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Successions et régimes matrimoniaux en matière de droit d'auteur : conflit de loi dans le temps
/ Cours et tribunaux
01/03/2003
Conflit de lois dans le temps et droit d'auteur : l'article 25, alinéa 1er, de la loi du 11 mars 1957 (L. 121-9, al. 1, CPI) est inapplicable aux uvres créées avant le 12 mars 1958
ON LE CONSTATE SOUVENT en droit d'auteur : une succession mal réglée agit comme une véritable bombe à retardement ! L'arrêt reproduit ci-dessus l'illustre à nouveau.Quarante-trois ans après le décès du célèbre peintre Fernand Léger, des différends subsistent entre ses héritiers, obligeant la Justice à intervenir alors que l'écoulement du temps n'a pu qu'accroître la complexité de leurs liens.Fernand Léger s'était marié le 21 février 1952 avec Nadia sous le régime de la ...
Cour de cassation, 1re ch. civile, 3 décembre 2002, S. Crosetti, épouse Bauquier
Christophe Alleaume
Professeur à l’Université de Caen Basse-Normandie, Directeur de l’Institut ...
(2) Paris, ch. 1re, sect. A, 11 décembre 2000, Crosetti c/ Thénier et a. : Juris-Data, 138487.
(3) Par ex. : Cass., civ. 1, 6 juillet 2000, Giacometti : Droit de la famille 2000, comm. 119, obs.Alleaume (C.) ; JCP E.2002, chron. 223, obs. Lucas (H.-J.) ; Rev. crit. DIP 2001, p. 329, noteBerge (J.-S.). Cass., civ. 1, 6 juillet 2000, Goscinny c/ Uderzo : Droit de la famille 2001, chron.6, note Alleaume (C.), pp. 18; Com. com. électr.2001, comm. n° 99, obs. Caron (C.); Légipresse179-III, p. 28, com. : P.-Y. Gautier.
(4) V. l'affaire du Dialogue des Carmélites, Cass., civ. 1, 22 novembre 1966 : Bull., n° 518; JCPG.1968, II, 15331, note Plaisant (R.) ; D. 1967, pp. 485, note Desbois (H.).
(5) Plaisant (R.) : « Propriété littéraire et artistique. Sujets du droit d'auteur. Ayants droit diversde l'auteur » : J-Cl. civilannexes, 1953, fasc. 7, n° 18 et 30.
(6) Plaisant (R.) : art. préc., n° 20.
(7) Qui fixa à cinquante ans post mortem auctorisla durée des droits patrimoniaux.
(8) Plaisant (R.) : art. préc., n° 21.
(9) Plaisant (R.) : art. préc., n° 28.
(10) « La dévolution ab intestat est régie par la loi en vigueur au jour de l'ouverture de la succession.Il ne faut donc tenir compte ni des lois antérieures abrogées, alors même que l'héritierprésomptif avait cru pouvoir compter sur leur maintien, ni des lois entrées en vigueur aprèsl'ouverture de la succession.»: Bach (L.), « Conflit de lois dans le temps »: Répertoire de droitcivil, Dalloz, 1996, n° 280.
(11) Paris, 1er février, 1900, Lecocq : S. 1900, 2, pp. 121, note Saleilles (R.).
(12) Cass., civ., 25 juin 1902, Lecoq : DP 1903, 1, pp. 5, note (crit.) Colin (A.), concl. Baudouin ;S. 1902, 1, pp. 305, note Lyon-Caen. Cass., civ., 14 mai 1945, Canal : S. 1945, 1, pp. 101,note Batiffol (H.) ; D.1945, pp. 285, note Desbois (H.) ; JCP 1945, II, 2835, note R. C. Cornu(G.), Les régimes matrimoniaux, PUF, Thémis droit privé, 11e éd., 2002, p. 329 ; Colomer (A.),Droit civil. Régimes matrimoniaux: Litec, 9e éd., 1998, n° 764.
(13) Plaisant (R.), art. préc., n° 1 : « Bref, la Cour de cassation distingue entre les deux élémentsque l'on rencontre dans le droit d'auteur : le droit pécuniaire et le droit moral. Le premierest soumis au droit commun, le second, à raison de son caractère strictement personnel,lui échappe et reste propre à l'auteur, qui l'exerce librement, sous réserve de ne pas abuserde son droit, de ne pas agir par vexation à l'égard de son conjoint ou de ses représentants.»
