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Accueil > Infractions de presse > « Ici, le procureur ! » - Infractions de presse

Secret de l'instruction
/ Tribune


06/04/2023


« Ici, le procureur ! »



 

Longtemps muet, en vertu du principe du secret de l'enquête et de l'instruction posé par l'article 11 du code de procédure pénale, le procureur de la République s'est vu offrir, par la loi du 15 juin 2020(1), dite « loi Guigou », un droit de communication sur les enquêtes en cours, lorsqu'il s'agit d'« éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes, ou pour mettre fin à un trouble à l'ordre public », tout en préservant tant l'efficacité de l'enquête en cours que la présomption d'innocence des suspects.

Dans sa volonté, pédagogique, d'ouvrir les arcanes de la justice, à côté du retour des caméras (sous conditions)(2) dans les salles d'audience, le garde des Sceaux a, dans sa loi pour la confiance dans l’institution judiciaire du 22 décembre 2021(3), élargi les opportunités d'une telle communication. D'une part, celle-ci est désormais possible « lorsque tout autre impératif d'intérêt public, le justifie ». D'autre part, elle est à présent ouverte aux officiers de police judiciaire, dès lors qu'ils s'expriment avec l'accord et sous le contrôle du procureur.

Une circulaire de la Direction des affaires criminelles et des grâces(4) vient préciser les modalités de cet élargissement. Elle distingue les affaires « courantes du quotidien, à faible intensité médiatique », de celles « à forte intensité, médiatique ou sensible ». Pour les premières, une délégation permanente ou ponctuelle peut donc être donnée aux officiers de police judiciaire (OPJ) de communiquer directement sur les affaires en cours. Il s'agit de nouvelles « fenêtres de communication » qui ont pour objectif notamment de « valoriser opportunément leurs actions et les moyens déployés ». Les secondes correspondent à ce qui existe depuis plus de vingt ans, à qui le procureur Molins avait donné ses lettres de noblesse lors des attentats terroristes. La circulaire fait en outre des procureurs généraux des superviseurs de cette communication qui peut différer selon les particularités locales de leurs régions.

La chancellerie y précise les cas dans lesquels « l’intérêt public » peut justifier une telle communication judiciaire. Ce sont : « la personnalité de l'auteur ou de la victime, l'émotion suscitée par l'affaire, la mise en cause de l'action de l'État », et « l'intérêt des médias nationaux ou internationaux pour l'affaire ». La circulaire évoque à ce titre « l'information que revendiquent avec force les médias, en particulier les chaînes d'information continue », légitimant, ce faisant, cette curiosité, et consacrant, sans le dire, un droit à l'information en la matière.

On retiendra surtout que ce n'est donc plus seulement en réaction à une emballement médiatique que ce droit de communication a vocation à s'exercer, mais aussi « si cela parait opportun au regard des circonstances de l'affaire ». À côté de l'opportunité des poursuites, il y a désormais l'opportunité de la communication laissée au pouvoir discrétionnaire du procureur. On peut s'en réjouir. L'information à la source est toujours meilleure que celle passée sous le manteau.

Mais on continuera de s'étonner que ce soit une des parties au procès, en l'occurrence le dépositaire de l'accusation, à qui est dévolue cette mission d'informateur officiel, qui le transporte ponctuellement dans un rôle d'arbitre. C'est une des particularités de notre procédure pénale. Les avocats, eux, restent tenus au secret, sauf lorsque l'exercice des droits de la défense leur commande de s'inviter dans l'espace public pour y défendre les intérêts de leurs clients.

On suivra avec attention la mise en application de ces nouvelles règles. Il y aura sans doute encore beaucoup de timidité de la part des parquets, pas nécessairement formés autant qu'il faudrait l'être à cette communication particulière. On observera aussi avec intérêt comment la presse, fort de cette circulaire, sera en mesure d'exiger l'information qu'un procureur réticent leur refusera…

Il est clair, en tout cas, que la question du maintien du secret de l'instruction, au regard de la multiplication par le législateur des fenêtres de publicité en la matière, n'est pas close.

6 avril 2023 - Légipresse N°412
790 mots
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