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Accueil > Aperçu de l'avant-projet de loi sur la société de l'information -

Tribune


01/05/2001


Aperçu de l'avant-projet de loi sur la société de l'information



Après d'ultimes arbitrages interministériels, l'avant projet de loi sur la société de l'information a été validé à la fin du mois de mars, transmis pour avis aux autorités consultatives de l'État et pourrait être présenté en Conseil des ministres au début du mois de juin. Nous présentons ici les questions de droit de la communication abordées par le texte et reviendrons, dans les prochains numéros, sur certains de ces thèmes à travers des éclairages particuliers.

 

PAR DES CANAUX DIVERS, notamment, comme il se doit sans doute s'agissant d'un sujet comme celui-là, sur des sites internet privés (1) (ne sachant pas, alors, si on doit en vanter la performance, dénoncer le procédé et douter de la fiabilité de l'information, ou reprocher aux pouvoirs publics la diffusion de ce qui n'est pourtant encore qu'un avant-projet), le texte du “projet de loi sur la société de l'information” a été rendu accessible. On accompagnera ici la présentation du contenu de ce projet, dans ce qui touche, au moins, aux activités de communication (publique) qui seules relèvent du droit de la communication (2), de quelques considérations générales, avant de formuler diverses remarques ou appréciations sur certaines de ses dispositions particulières.
I – CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES Les quelques remarques, ici exprimées, sont essentiellement relatives à l'exposé des motifs. On regrettera, au passage, que, en droit français, contrairement à certaines législations étrangères, un tel exposé des motifs ou certains de ses éléments, au moins, ne constituent pas véritablement un élément de la loi votée et promulguée. On obligerait ainsi les autorités publiques à s'expliquer plus précisément sur les raisons et les objectifs d'une telle intervention législative. Chacun pourrait ensuite s'y référer, tant ceux auxquels le respect de la loi s'impose, que ceux (instances de régulation et juges) qui doivent en assurer l'application. Au titre de ces considérations générales, on envisagera, tout d'abord, l'origine et l'objet du projet de loi.
On s'intéressera ensuite à la nature et au contenu du texte.
A/ Origine et objet du projet de loi En partie liés l'une à l'autre, l'origine et l'objet du texte en préparation appellent ici quelques remarques. 1. Origine Pour ce qui est de l'origine du présent texte, on peut relever – comme le fait d'ailleurs l'exposé des motifs – que, présenté par le ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, il est en partie imposé par « l'environnement européen et international », et qu'il a fait l'objet d'une concertation ou « consultation publique » préalable. Il n'est pas indifférent que le ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie soit l'opérateur principal du projet. Cela est la manifestation d'une certaine réalité, mais aussi conception des choses. Cela indique la perspective (technique, industrielle, économique...) dans laquelle la question est principalement abordée. C'est l'expression des valeurs et priorités retenues. Pour ce qui relève du droit de la communication, le ministère compétent est ou devrait être, bien davantage, celui de la Culture et de la Communication.
L'environnement européen et international en question, c'est tout autant la réalité de la dimension des réseaux et échanges d'information et de communication, que la nature du droit qui, en conséquence, s'efforce d'en assurer l'encadrement. L'exposé des motifs fait référence à certains de ces textes, en particulier à la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique.
La marge d'appréciation des autorités nationales devient, en réalité, désormais bien limitée.
Le même exposé des motifs mentionne encore que ce texte « a fait l'objet d'une consultation publique ». Il précise – ce qui est bien le moins, en une matière comme celle-là – que celle-ci a été « conduite en partie sous forme électronique ».
Sans nier, bien évidemment, l'intérêt et l'utilité de telles concertations préalables, on s'interrogera cependant sur la représentativité de ceux qui y participent. La voie n'est-elle pas ainsi

surtout ouverte à l'expression des intérêts très catégoriels des “groupes de pression” (industriels, économiques...) les plus actifs ? Dans une relation de cause à effets réciproques, de telles origines et perspectives expliquent l'objet du projet de loi.
2. Objet L'objet d'un tel projet de loi est explicité et en partie déterminé tant par son titre que par les thèmes ou domaines de son intervention.
On peut s'interroger sur la réelle signification d'un intitulé tel que celui de « société de l'information ». Il s'agit sans doute essentiellement d'une conséquence de l'influence, en France, du langage des institutions européennes (3). On peut ne pas être pleinement convaincu de ce que le terme (4) “information”, probablement utilisé pour désigner l'informatique ou le numérique et leurs usages, soit le mieux choisi, alors que la notion d'information a, dans le langage usuel, un tout autre sens (relation des faits d'actualité, éléments de connaissance...).
