tions sociales et de jouer du tam-tam toute la nuit, empêchant ainsi leurs voisins français de dormir (6). Fut aussi jugée diffamatoire l'imputation faite aux musulmans de vouloir chasser les Français de leur propre pays (7). On peut regretter, en revanche, que l'absence de faits précis ait conduit à la relaxe pour l'imputation dirigée contre la communauté juive de vouloir dominer. « Dominer la finance. Dominer la politique.Dominer la presse. Dominer l'opinion.Dominer l'univers ( ) ...
Cour de cassation, 1re ch. civile, 12 juillet 2006, Edgar Morin, le Monde et autres
Geneviève TILLEMENT
Maître de conférences à la Faculté de Droit de Nancy
(2) C'est en appel seulement que les associations obtinrent cette condamnation, le TGI de Nanterreles ayant déboutées le 12 mai 2004.
(3) V. E.Dreyer, « Le fondement de la prohibition des discours racistes en France », Légipressemars 2003, n° 199, II, p. 19.
(4) V. not. Crim 16 mars 2004, Droit pénaljuillet-août 2004, comm. n° 102, obs. M.Véron.
(5) Art. 32 al. 2 de la loi de 1881 : la diffamation raciale est punie d'un an d'emprisonnement et de45000 Û d'amende. Art.33 al. 3 de la loi de 1881 : l'injure raciale est punie de 6 mois d'emprisonnementet de 22500 Û d'amende.
(8) TGI Paris, 17e ch., 24 nov. 2005, Com. Com. élect., fév. 2006, p. 43, n° 32, obs. A. Lepage.L'article, publié sur un site internet, prêtait aux « jeunes femmes voilées et à leurs maris barbus»les propos suivants : « Partez! Disparaissez! Vous êtes de trop dans ce pays ( ) Nous voulonstoute la place, tout ce pays ( ) Disparaissez sales chrétiens, chiens d'infidèles ( ) Nous sommesici chez nous et nous ne voulons plus vous y voir».
(9) Crim 28 mars 2006, Bull n° 90. Le TGI de Paris, en revanche, avait admis la diffamation. V. TGIParis 26 mars 2004, Légipresse, nov. 2004, n° 216, I, 154.
(10) Crim 12 sept. 2000, Droit pénaljanv. 2001, comm. n° 4, obs. M. Véron.
(11) Crim 16 mars 2004, préc.
(12) Crim 24 juin 1997, Bull crimn° 253, RSC1998, 102, obs Y. Mayaud.
(13) Crim 3 déc 2002, Bull crim. n° 218, Dr. pénal 2003, comm. n° 43, obs. M. Véron.
(14) Civ 2e, 28 fév. 1996, pourvoi n° 93-20.663, affaire dite de la Grosse Bertha. Le dessin représentaitle Pape sodomisé par un travesti qui s'écriait « Bienvenue au Brésil».
(15) Crim 25 mars 2003, pourvoi n° 02-82288, inédit. Rappr. Civ 2e, 26 avril 2001, Légipresse2001, n° 183, I, 92 : pour un article de Charlie-Hebdos'adressant au Pape et visant, non les fidèlesde la religion, mais le rôle et les positions à travers l'histoire de l'Église catholique, en tantqu'institution représentée par le Pape.
(16) C'est pour cette raison que la Cour de cassation a pu censurer un arrêt de condamnation aumotif que « l'article incriminé visait en réalité l'action des représentants politiques d'un État et nonchaque individu en tant que membre d'une Nation». La lecture de l'article, critiquant les Serbes,laisse toutefois les plus grands doutes sur cette interprétation. V. Crim. 5 mars 2002, Bull crimn° 54, Légipressejuil-août 2002, n° 193, III, 119.
(17) Le risque de glissement sémantique est encore plus élevé depuis que l'Observatoire européendes phénomènes racistes et xénophobes (EUMC), organisme créé en 1997 par l'Union européenne,a rédigé en mars 2005 un document dans lequel il s'efforce de préciser la notion d'antisémitisme.Or, au-delà des éléments classiques d'identification de l'antisémitisme (stéréotypesdégradants, négation ou relativisation du génocide nazi, existence d'une conspiration et d'un pouvoirjuif multiforme ), le rapport élargit la notion à certaines critiques de la politique de l'État d'Israël.Ainsi, dénoncer l'existence de l'État d'Israël comme un projet à caractère raciste, comparer la politiqueisraélienne actuelle à l'égard des Palestiniens à celle des nazis ou appliquer à Israël des critèresbeaucoup plus exigeants qu'à l'égard de toute autre nation démocratique, entreraient égalementdans cette catégorie.
(18) V. not. les poursuites engagées contre le journaliste de France Inter D. Mermet pour diffamationet provocation raciales à propos d'une série de reportages à Gaza et en Israël, dans son émissionLà-bas si j'y suis. D. Mermet fut relaxé par le TGI de Paris le 12 juillet 2002 qui a considéréque c'était l'État d'Israël et non les Juifs qui était visé. V. le jugement publié sur le site www.labassijysuis.org/jugement.doc. On peut en revanche douter que ce soit un « militant exprimant desidées politiques» et non un juif intégriste qui ait été visé dans le sketch de Dieudonné mettant enscène un colon avec un chapeau noir et des papillottes et criant « Isra-Heil» en faisant le salut nazi.V. TGI Paris 27 mai 2004, Légipressejuil- août 2004, n° 213, I, 98.
(19) L'offense aux chefs d'État étrangers ayant été abrogée par la loi du 9 mars 2004, suite à unecondamnation de l'État français par la Cour EDH (CEDH 25 juin 2002, Colombani c/ France, Légipresseoct 2002, n° 195, III, 159, obs. H. Leclerc), seule subsiste la protection de droit commun.
