SI LA QUALIFICATION est un «outil essentiel de la pensée juridique» (1), elle peut aussi devenir un jeu pervers (et parfois vain) lorsque les parties l'instrumentalisent au gré de ses enjeux. Tel est le sentiment que peut susciter la lecture de la décision rapportée, qui tranche la question, fort débattue en doctrine (2), de la qualification de l'uvre multimédia.La réponse de la Cour suprême tient en quelques mots : l'interactivité de la création multimédia exclut sa qualification ...
Cour de cassation, 1re ch. civile, 28 janvier 2003, Casaril c/ Havas Interactive et autre
Vincent Varet
Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris Varet Près société d'avocats
(2) G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF 8e éd. 2000, entrée« Qualification ».
(3) Parmi une abondante littérature, v. notamment : P.-Y. Gautier, « Les uvres multimédias endroit français », RIDA 1994, n° 160, p. 90 et sq ; A. Lucas, « Droit d'auteur et multimédia », inMélanges en l'honneur d'A. Françon, Dalloz 1995, 325 et sq ; B. Edelman, « L'uvre multimédia,un essai de qualification », D.1995, chron. 109 ; X. Linant de Bellefonds, note sousParis, 16 mai 1994, JCP éd. G 1995, II, 22375 ; H. Pasgrimaud, « La qualification juridique dela création multimédia : termes et arrière-pensées d'un vrai-faux débat ? », Gaz. Pal.11, 12 oct.1995, 13 et sq ; A. Latreille, « La création multimédia comme uvre audiovisuelle », JCP éd.G, 1998, I, 156.
(4) TGI Paris, 3e ch., 8 sept. 1998, RIDA 181, juill. 1999, 318.
(5) Paris, 4e ch. B, Légipressen° 173, Juillet/août 2000, III, 107, note A. Latreille ; CCE sept.2000, 14, obs. C. Caron ; D.2001, som. Com. 2553, obs. P. Sirinelli ; JCP éd. E 2001, 844,obs. M. Vivant, N. Mallet-Poujol et J.-M. Bruguière.
(6) C. Caron, CCEAvr. 2003, p. 18, obs. sous l'arrêt rapporté.
(7) Outre la décision du tribunal de grande instance de Paris dans l'affaire commentée (v. supra,note 4), TGI Nanterre, 26 novembre 1997, JCP éd. E, 1998, 805, obs. M. Vivant et Ch. LeStanc ; Gaz. Pal.1998, J. 46, note I. Demnard-Tellier ; Versailles, 18 nov. 1999, Légipresse2000, n° 170, III, 51, note P. Tafforeau ; CCE fév. 2000, 16, obs. C. Caron ; Expertises2000,n° 234, 30, note M.-A. Gallot Le Lorier et V. Varet ; D.2000, som. Com. 205, note Th. Hassleret V. Lapp ; RDPI2000, n° 108, 31, note A. Bertrand. Et en dernier lieu, le jugement du tribunalde grande instance de Paris, prononcé le même jour que l'arrêt de la Cour de cassation : 28 janvier2003, CCE avr. 2003, 18, obs. C. Caron.
(8) V. notamment les références citées en note 2.
(9) V. notamment X. Linant de Bellefonds, « Et l'interactivité alors ! », Expertisespour l'an 2000,éd. des Parques 1996, p. 13-14, et note sous Paris, 16 mai 1994, JCPG 1995, II, 22375.
(10) V. A. Latreille, op. cit. note 2.
(11) V. notamment A. et H.-J. Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique, Litec 2001,2e éd., n° 130; P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, PUF 1999, 3e éd. n° 64; P. Sirinelli,Lamy droit des médias et de la communication, 2000, n° 506-34 et sq ; M. Vivant et alii, LamyDroit de l'informatique et des réseaux2003, n° 416 et sq ; B. Edelman, L'uvre multimédia,un essai de qualification, réf. citées note 2.
(12) V. notamment notre ouvrage en collaboration avec M.-A. Gallot Le Lorier, « La créationmultimédia », Economica2000, n° 104.
(13) Dans le même sens, v. notamment C. Caron, obs. sous l'arrêt rapporté ; A. et H.-J. Lucas,ibid. P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, PUF 1999, 3e éd. n° 64.
(14) Et pour cause, celle-ci était balbultiante en 1985.
(15) Dans le même sens, A. Latreille, réf. citées note 2.
(16) Dans le même sens, v. notamment A. Latreille, ibid; B. Eldeman, réf. citées note 2.
(17) Cass. Ass. Plén. 7 mars 1986, Sté Balbolat Maillot Witt c/ Pachot, JCP 1986 II, 20631,note Mousseron, Teyssié, Vivant ; RIDA 129, juill. 1986, note A. Lucas ; D.1986, 405, concl.Cabannes et note B. Edelman ; RTD Com.1986, 399, obs. A. Françon.
(18) Les termes employés par la cour d'appel sont précisément ceux de l'article L. 132-1 CPI,qui définit le contrat d'édition.
(19) Sur ce point, v. infra, II.
(20) Contre le recours à la qualification de contrat d'édition dans le domaine du multimédia, aumotif que le régime de ce contrat a été pour partie dicté par des considérations propres ausupport papier, v. A. Latreille, ibid.
(21) On notera cependant que ce texte renvoie à l'article L. 131-4 du CPI, qui propose desexceptions générales au principe de rémunération proportionnelle et renvoie par ailleurs à l'article L. 132-6 invoqué par la défenderesse ; or, il n'est pas exclu que cet article ne vaillepas uniquement pour le contrat d'édition (v. infra).
(22) En ce sens, P.-Y. Gautier, De l'art d'être furtif : le droit constant des codes de la propriétéintellectuelle et de la consommation, Actes du colloque de Toulouse des 27 et 28 octobre1995, La codification, p. 107 et sq ; A. et H.-J. Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique,Litec 2e éd. 2001, n° 537.
(23) En ce sens, P.-Y. Gautier, ibid. Comp. A. et H.-J. Lucas, ibid.
(24) G. Timsit, Les noms de la loi, PUF 1991, p. 172.
(25) Sur ces points, v. notre ouvrage en collaboration avec V.-L. Benabou, La codification dela propriété intellectuelle, La documentation française, 1998, n° 136, p. 121-122.
(26) V. notamment les références citées en note 2.
(27) Le jeu se complique encore avec le concours possible des qualifications de logiciel et debases de données application exclusive ou distributive, risques de contradiction ou à tout lemoins de tiraillement Nous ne reviendrons pas sur ces questions largement abordées par ladoctrine dans les références citées. Relevons seulement qu'en dehors des questions de titularitédes droits patrimoniaux et de droit moral, la qualification de logiciel comporte d'autres enjeuximportants, notamment en ce qu'elle exclut le bénéfice de la rémunération pour copie privée.
(28) Cette constatation, comme celle qui suit, plaide, selon certains, en faveur de la qualificationdes créations multimédia en uvre audiovisuelle : v. A. Latreille, ibid.