On peut davantage douter que l'expression de “société de l'information” ait un sens, à moins qu'il ne faille s'inquiéter d'une telle société où tout serait réduit à l'informatique, considéré à travers elle, construit autour ou à partir d'elle. L'objet du projet de loi est, plus exactement, l'adaptation du droit à l'évolution des techniques de communication et de leurs usages.
Une telle dénomination de “société de l'information” a, pour les spécialistes du droit de la communication (publique), le très grand inconvénient d'établir et d'entretenir une fâcheuse confusion entre deux formes de communication très distinctes : la communication publique, assurée par les médias, d'un côté, et les diverses formes de communications ou correspondances privées, de l'autre. Même si elles utilisent, en partie, les mêmes techniques et les mêmes canaux (informatique, télécommunications...), elles sont cependant très différentes les unes des autres et appellent une réglementation distincte. L'accès aux données publiques et aux archives publiques, la liberté de communication en ligne ou la responsabilité des opérateurs, par exemple, n'ont rien à voir avec les contrats par voie électronique ou la cryptologie... évoqués dans ce même projet de loi.
On ne gagne pas en clarté et en cohérence en prétendant légiférer, par un même texte, sur des questions aussi diverses, obéissant à des principes différents sinon opposés et relevant de disciplines juridiques distinctes. Ces considérations sur l'objet de ce droit conduisent à envisager la nature et le contenu du projet de loi.
B/ Nature et contenu du projet de loi Un principe essentiel de ce projet de loi, que l'on considérera comme tout à fait positif et justifié (5), mais dont il n'est pas sûr qu'il y soit toujours et pleinement respecté, repose sur le choix affirmé – qui en constitue en quelque sorte le postulat – « de ne pas créer un droit spécifique pour les réseaux et les contenus numériques, mais d'assurer l'adaptation des règles de notre droit à la société de l'information ». Une telle prétendue “adaptation” passe cependant ici par l'adoption de textes ou de dispositions spécifiques qui distinguent donc ces techniques ou supports de communication, de ceux jusque-là pris en compte. À prétendre ainsi courir derrière le progrès des techniques, le droit risque surtout d'être toujours en retard d'une réforme ou d'une adaptation. La solution la plus sage ne seraitelle pas, au niveau de la loi tout au moins, de ne poser que de grands principes et de ne retenir que des notions générales ou communes, telles que celles de publication, de communication ou de mise à disposition du public, par exemple, capables d'en englober toutes les formes et les techniques ? Pour permettre cette prétendue adaptation de notre droit à la présente étape de l'évolution des techniques de communication, une nouvelle fois, le législateur est amené à intervenir. La très grande instabilité législative est assurément une très regrettable caractéristique du droit français de la communication.
Après les dernières réformes introduites par les lois du 15 juin et du 1er août 2000, voici donc encore un nouveau texte en préparation.
Faut-il légiférer maintenant en ces matières et comme cela ? N'aurait-il pas fallu le faire plus tôt ou attendre plus tard ? Faut-il intervenir, par ce même texte, sur tous ces éléments ou seulement sur ceux-là ? Dans le seul secteur du droit de la communication, nombre de dispositions législatives sont à nouveau appelées à être partiellement modifiées (6). Il en est ainsi : de la loi du 30 septembre 1986, sur la liberté de communication audiovisuelle, de la loi du 17 juillet 1978, sur l'accès aux documents administratifs, de la loi du 3 janvier 1979, sur les archives, de la loi du 20 juin 1992, sur le dépôt légal, du code de la propriété intellectuelle, du code de la consommation...
Sans référence à quelques grands principes fondamentaux, il est bien difficile de trouver ou de donner une peu de cohérence à ces différents textes. L'énoncé de tels principes et le fait de s'y tenir dispenseraient d'avoir à y intervenir trop fréquemment. Une telle méthode législative et un tel contenu seraient assurément plus conformes à l'idée – que l'on dit moderne ! – de régulation. La référence ainsi faite à la nature et au contenu du projet de loi conduit à en examiner, dans des considérations particulières, certains éléments, de façon plus détaillée.
II – CONSIDÉRATIONS PARTICULIÈRES Isolant ici, de l'ensemble du projet de loi, ce qui, notamment dans les premiers titres, relève du droit de la communication, on considérera successivement ce qui relève de l'intervention publique et des garanties de “l'accès à l'information ” d'une part, de la “liberté de communication” et de la responsabilité des contenus d'autre part.