(14) Planiol et Ripert, par Boulanger, Traité de droit civil, t. VIII, Les régimes matrimoniaux :2e éd., 1957, n° 189-4, pp. 408.
(15) La rétroactivité est le « report de l'application d'une loi [ou de son caractère obligatoire]à une date antérieure à sa promulgation[ ou à sa publication] », Bach (L.), op. cit., n° 124et 127. Heron (J.), « Étude structurale de l'application de la loi dans le temps (à partir du droitcivil) » : RTD civ. 1985, pp. 277, n° 24-31, notant que la rétroactivité opère une « mutation dela norme» qui, générale et abstraite, devient individuelle et concrète. En droit d'auteur, Edelman(B.), note sous CJCE, 29 juin 1999 : D.2000, jur., pp. 277, n° 12.
(16) On trouve les règles du régime de la communauté de meubles et acquêts aux articles 1498à 1501 c. civ.
(17) L'article 25 (devenu l'article L. 121-9 CPI) commande expressément cette solution : « Soustous les régimes matrimoniaux et à peine de nullité de toutes clauses contraires portées aucontrat de mariage, le droit de divulguer l'uvre, de fixer les conditions de son exploitation, etd'en défendre l'intégrité reste propre à l'époux auteur ou à celui des époux à qui de tels droitsont été transmis. Ce droit ne peut être apporté en dot, ni acquis par la communauté ou par unesociété d'acquêts.» (al. 1er). Défendre l'intégrité de l'uvre, fixer les conditions de son exploitation,c'est bien ce dont il s'agit en l'espèce. L'alinéa 2 poursuit en précisant que « les produitspécuniaires provenant de l'exploitation d'une uvre de l'esprit ou de la cession totale oupartielle du droit d'exploitation sont soumis au droit commun des régimes matrimoniaux uniquementlorsqu'ils ont été acquis pendant le mariage ; il en est de même des économies réaliséesde ces chefs». Mais l'alinéa 3 ajoute que « les dispositions prévues à l'alinéa précédentne s'appliquent pas lorsque le mariage a été célébré antérieurement à l'entrée en vigueur dela présente loi». Bref, l'article 25 de la loi du 11 mars 1957 précise expressément que son alinéa2 ne s'applique pas aux mariages antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi. Le remariagede Nadia avec Georges Bauquier y échappait donc. La loi ancienne s'appliquait : elle faisaittomber l'uvre en communauté.
(18) Dans des termes on ne peut plus clairs, ce qui rendait inutile toute interprétation ( claranon sunt interpretenda).
(19) Gautier (P.-Y.), Propriété littéraire et artistique: PUF, collection droit fondamental, 4e éd.,2001, n° 217.
(20) Sur cette question lire Terre (F.) et Lequette (Y.), Droit civil. Les successions. Les libéralités:précis Dalloz, 3e éd., 1997, n° 662.
(21) Grimaldi (M.), Droit civil. Successions: Litec, 6e éd., 2001, n° 503. Terre (F.) et Lequette(Y.) : op. cit., n° 664.
(26) Effectivement, la cour d'appel de Paris a jugé « qu'il résulte de ce texte[art. 25 la loi du11 mars 1957] que si les dispositions de l'alinéa 2 n'ont pas vocation à s'appliquer aux épouxmariés, comme en l'espèce, avant le 11 mars 1958, date de l'entrée en vigueur de la loi, il enva différemment de celles qui font l'objet de son alinéa 1er [ ] ; Considérant que c'est auxtermes d'une exacte analyse que les premiers juges ont dit que le monopole d'exploitation del'uvre du peintre, qui avait été dévolu à sa veuve par la voie de l'institution contractuelle, étaitdevenu un bien propre de celle-ci à la date du 12 mars 1958[ ] ».
(27) Gautier (P.-Y.), op. cit., n° 209. Le critère de la « mutation de la norme» utilisé par Heron(J.), art. préc., conduit à la même conclusion : la cour d'appel a « muté» la loi nouvelle en normeindividuelle puisque toutes les uvres étaient créées et l'auteur décédé au moment de la publicationde la loi nouvelle ; c'est le signe de la rétroactivité.