(20) Rappr. Crim 5 mars 2002, préc. La diffamation raciale a été en l'espèce écartée au motif quel'article visait, non la communauté nationale serbe, mais l'action des représentants politiques del'État serbe.
(21) Bien que les auteurs aient ensuite seulement visé « les Juifs», et non plus les « Juifs d'Israël»,dans la suite du passage, les accusations qui leur étaient reprochées conduisent à estimer queseuls les Juifs israéliens étaient en réalité désignés.
(22) Crim. 2 mars 1993, Bulln° 94. La cour d'appel avait relaxé car les propos ne visaient pas lescatholiques dans leur ensemble, mais certaines églises géographiquement localisées. Mais l'arrêtfut cassé, la loi protégeant tout groupe « quelle qu'en soit l'ampleur». Rappr Crim. 7 déc. 1993,Bulln° 373, accuser les membres de la congrégation religieuse d'Auschwitz de protéger d'anciensnazis.
(23) Paris 27 mai 1998, Juris-Datan° 021429. V. aussi crim 8 oct. 1991, préc.
(24) Crim. 6 janv. 2004, inédit, préc.
(25) V. toutefois Crim. 25 mars 2003, préc., écartant la diffamation raciale envers les « Blancs»,les propos de Dieudonné ayant visé non l'ensemble de la communauté des « Blancs», mais le« blanc esclavagiste» auquel étaient comparés « les patrons de TF1».
(26) V. not. Crim. 29 nov. 1994, Bull. crim., n° 381; Crim. 16 mars 2004, préc.
(27) L'élément moral, on le sait, ne permet pas d'endiguer les excès. La diffamation, ordinaire ouraciale, ne nécessite en effet qu'un dol général, présumé, qui plus est, par les juges.
(28) Pour une application de ce raisonnement en matière de recel de violation du secret del'instruction commis par des journalistes V. Crim 13 nov. 2001, Légipresse,janv. fév. 2002,n° 188, III, 3, note BA.
(29) La division des intellectuels sur cette affaire une centaine d'entre eux, dont des personnalitésjuives, ayant signé un appel en faveur des auteurs (v. Le Mondedu 30 mars 2004) témoignede la réception très contrastée de l'article. V. aussi le communiqué de l'Union Juive Françaisepour la Paix, qui a estimé la condamnation « absurde et scandaleuse» et s'est déclarée solidairedes trois auteurs (http://les ogres. org).
(30) V. l'art. de S. Attal, Le Mondedu 4 mars 2004.
(31) V. l'appel des intellectuels, préc.
(32) Pas plus que la qualification d'injure raciale, qui suppose elle aussi une attaque contre ungroupe de personnes. Cette qualification, qui avait tendance ces dernières années à être appliquéeaux injures à la religion, c'est-à-dire au blasphème, et pas seulement à l'injure aux croyants,a été fort heureusement ramenée à son domaine "naturel" par la ch. crim. dans un arrêt récent(v. Crim. 14 fév 2006, Légipressejuin 2006, n° 232, III, 116, note A. Tricoire.)Rappr. TGI Paris 22 oct 2002, Légipressen° 198, I, p. 12, relaxant l'écrivain M. Houellebecqpoursuivi pour injure raciale pour avoir tenu les propos suivants : « La religion la plus con, c'estquand même l'Islam.»Sur la position de la Cour EDH en matière de critique religieuse, v. L. François, « Liberté d'expressionet convictions religieuses dans la jurisprudence européenne », Légipresseoct. 2006,n° 235, II, 109.
(33) La chambre criminelle a d'ailleurs admis la poursuite de dessins parus dans Charlie Hebdo etvisant les catholiques intégristes, l'impunité n'étant due qu'à une erreur de qualification (l'actionétait fondée sur la diffamation raciale, alors qu'il s'agissait, selon la cour, d'une injure raciale).V. Crim. 29 janv. 1998, pourvoi n° 95-83763.
(34) Tel n'était, à l'évidence, pas le cas dans l'affaire jugée par le TGI de Paris le 24 nov. 2005 (décis.préc.), communauté musulmane et intégristes étant sans cesse amalgamés par les auteurs.
(35) V. l'art. de N. Mallet-Poujol, «Le juge et l'idéologie dans les procès en diffamation», Légipressejanv. fév. 2005, n° 218, II, 1.
(36) C'est du reste l'analyse à laquelle se livre la Cour EDH lorsqu'elle est saisie. V. not CEDH 31janv.2006, P. Giniewski c/ France, Légipresseavril 2006, n° 230, III, 43, note E. Derieux, pour l'imputationfaite implicitement aux catholiques d'une incitation à l'antisémitisme et de leur responsabilitédans les massacres d'Auschwitz. La Cour a estimé que le requérant avait apporté une contribution,par définition discutable, à un très vaste débat d'idées déjà engagé, sans ouvrir une polémiquegratuite ou éloignée de la réalité des réflexions contemporaines.
(37) Toutes ces règles s'appliquant également devant les juridictions civiles.
(38) V. not. Crim. 5 juil. 1995, Bulln° 249.
(39) La qualification la plus haute doit alors être retenue, les valeurs sociales protégées étant identiques.
(40) Art. 65-3 de la loi de 1881, introduit par la loi du 9 mars 2004. La chambre criminelle a récemmentjugé que les contraventions de diffamation, injure et provocation raciales restaient soumisesau délai de 3 mois. V. Crim 7 juin 2006, Bull. n° 144.