A/ Intervention publique et garanties de l'accès à l'information Objet du titre 1er du projet de loi, l'intervention publique est sollicitée ou justifiée pour garantir l'accès aux techniques et moyens modernes de communication. Elle est également prise en compte pour assurer, par la conservation des œuvres et documents, l'accès au contenu de l'information. On peut également considérer de façon particulière les dispositions qui, dans le titre concernant le “commerce électronique”, sont relatives à l'offre de biens et de services et à la publicité.

1. Accès aux techniques L' “ accès aux services” ou aux techniques de communication est ici considéré tant en ce qui concerne l'accès aux réseaux que la préservation des noms de domaines.
• La garantie du droit d'accès aux réseaux devrait, aux termes de l'article 1er du projet de loi, faire l'objet d'une disposition modifiée du code des postes et télécommunications assurant, à tous, l'accès aux différents services de télécommunication.
• L'article 2 du projet de loi est consacré à l' “adressage par domaines” (7). Les noms de domaines (8) y sont considérés comme “une ressource publique limitée” Cela justifierait ainsi l'intervention de l'État dans un secteur dont l'organisation relevait pourtant, jusqu'ici, de l'initiative privée. Il est notamment prévu : « le ministre chargé des télécommunications désigne […] les organismes chargés de gérer les domaines [et s'assure du respect, par ceux-ci, des objectifs] d'intérêt général [notamment] en garantissant des conditions d'accès objectives, transparentes et non discriminatoires aux noms de domaine, dans le respect des droits de propriété intellectuelle ».
Il est renvoyé à un décret pour préciser la réglementation applicable en la matière.
2. Accès aux contenus C'est essentiellement la garantie de l'accès au contenu, de ce qui peut être exactement qualifié d'information, que le projet de loi vise à mettre en œuvre dans les chapitres suivants du même titre, concernant : l'accès aux données publiques, l'accès aux archives publiques et le dépôt légal. Il s'agit essentiellement d'étendre aux techniques nouvelles, des supports numériques et de la communication en ligne, les règles et obligations définies dans les lois qui se trouveraient ainsi modifiées. Une définition plus large et générale des techniques et supports de communication permettrait sans doute de faire l'économie de ces insertions et modifications législatives successives.
S'agissant de ce qui est ou qui serait désormais qualifié de “données publiques”, alors que la loi du 17 juillet 1978 – dans laquelle, bien étrangement, seules certaines des dispositions nouvelles semblent appelées à être intégrées – ne mentionnait, jusque-là, que les “documents administratifs”, une des nouveautés consiste à prévoir, à l'article 3 du projet, pour celles au moins des données qui ne seraient pas considérées comme des “données essentielles”, que puisse être demandée – par qui, à quel titre et au profit de qui ? – une rémunération en contrepartie de leur exploitation commerciale. Le dernier alinéa du même article fait, par ailleurs, référence à la création d'une “instance de médiation” nouvelle, alors qu'existe déjà la Commission d'accès aux documents administratifs.
Le régime des “données publiques” est, ici encore, distingué de celui des “archives publiques”. Les dispositions nouvelles, qui ne concernent pas seulement les techniques ou supports de communication les plus modernes ou les plus récents, viseraient essentiellement à réduire les délais – actuellement définis par la loi du 3 janvier 1979 qui serait ainsi modifiée – à l'expiration desquels la consultation de ces documents d'archives deviendrait libre.
Au titre, toujours, de l'accès à l'information, il est également envisagé, par ce projet de loi, de compléter la loi du 20 juin 1992 relative au dépôt légal, pour y intégrer des dispositions concernant « le dépôt légal des services de communication en ligne ». Une telle obligation de dépôt s'imposerait à toutes « les personnes qui éditent, produisent, ou qui stockent de manière directe et permanente, pour mise à disposition du public, tous signes, signaux, écrits, images, sons ou messages de toute nature ». Encore faudra-t-il, bien évidemment, qu'un quelconque lien de rattachement – restant à définir – les unisse au territoire et donc au droit national. Tous les éléments de contenu ainsi rendus publics présentent-ils le même intérêt et méritent-ils d'être conservés ? Sauf à se trouver très vite submergés par l'abondance des œuvres et documents conservés, une sévère sélection ne s'impose-t-elle pas, au nom même de l'accès à l'information ? Est-on d'ailleurs sûr de la pérennité de certains supports d'information et des moyens ou appareils de lecture ou de consultation ? 3. Offre de biens et de services et publicité Dans le titre III du projet de loi, consacré au “commerce électronique”, diverses dispositions concernent l'offre de biens et de services et “la publicité par voie électronique”. Dès lors qu'il s'agit de messages adressés à un public indifférencié, ceux-ci relèvent aussi du droit de la communication.