(28) Solution différente de celle de la survie de la loi ancienne, que l'on aurait connue si la loinouvelle s'était appliquée aux seuls « mariages» à venir. En ce sens, Bach (L.), op. cit.,n° 107,évoquant l'application « simultanée» de la loi ancienne et de la loi nouvelle.
(29) Bach (L.), op. cit., n° 124 et 127. En ce sens, sur la question (voisine) du caractère protégeableou non d'une uvre antérieure à la loi du 11 mars 1957, Gautier (P.-Y.), « La règlede droit en photo instantanée : conflit de lois dans le temps en propriété intellectuelle » : D.2000, jur., pp. 821, spéc. n° 2. Pour une autre approche, Reglade Buxtorf (M.-O.), note sousCass., civ. 1, 18 juillet 2000, Dudognon : JCP G.2001, II, 10555.
(30) Mazeaud (H.), « Le droit moral des artistes sur leurs uvres et son incidence »: D.1959,chron., pp. 133, n° 49; Desbois (H.), Le Droit d'auteur en France: Dalloz, 1978, 3e éd., n° 225;Colombet (Cl.), Propriété littéraire et artistique: précis Dalloz, éd., n° 253 ; Françon (A.), obs.sous TGI Paris, 4 juin 1980 : RTD com.1981, pp. 80.
(31) Savatier (R.), « Commentaire de la loi du 11 mars 1957 » : JCP G.1957, I, 1398, n° 57;Patarin (J.), « Commentaire »: Rép. gén. not., 1957, Lég., pp. 86-87 ; Ghestin (J.), note préc. ;Pollaud-Dulian (F.), « Droits moraux. Régimes matrimoniaux et successions »: Juris-ClasseurPropriété littéraire et artistique, 2000, fasc. 1225, n° 29 et 30; Gautier (P.-Y.), op. cit., n° 209;Lucas (A. et H.-J.), Traité de la propriété littéraire et artistique: Litec, 2001, 2e éd., n° 151; Olivier(J.-M.), Droit des médias et de la communication,tome 1 : Lamy, 2000, n° 123-13.
(32) Il y avait un précédent, Paris, 22 avril 1982, Léo Ferré : D.1984, jur., pp. 397, note Ghestin(J.) ; JCP G.1983, II, 19948, obs. Gobin (A.), jugeant que l'alinéa 1er étant d'application immédiate,les uvres créées après le 11 mars 1958 par un auteur marié avant cette date lui sontpropres. Solution qu'une partie de la doctrine n'encourageait pas, Desbois (H.), Le droit d'auteuren France: Dalloz, 1966, 2e éd., p. 253. Crionnet (M.), Les droits intellectuels et les régimesmatrimoniaux en droit français: LGDJ, 1975, p. 244. Parisot (B.), « Le droit d'auteur et l'uvred'art en régime de communauté », D.1967, chron., p. 190, n° 10. Mazeaud (H.), art. préc., n° 49.
(33) Olivier (J.-M.) : ibid.
(34) Ibid.
(35) Ibid.
(36) Mais elles y tombaient à l'époque selon Cass., civ. 1, 4 décembre 1956, Bonnard : JCP1959, II, 11141, obs. Weill (A.). Quelques juges du fond résistèrent mais la solution fut réaffirmée,Cass., civ. 1, 4 juin 1971, « Picabia » : D. 1971, jur., pp. 585, concl. Lindon (R.) ; JCPG.1972, II, 17164, note Patarin (J.) ; RTD civ. 1972, pp. 121, obs. Nerson (R.) ; RTDcom. 1972,pp. 90, obs. Desbois (H.). La question est débattue aujourd'hui. Faut-il maintenir cette jurisprudencedans la mesure où le droit substantiel a changé ? Posant la question, Flour (J.) etChampenois (G.), Les régimes matrimoniaux: Armand Colin, coll. U, 2e éd., 2001, n° 327.Contre la chute en communauté : Colombet (CL.), Propriété littéraire et artistique: Dalloz,9e éd., 1999. Pour la chute (avec des nuances selon les auteurs selon que l'on envisage lesupport original ou l'uvre) : Gautier : op. cit., n° 211 ; Olivier (J.-M.) : art. préc., n° 127-15 ;Lucas (A. et H.-J.) : op. cit., n° 152.