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Accueil > Droit d'auteur > Peintures mêlant l’univers de Tintin et d’Edward Hopper : l’artiste ne peut bénéficier de l’exception de parodie et de la liberté d’expression artistique - Droit d'auteur

Droit d'auteur
/ Jurisprudence


04/10/2024


Peintures mêlant l’univers de Tintin et d’Edward Hopper : l’artiste ne peut bénéficier de l’exception de parodie et de la liberté d’expression artistique



Cour d'appel, Rennes, 4 juin 2024, Sté Tintinimaginatio anciennement dénommée Moulinsart et a. c/ X. Marabout
 

La société Tintinimaginatio, en charge de l’exploitation de l’œuvre d’Hergé, a découvert qu’un artiste breton mettait en vente sur internet sans son autorisation des peintures constituant, selon elle, des adaptations de différents éléments extraits des « Aventures de Tintin ». Vingt-quatre peintures étaient incriminées, représentant Tintin dans un décor inspiré des œuvres du peintre américain Edward Hopper. Certaines toiles mettaient en scène le personnage en présence de femmes, en imaginant des situations issues de sa vie sentimentale. La société l’a assigné en contrefaçon de ses droits patrimoniaux d’auteur. Elle demandait au tribunal de prononcer l’interdiction de reproduire et représenter, sous astreinte, les personnages d’Hergé ainsi que le versement de dommages-intérêts. La légataire universelle d’Hergé est également intervenue à la cause, sollicitant un euro symbolique au titre de l’atteinte à son droit moral. Le tribunal a rejeté les demandes fondées sur l’atteinte aux droits d’auteur, retenant l’exception de parodie invoquée par le défendeur. Les demandes portant sur la concurrence déloyale ont également été écartées. Il a en revanche condamné la société à verser 10 000 euros de dommages-intérêts pour s’est rendue coupable de dénigrement à l’encontre du défendeur. Celle-ci a fait appel.

La cour d'appel infirme le jugement. Contrairement à ce qu’avait retenu le tribunal, elle considère que l’exception de parodie ne peut s’appliquer en l’espèce. Elle précise que s’agissant d’une exception, la parodie doit être appréciée de façon restrictive et, en toute hypothèse in concreto. Elle ajoute que ladite exception exige une intention humoristique évidente, et que la simple recherche d’une complicité amusée avec le spectateur ne suffit pas, ni un simple clin d’œil. Selon la cour, la simple introduction d’éléments sensuels (pin-ups) ou disruptifs (Tintin qui lit un magazine gay) ne peut être considérée comme procédant d’une intention humoristique. Les peintures réalisées par le défendeur empruntent les ressorts d’œuvres premières pour s’attribuer le bénéfice de leur notoriété et vivre de leur rayonnement. La cour considère même que l’artiste a « abusé » d'une exception qui procède, avant tout, de la liberté d'expression.

Par ailleurs, la cour énonce que la liberté d'expression artistique, invoquée en défense, peut procéder d'un réarrangement d'une oeuvre antérieure afin de porter une opinion ou un message distinct permettant d'évoquer des sujets de société ou de rendre hommage à une personnalité. Toutefois, ici, l’artiste souhaite que le spectateur s'interroge sur un Tintin devenu adulte, confronté aux difficultés de la condition humaine. Ce faisant, s'il nous livre sa motivation intime, il ne s'agit pas d'un sujet d'intérêt général qu'une impérieuse nécessité l'aurait conduit à porter publiquement à travers l'exercice de son art. Les actes de contrefaçon sont donc caractérisés. Dans ce contexte, l’artiste ne peut reprocher à la société d’avoir déclaré à des galeries qu’il n’avait pas l’autorisation d’exploiter l’œuvre d’Hergé, de sorte que ses demandes fondées sur le dénigrement sont rejetées.

Enfin, la cour retient que l’intimé a commis des actes de parasitisme en surfant sur la notoriété d'Hergé de façon parfois massive, en tout cas répétée, voire systématique, pour accéder à la sienne. La cour ordonne en conséquent à l’artiste de cesser toute reproduction, représentation, adaptation, et plus généralement toute exploitation des personnages originaux des « Aventures de Tintin », sous astreinte. Celui-ci est condamné à verser à la société une provision de 15.000 euros sur l'indemnisation de ses préjudices au titre de la contrefaçon ainsi que 5000 euros pour les actes de parasitisme. En revanche, la demande de destruction des oeuvres contrefaisantes est écartée.

4 octobre 2024 - Légipresse N°429
692 mots
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