Au titre de la garantie de l'accès à l'information, ou du droit du public à l'information, un certain nombre de renseignements ou d'indications doivent être fournis au public. L'article 24 du projet de loi pose : « toute personne qui exerce une activité [de] fourniture de biens ou de services faite à distance, par voie électronique, par des personnes physiques ou morales agissant à titre professionnel [doit] garantir, directement et en permanence, un accès facile » à diverses informations permettant son identification ou la concernant.
Pour ce qui est de la publicité par voie électronique, la même exigence de transparence est formulée, comme cela est également fait pour les autres techniques ou supports de communication, par l'article 25 du projet de loi. Celui-ci prévoit d'introduire, dans la loi du 30 septembre 1986, un nouvel article 43-10-2, aux termes duquel : « toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle doit également permettre d'identifier la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée. » Il est également prévu d'intégrer le même principe de transparence ou de claire identification de la nature et de l'origine des messages, dans les dispositions d'un nouvel article L. 121-15-1 du code de la consommation concernant les publicités non sollicitées ainsi que les offres promotionnelles.
Au droit à l'information, ainsi consacré ou protégé, s'ajouterait, en la matière, de façon nouvelle et originale, une sorte de droit à la “non-information” des personnes qui ne souhaitent pas recevoir de tels messages publicitaires. Aux termes d'un nouvel article L. 121-15-3 du code de la consommation,

il serait posé que ceux qui « envoient des publicités non sollicitées veillent à ce que celles-ci ne soient pas adressées à des personnes physiques qui ne souhaitent pas recevoir ce type de communication et qui se sont inscrites à cet effet dans des registres d'opposition. » B/ Liberté de communication et responsabilité des contenus Le titre II du projet de loi est consacré à la liberté de communication en ligne. Énonçant ce principe de liberté, il l'accompagne, tout aussi nécessairement, de ce qui est, tout à la fois, la formulation de garanties et de limites conduisant à la détermination d'un régime de “responsabilité”.
1. Principe de liberté Certaines, au moins, des dispositions relatives à l'affirmation du principe de “liberté de communication en ligne” sont appelées à être intégrées à la loi du 30 septembre 1986, déjà maintes fois modifiée (9). Considérées, par certains, comme une garantie et, par d'autres, comme une restriction à cette liberté, s'y ajoutent des dispositions spécifiques relatives au droit de réponse dans un service de communication en ligne. Dans un formule sans doute assez inutile ou superflue, et que l'on risque de toute façon d'oublier assez vite puisque son intégration dans un autre texte n'est pas prévue, l'article 10 du projet de loi pose : « la communication en ligne est libre ».
Aux termes de l'article 11 du projet de loi, et par ce qui est appelé à devenir un troisième alinéa de l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986, est proposée une définition de la communication en ligne, se distinguant de la communication audiovisuelle (définie à l'alinéa 2 du même article), parce que ces nouveaux services sont “transmis sur demande individuelle”.
Une telle notion n'englobe-t-elle pas la télévision à la demande ? Si cela a quelque conséquence, quelle notion faire alors prévaloir ? Devra-t-on désormais distinguer les services de communication audiovisuelle, les services de communication en ligne et les services de communication audiovisuelle en ligne ? Faisant usage de cette distinction, et selon une méthode législative qu'on ne saurait approuver du point de vue de la forme, le même article 11 du projet de loi prévoit d'introduire, avant l'article 43-7 par lequel commence le chapitre VI (introduit par la loi du 1er août 2000 et dont l'intitulé serait pourtant déjà modifié pour être consacré aux “dispositions relatives aux services de communications en ligne” (10) du titre II de la loi du 30 septembre 1986, un nouvel article 43-6-1 (faisant suite à la numérotation d'un chapitre précédent) par lequel il est posé : « les dispositions du présent chapitre ainsi que les articles 17 et 41- 4 sont applicables aux services de communication en ligne ».
Ces articles 17 et 41-4 sont relatifs à la répartition – qui est loin d'être claire, du fait notamment des réformes législatives successives – des pouvoirs des diverses instances ou autorités (Conseil supérieur de l'audiovisuel, Conseil de la concurrence, autorités administratives ou judiciaires) en matière de “concurrence” et de “concentrations”, afin de mieux assurer la liberté proclamée.
