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Bonne année 2023 !
C'est l'heure des vœux de nouvelle année. Légipresse forme, comme à chaque exercice, des vœux en faveur de la liberté d'expression, pour la reconnaissance du travail journalistique, pour la survie économique des éditeurs de presse, pour que les plateformes collaborent avec les autorités nationales, se conforment à nos règles et s'en remettent au juge pour placer le curseur entre ce qui est licite et ne l'est pas. Rien de bien nouveau sous le soleil, depuis les années passées.
À l'heure où des « États généraux de l'information »(1) sont annoncés pour les prochains mois, et où la Commission européenne entend mettre en œuvre un projet de règlement européen sur la liberté des médias (European Media Freedom Act)(2), nous souhaitons que ne soit pas ignoré que la loi française satisfait dans une très large mesure aux préoccupations de ces projets. Car c'est une manie qu'ont les gouvernants qui se succèdent de vouloir réinventer l'eau tiède en la matière, en méconnaissant le plus souvent ce qui existe déjà et fonctionne plutôt bien.
Si c'est la « lutte contre la désinformation » qui justifie la mise en place de ces État généraux, on devrait attendre que les textes déjà votés en 2018 et 2021(3) soient éprouvés avant d'envisager de déjà les remplacer. Rappelons surtout que c'est l'anonymat qui crée l'impunité, laquelle ouvre la voie à la manipulation de l'information. Or, les écueils mis en place par la jurisprudence de la Cour de la justice de l’Union européenne et celle de la Cour de cassation pénalisent ceux qui, précisément, tentent d'obtenir judiciairement les données de connexions des auteurs de fake news(4),et ne vont pas dans le bon sens.
Quant à la préoccupation de la Commission européenne de conforter les rédactions des journaux et le pluralisme en luttant notamment contre la concentration dans les médias, là aussi les lois existent déjà. La loi du 29 juillet 1881 qui fait de l'éditeur, le directeur de la publication, et les dispositions du code du travail sur le statut professionnel des journalistes, en particulier leur clause de conscience, ou leurs droits d'auteur, voire le secret de leurs sources, offrent déjà des garanties substantielles à l'indépendance des rédactions. Enfin, la concentration des médias est régie par un dispositif légal spécial. En l'occurrence, la loi du 1er août 1986(5) pour la presse et celle du 30 septembre 1986(6) pour l'audiovisuel, et par des règles sur la concurrence sévèrement contrôlées par l'Autorité de la Concurrence. Il n'est pas certain, à cet égard, que le projet de règlement européen sur la liberté des médias soit vraiment indispensable en droit interne.
Un grand chambardement de nos lois, au motif annoncé d'une uniformisation « des règles et des mesures de sauvegarde » au sein des pays membres, risque de bouleverser, chez nous, les équilibres déjà mûrement éprouvés par les années et la jurisprudence. On sait ce qu'on perdrait. On est moins certain de ce qu'on y gagnerait.
L'ancien président de la 17e chambre, Jean-Yves Monfort, aimait à rappeler que régir la liberté d'expression, c'est comme entrer dans un magasin de porcelaine. Il faut le faire avec une infinie précaution. C'est le vœu principal que nous formons en ce début d'année : que l'on touche à nos lois « d'une main tremblante » comme le recommandait, avant lui, Montesquieu.