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Liberté et responsabilités
La liberté d'expression est au cœur d'un système démocratique, car elle en est la principale garantie. C'est pour cela qu'elle est « un des droits les plus précieux de l'homme »(1). L'évolution des technologies (avec notamment l'arrivée récente de l'intelligence artificielle générative) a bouleversé la sphère d'expression publique. Le kiosque à journaux a muté sur internet ; et le public, surtout le plus jeune, s'informe principalement sur les réseaux sociaux. Les législatures sous la présidence d'Emmanuel Macron se sont emparées de ces bouleversements. Elles ont adopté dès son arrivée une loi sur les fake news, puis des lois successives sur le séparatisme et les principes républicains, contre la haine en ligne, sur l'émergence de l'ARCOM comme grand gendarme de l'internet. La dernière en date est la loi « visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique » du 21 mai 2024, dite loi SREN. Il y a encore deux chantiers principaux ouverts que sont les États généraux de l'information et la réforme de l'audiovisuel public, dont on ne sait, à l'heure où nous mettons sous presse, ce qu'il adviendra.
Nous sommes, dans ces colonnes, régulièrement amenés à rappeler la formule de Montesquieu, selon laquelle « il ne faut toucher aux lois que d'une main tremblante », en particulier la loi plus que centenaire du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Or, les lois en la matière sont en chantier permanant. À titre d'exemple, ladite loi SREN a modifié la loi du 21 juin 2004 pour la confiance en l'économie numérique dite LCEN, en bouleversant sa numérotation, notamment pour l'exercice du droit de réponse en ligne(2). À l'heure où s'annoncent de nouvelles majorités parlementaires, il ne faudrait pas qu'elles estiment devoir réinventer la roue. La mise en œuvre du règlement européen sur la liberté des médias(3) va déjà obliger les praticiens et les tribunaux à de nécessaires aggiornamentos de nos règles.
La loi de 1881 a traversé les âges et les tempêtes du xxe siècle. À certains égards, elle ressemble à la tour Eiffel. Elle est centrale, monumentale et fondamentale. Elle a été le réceptacle naturel de toutes les modifications légales touchant à la liberté d'expression comme le serait un code de la presse. Elle a fait sienne la jurisprudence de Strasbourg sur l'article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle est prévisible, équilibrée et protectrice du principe constitutionnel de la liberté d'expression. Toute velléité, souvent annoncée, de l'abroger constituerait une grave erreur. Les véritables enjeux sont ailleurs. Ce sont en particulier celui de l'accès au juge dans des temps raisonnables (qui sont souvent ceux de l'urgence !) et qu'il puisse prendre des mesures effectives lorsqu'il le faut, notamment à l'égard des grandes plateformes qui sont désormais à tous les carrefours de l'expression publique. La préservation de la liberté et l'effectivité des responsabilités sont les seuls enjeux qui méritent attention.