À cet égard également, et dans la même perspective, il serait, par l'article 12 du projet de loi, ajouté une prise en compte des “services de communication en ligne associés au programme principal” au moment de l'octroi, par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, des autorisations d'exploitation des services de radio et de télévision par voie hertzienne terrestre et par satellite.
Même si le “droit de réponse” est plutôt perçu, par les exploitants de services de communication, comme une restriction à leur liberté, il paraît pourtant justifié de le considérer, comme on le fera ici, comme une condition, un renforcement ou garantie de cette liberté. L'article 13 du projet de loi prévoit d'introduire, dans le chapitre VI du Titre II de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, relatif aux services de communications en ligne (11), un nouvel article 43-10-1 qui régirait ce droit de réponse, mais aussi, de façon plus nouvelle et originale (12) et qu'on jugera fort intéressante, un droit “de correction ou de suppression du message”. Alors que, dans le secteur de la communication audiovisuelle, un tel droit de réponse n'est accordé, de façon bien restrictive, par l'article 6 de la loi du 29 juillet 1982, qu'à une personne à l'encontre de laquelle ont été diffusées : « des imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation », par le présent projet de loi, un tel droit serait reconnu, beaucoup plus largement, à « toute personne nommée ou désignée dans un service de communication en ligne ».
Une autre différence essentielle entre le régime prévu par l'article 13 du projet de loi, pour les services de communication en ligne et celui qui est actuellement en vigueur s'agissant de l'exercice du droit de réponse dans les services de communication audiovisuelle concernerait le délai d'exercice de ce droit. Dans l'un et l'autre cas, il serait de “trois mois” (13), mais le point de départ de ce délai serait tout différent. Aux termes de l'article 6 de la loi 29 juillet 1982, pour les services de communication audiovisuelle, « la demande d'exercice du droit de réponse doit être présentée dans le délai de trois mois suivant (celui de) la diffusion du message » (14). Pour les services de communication en ligne, la formulation retenue par le projet est : « la demande d'exercice du droit de réponse doit être présentée au plus tard dans un délai de trois mois suivant celui de la cessation de la mise à disposition du public du message contenant la mise en cause qui la fonde ». Ce ne serait donc pas le premier jour de la “mise à disposition du public” qui serait ici retenu, mais celui de la “cessation de la mise à disposition du public”. Le législateur entend-il ainsi prendre position sur la question controversée du caractère “instantané” ou “continu” de la publication sur l'internet, soulevée notam-

ment à propos de la question voisine de la détermination du point de départ du délai de prescription des infractions (15), en particulier pour celles, pour lesquelles cela se pose de façon plus aiguë définies dans la loi du 29 juillet 1881 ? La question ne se poserait pas dans les mêmes termes s'agissant des “demandes de correction ou de suppression du message” que la personne concernée pourrait “adresser au service, tant que celui-ci est accessible au public”. Resterait cependant à préciser si l'accessibilité au public concerne le service ou, plus probablement, le message, auquel cas il conviendrait probablement d'écrire “celui-là”, à la place de “celui-ci”. S'agissant, tout au moins, de la demande d'exercice du droit de réponse, le nouveau texte poserait, comme cela est fait s'agissant de l'exercice de ce droit dans les services de communication audiovisuelle, que “le demandeur peut agir à l'encontre du directeur de la publication”, dans le cadre d'une procédure de référé, pour obtenir, du juge, qu'il ordonne “la mise à disposition du public de la réponse”. Aucune autre forme de mise en jeu d'une quelconque responsabilité, ni civile ni pénale, ne semble, à cet égard, envisagée.
2. Régime de responsabilité En nécessaire complément des dispositions relatives à la liberté de communication en ligne, le titre II du projet de loi comporte un chapitre II relatif à « la responsabilité des opérateurs ».
Il est ainsi revenu sur cette délicate question qui fait encore l'objet d'une jurisprudence incertaine, en dépit ou à cause de l'introduction de l'article 43-8 la loi du 30 septembre 1986, après que certaines dispositions en aient été déclarées, par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 27 juillet 2000, non conformes à la Constitution (16).
