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/ Tribune


03/06/2022


Qui, pour défendre la liberté d'expression ?



 

Le Digital Services Act (DSA)(1), qui a vocation à imposer une réglementation à l'ensemble des intermédiaires en ligne qui fournissent des services dans l'UE, a passé une étape importante, en avril dernier, avec l'accord politique intervenu entre le Conseil et le Parlement européen sur ses termes. La principale nouveauté de cet accord consiste à confier à la Commission européenne un pouvoir direct et même exclusif de surveillance des très grands moteurs de recherche et des très grandes plateformes(2). Ce nouveau mécanisme de surveillance devrait permettre « un suivi continu destiné à réduire les risques liés : à la diffusion de contenus illicites, aux effets néfastes sur les droits fondamentaux, à une manipulation de leurs services ayant un impact sur les processus démocratiques et la sécurité publique et aux effets néfastes sur les mineurs ainsi qu'en matière de violence fondée sur le genre, et aux graves conséquences pour la santé physique ou mentale des utilisateurs »(3). L'autre mesure qui mérite d'être relevée est une conséquence directe de la guerre en Ukraine, relativement aux manipulations de l'information. L'accord introduit un mécanisme de « réaction aux crises », mis en œuvre par la Commission pour décider de « mesures proportionnées et efficaces à mettre en place pour le respect des droits fondamentaux »(4).

Dans le même temps, Twitter fait à nouveau parler de lui, avec l'annonce de son rachat par Elon Musk, pour la somme de 44 milliards de dollars, avec les soubresauts qu'a connu cette opération fracassante, pour des questions tenant aux faux comptes et spams d'une partie de ses utilisateurs(5). Il a annoncé le retour d'une liberté d'expression « absolue », en commençant par rétablir celle de l'ancien président Donald Trump. Le fondateur du réseau et ancien PDG, Jack Dorsey déclare pour sa part : « par principe, je ne crois pas que quiconque devrait posséder ou diriger Twitter, car le réseau souhaite être un bien public au niveau du protocole »(6).

De son côté, le juge français a rappelé que Twitter était maître chez lui à voir respecter ses conditions générales d'utilisation. Dans une ordonnance de référé du 14 avril dernier, la présidente de la 17e chambre du Tribunal judiciaire de Paris(7) a débouté Jean Messiha de sa demande de voir rétablir son compte qui avait été supprimé après qu'il avait publié un tweet dénonçant des agressions de migrants(8). Elle retient que la clause du contrat souscrit, proscrivant les « conduites haineuses », avait été, sans disproportion pour les intérêts en jeu, à bon droit mise en œuvre.

On en est là. On ne sait plus très bien, à la vérité, qui va faire la police, entre notre juge judiciaire (que vient désormais indirectement concurrencer son collègue administratif devant qui seront appelées les contestations des décisions de l'Arcom), la Commission européenne qui s'invite donc dans le débat, et les plateformes qui n'ont pas renoncé à arbitrer elles-mêmes les relations avec leurs clients.

3 juin 2022 - Légipresse N°403
663 mots
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