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Procédure de presse
/ Tribune


06/06/2024


La loi sur la presse et le Conseil constitutionnel



 

Le Conseil constitutionnel a rendu, le même jour(1), trois décisions qui concernent tant la place que les prescriptions de la loi du 29 juillet 1881. Elles méritent une attention particulière dans ces colonnes.

La première, rendue sur saisine des parlementaires, a examiné la constitutionnalité de plusieurs dispositions de la loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, en particulier le nouveau délit hybride et inutile « d'outrage en ligne »(2). Elle en annule entièrement les dispositions, au juste motif qu'elles « portent une atteinte à l'exercice de la liberté d'expression et de communication qui n'est pas nécessaire, adaptée et proportionnée ». Cette première décision s'imposait(3).

La décision suivante était non moins prévisible. Elle concerne les dispositions de l'article 51-1 de la loi de 1881 qui permettent, depuis 2019(4), par exception au principe de la comparution devant le juge, les mises en examen du chef des délits de diffamation et injure par lettre recommandée avec accusé de réception. Mais le législateur avait oublié de prévoir, dans ladite lettre recommandée, la notification du droit au silence qu'impose l'interdiction d'auto-incrimination. C'est désormais chose réparée pour les procédures à venir. Cette décision est sans surprise, même si théorique, car la personne qui refuserait de répondre se verrait aussitôt convoquée, et ne pourrait donc échapper à la comparution que ce texte permet d'éviter…

La dernière décision était la plus attendue. Elle concerne la procédure de comparution immédiate, posée par la loi du 24 août 2021(5), pour la commission des délits de presse les plus graves (provocation et apologie de crime, contestation de crime contre l'humanité, injure discriminatoire) dans l'expression publique sans directeur de publication. Cette introduction de la procédure accélérée de droit commun est un véritable bouleversement de la procédure de presse(6). Le Conseil constitutionnel valide ce bouleversement. Il dit que les règles de la procédure de presse ne peuvent pas être regardées comme ressortant, en elles-mêmes, aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Il ajoute qu'il n'y a pas de rupture d'égalité, car la situation d'un site ayant un directeur de la publication qui en contrôle le contenu, ne serait pas la même que celle des auteurs de propos et écrits ayant un caractère haineux, violent ou discriminatoire, en particulier sur les réseaux sociaux. Il rappelle qu'il s'agit de la sauvegarde de l'ordre public, et qu'ainsi cette distorsion de régime et l'atteinte qui est portée à la liberté d'expression apparaît « nécessaire, adaptée et proportionnée ». Il réfute enfin l'atteinte également alléguée par les requérants, aux droits de la défense, car ceux-ci ne sont pas méconnus par les règles de la procédure pénale(7), même si elles sont moins protectrices que les articles 50 et 53 de la loi sur la presse. Ce qui pourrait apparaître paradoxal n'en est pas moins habituel. Le Conseil confirme qu'il n'y a rien à redire quand la loi écarte les garanties les plus fortes, en l'occurrence celles de la loi sur la presse, pour les atteintes les plus graves. En définitive, le Conseil constitutionnel redit son attachement à la loi de 1881, tout en validant son adaptation aux objectifs plus répressifs souhaités par le législateur, en particulier dans la mise en place d'un régime qui est de plus en plus particulier pour les réseaux sociaux.

6 juin 2024 - Légipresse N°425
729 mots
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