L'article 14 du projet de loi est consacré à la responsabilité des fournisseurs d'hébergement, tels que définis par l'article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986, introduit par la loi du 1er août 2000. Il est d'abord prévu d'y supprimer la référence jusquelà faite à la responsabilité pénale. Si l'on a bien compris, et contrairement à ce que l'on pourrait croire, cela ne signifierait pas que les fournisseurs d'hébergement ne puissent pas être “pénalement” responsables, mais seulement qu'aucun régime dérogatoire ou particulier ne serait, en la matière, prévu. Cela appellerait quelque clarification. Pour ce qui est de leur responsabilité civile, subsisteraient les dispositions, introduites par la loi du 1er août 2000 et toujours aussi énigmatiques, selon lesquelles ces personnes ne seraient responsables que « si, ayant été saisies par une autorité judiciaire, elles n'ont pas agi promptement pour empêcher l'accès » au contenu litigieux.
Reprenant la formulation précédemment déclarée non conforme à la Constitution, serait ajouté, à l'article 43-8, un nouveau tiret aux termes duquel les mêmes fournisseurs d'hébergement pourraient également voir leur responsabilité civile engagée si : « ayant effectivement connaissance [du] caractère manifestement illicite [du contenu d'un site, par eux, hébergé, ils] n'ont pas agi promptement pour le retirer ou en rendre l'accès impossible ». Une telle disposition, ouvrant la voie à l'exercice d'un contrôle du contenu ou d'un pouvoir de censure des sites, par les fournisseurs d'hébergement, risque, pour cela, d'être à nouveau fort contestée.
De façon nouvelle, seraient, par l'article 16 du présent projet de loi, introduites, dans le code des postes et télécommunications, des dispositions concernant la responsabilité civile des fournisseurs d'accès. Le nouvel article 32-3-1 dudit code poserait : « la responsabilité civile d'un opérateur de télécommunications […] ne peut être engagée à raison des contenus qu'il transmet », en quelque sorte, en direct, et dont il ne peut donc, ainsi, avoir une quelconque connaissance préalable.
S'agissant des contenus pour lesquels n'est assuré qu'un « stockage automatique, intermédiaire et temporaire […] dans le seul but de rendre plus efficace la transmission ultérieure », aux termes du projet d'article L. 32-3-2 du code des postes et télécommunications, la responsabilité civile du fournisseur d'accès ne pourrait être engagée à condition qu'il « agisse promptement pour retirer les contenus qu'il a stockés ou pour en rendre l'accès impossible dès qu'il a effectivement connaissance [de mesures de suppression prises par les exploitants ou ordonnées] par l'autorité judiciaire ».
Au milieu de ces dispositions le projet de loi, en son article 15, insère des mesures nouvelles dans le code de propriété intellectuelle, relatives à la sanction ou tout au moins la suspension de faits constitutifs de contrefaçons. Au titre de la “saisie-contrefaçon”, seraient ainsi ajoutés, à l'article L. 332-1 CPI, deux alinéas concernant la possibilité que soit ordonnée : « la suspension, par tout moyen, du contenu d'un service de communication en ligne portant atteinte à l'un des droits de l'auteur » ou aux droits des titulaires de droits voisins. S'agissant de l'exercice du pouvoir de sanction par le juge, serait ajoutée, à l'article L.
335-6 CPI, la possibilité, pour lui, d'ordonner la publication du jugement de condamnation sur les services de communication en ligne.
À trop vouloir, par la loi, fréquemment intervenir en toutes choses, par des dispositions spécifiques et trop détaillées, on court le risque, dans le domaine du droit de la communication, particulièrement sensible à l'évolution des techniques et de leurs usages, d'être très vite insuffisant ou inadapté. Ne seraitil pas préférable et suffisant en la matière – au moins dans tout ce qui ne relève pas du droit pénal qui exige une définition précise des infractions et des peines – de se limiter à l'énoncé de quelques grands principes et objectifs clairs, garantis d'une certaine pérennité, et ainsi facilement compréhensibles, renvoyant à l'autorité réglementaire et, bien davantage encore, aux instances de régulation et aux juges, le soin d'en assurer l'application et d'en préciser l'interprétation et la portée ? Souplesse, adaptabilité et flexibilité (17) du droit ne signifient pas nécessairement incertitude et arbitraire ; pas davantage, en tout cas, qu'un droit trop complexe, constamment modifié et, dès lors, incertain. Ne garantirait-on pas mieux ainsi le principe de liberté de communication... même si, au nom même de la liberté, doivent nécessairement y être apportées des limites. On ne peut, en tout cas, sans cela, prétendre à une véritable régulation (condition et garantie modernes de la liberté) de la communication, quels qu'en soient les techniques et les moyens.
1er mai 2001 - Légipresse N°181
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