qu'est-ce qu'un citoyen ? Le dictionnaire définit la politique comme ce qui est relatif aux affaires publiques et le citoyen comme le membre d'un État, du point de vue de ses droits et devoirs politiques. Cette notion a été reprise par le Conseil d'État pour qui « l'information politique doit s'entendre au sens large, c'est-à-dire l'information afférente à la vie publique. » (6). Une ancienne instruction précisait de même que « les informations politiques peuvent s'entendre comme relatives aux rapports entre les États, au fonctionnement des institutions juridiques, ainsi qu'à tous les problèmes d'ordre social, moral ou administratif qui intéressent les citoyens en tant que tels. » De ce fait, l'information politique « exclut les revues scientifiques, culturelles, techniques ou sportives. » (7).
Au vu des premiers avis défavorables délivrés, la question se pose plus particulièrement pour la presse spécialisée juridique et économique. Selon Alfred Sauvy, « Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés, ils deviennent des sujets ». Dès lors, le sujet de droit peut-il être élevé au rang de citoyen grâce à une information spécialisée ? Sur l'information en elle-même, il suffit d'évoquer les trois piliers du droit chers au doyen Carbonnier (8) – famille, contrat et propriété – pour mettre en évidence la pleine actualité de ces thèmes d'intérêt public pour le citoyen.
Le droit civil tend en effet à se dissoudre dans les valeurs mêmes de la société française contemporaine. Il a ainsi pu être relevé que « la volonté d'informer concrètement sur les modalités de résolution des litiges de la consommation, sur les questions juridiques concernant la vie familiale, les problèmes de logement, de contrat, montrent l'écart entre la demande de connaissance de leurs droits par les citoyens et le niveau de réponse que la société est capable de leur assurer malgré la politique, récente et fragile, d'accès au droit. » (9). De même, l'économie prend une part grandissante dans la vie de chacun.
Reste toutefois que le traitement éditorial doit rester accessible au citoyen lambda. En effet, le rôle de la presse d'Ipg est d'offrir des clés de compréhension au lecteur. Les échotiers et journalistes localiers seraient-ils à cet égard jugés plus éclairants que les disciples de Portalis ? Non, mais pour que la presse juridique atteigne les rangs de la presse d'information politique et générale, il lui appartient de sortir de ses enceintes professionnelles et universitaires qu'elles soient assemblées, prétoires, chaires de facultés ou bureaux. Éditer une information politique et générale pour éclairer le jugement des citoyens, ce n'est pas mettre en lumière les jugements de nos concitoyens ni les édits du législateur à des fins professionnelles et techniques.
Où finit le politique et où commence le technique ? Doit-on se limiter à une notion de citoyen électeur ou l'élargir à celle de professionnel, conseiller, étudiant, chercheur, formateur ? En attendant que la Cppap précise sa doctrine, éminents lecteurs de Légipresse, je confie cette réflexion à votre sagacité de jugement de citoyen éclairé !
1er mars 2013 - Légipresse N°303
1941 mots
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