Le nouveau décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), qui succède au décret de 2010[[note:2]], contient un certain nombre d'avancées notables qui permettent de mieux intégrer ces services, notamment étrangers, dans le paysage audiovisuel et cinématographique français. Ainsi, les plateformes américaines qui jusqu'ici ne relevaient pas du droit français en matière d'obligations d'investissement, vont dorénavant devoir injecter près de 200 millions d'euros par an dans la filière française et européenne, dont 85 % dans les œuvres d'expression originale française. De même, ces services sont tenus à une certaine proportion d'œuvres françaises et européennes dans leur catalogue. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) peut moduler les obligations dans les conventions et les cahiers des charges, et dispose d'un pouvoir de sanction en cas de non-respect de ces obligations. Une nouvelle chronologie des médias devrait imposer aux plateformes des obligations supplémentaires par le biais d'accords à signer avec la filière cinématographique. Un état des lieux s'impose.
I - Les SMAD et les obligations d'investissement
La grande nouveauté réside dans le fait que les services qui ne sont pas établis en France et qui ne relèvent pas de la France(1) vont être obligés d'investir dans le cinéma et l'audiovisuel français et européens sur le fondement des règles françaises. La directive européenne relative aux services de médias audiovisuels (ci-après directive SMA) modifiée en 2018(2) permet (ce n'est qu'une possibilité) aux pays qui sont ...
Marc Le Roy
Docteur en droit
Chargé d'enseignement à l'Université de Tours et au ...
25 octobre 2021 - Légipresse N°396
4622 mots
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(1) Décr. no 2021-793 du 22 juin 2021 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande, JO 23 juin, texte no 13.
(2) Décr. no 2010-1379 du 12 nov. 2010 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande, JO 14 nov., texte no 58.
(3) Sur ces notions, v. art. 43-3 et 43-4 de la loi de 1986.
(4) Dir. (UE) no 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil, 14 nov. 2018, modifiant la dir. 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (« directive « services de médias audiovisuels »), compte tenu de l'évolution des réalités du marché.
(5) V. art. 13, 2 de la directive.
(6) V. art 19 de l'ord. no 2020-1642 du 21 déc. 2020 portant transposition de la dir. (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 nov. 2018 modifiant la dir. 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l'évolution des réalités du marché, et modifiant la loi du 30 sept. 1986 relative à la liberté de communication, le code du cinéma et de l'image animée, ainsi que les délais relatifs à l'exploitation des œuvres cinématographiques, JO 23 déc.
(7) Les chaînes de télévision non établies en France et qui ne relèvent pas de la France mais qui émettent en France sont également concernées et devraient être visées par un nouveau décret pour organiser leurs nouvelles obligations d'investissement.
(8) On ne trouve aucune définition de ces services dans les textes.
(9) Les numéros d'article entre parenthèses renvoient aux articles du décret SMAD.
(10) Loi no 86-1067 du 30 sept. 1986 relative à la liberté de communication, JO 1er oct.
(11) V. art. 2 de la loi de 1986.
(12) V. infra, I. – E.
(13) Netflix semble désireuse de proposer gratuitement des jeux vidéo en ligne à ses abonnés.
(14) La solution a été d'accorder dès 2012 un abattement de 66 % aux fournisseurs d'accès internet : v. CCIA, art. L. 115-7, 2° ; S. Maury, Loi de finances pour 2012. Loi de finances rectificative pour 2011. Loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. À taux et à travers, Lamy Immatériel 2012, no 80, p. 61.
(15) Ce qui semble résulter de l'article 13, 3 de la directive SMA : « Si l'État membre dans lequel est établi le fournisseur impose une telle contribution financière, il tient compte de toutes les contributions financières imposées par des États membres ciblés ».
(16) V. la tribune, Modification des obligations des plates-formes de streaming : « Nous, cinéastes, ne signerons pas un accord qui risquerait d'anéantir le financement des films », Le Monde, 10 mars 2021.
(17) V. supra.
(18) V. art. 5 du décr. no 90-66 du 17 janv. 1990 : « Œuvres réalisées intégralement ou principalement en version originale en langue française ou dans une langue régionale en usage en France ».
(19) V. art. 6 du décr. no 90-66 de 1990 qui vise principalement les œuvres originaires des États membres de l'Union européenne. On notera que les œuvres originaires du Royaume-Uni continuent pour le moment d'être considérées comme des œuvres européennes car le Royaume-Uni est signataire de la Convention européenne sur la télévision transfrontière du Conseil de l'Europe (v. art. 6, I, b du décr. no 90-66).
(20) V., N. Vulser, Quotas d'œuvres françaises et chronologie des médias : la Commission européenne sensible aux arguments de Netflix, Le Monde, 16 avr. 2021.
(21) Cette possibilité figurait déjà dans le dernier projet de décret SMAD, elle ne répond donc pas aux critiques émises par l'Union européenne.
(22) V. supra : « Le décret impacte-il la chronologie des médias ? ».
(23) V. pt 1.4.1.I de l'accord pour le réaménagement de la chronologie des médias du 6 sept. 2018 et son avenant du 21 déc. 2018 annexé à l'arrêté du 25 janv. 2019, JO 10 févr. 2019.
(24) V. CCIA, art. L. 232-1.
(25) Sur la chronologie actuelle, v. M. Le Roy, Nouvelle chronologie des médias : une évolution précaire, Légipresse 2019. 171.
(26) L'article 28 de l'ordonnance du 21 déc. 2020 (préc.) utilise l'indicatif (les délais « sont fixés par décret »), ce qui implique même une obligation d'agir pour le gouvernement.
(27) Sur ces notions, v. supra.
(28) V. art 42-1 et s. de la loi de 1986.
(29) V. art. 43-7, V, de la loi de 1986.
(30) V. art. 43-7, VI, de la loi de 1986.
(31) C'est le cas de Netflix et en grande partie d'Amazon Prime Video. Disney+ qui est rattachée à des acteurs historiques (Disney et Fox) du cinéma est un cas différent car beaucoup d'œuvres du groupe sortent déjà traditionnellement en salles. Pour autant Disney va devoir financer des œuvres cinématographiques françaises, ce qui n'est pas dans ses habitudes.
(32) Les montants exacts restent à définir selon ce qu'imposera le CSA dans les conventions et cahiers des charges.
(33) V. supra, I. – C.
(34) V., CGI, art. 1609 sexdecies B.
(35) On notera que l'obligation de mettre en place des quotas est légèrement élargie : les quotas de l'ancien décret SMAD s'appliquaient aux SMAD comportant au moins 20 œuvres cinématographiques ou audiovisuelles en catalogue contre 10 œuvres dans le nouveau décret SMAD (art. 27).