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Loi « Respect des principes de la République » : le Conseil constitutionnel valide la création du délit de mise en danger de la vie d’autrui par la diffusion d’informations relevant de la vie privée
Le Conseil constitutionnel a été saisi de la loi confortant le respect des principes de la République (publiée au Journal Officiel du 25 août 2021), par deux recours émanant chacun de plus de soixante députés, ainsi que par un recours déposé par plus de soixante sénateurs. Sept articles de la loi étaient soumis à son examen. Le Conseil censure deux dispositions et en assortit deux autres de réserves d’interprétation.
Sur l’ensemble des dispositions du chapitre IV relatif à la « lutte contre les discours de haine et les contenus illicites en ligne », seul l’article 36 lui était déféré, créant un nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui, à l’article 223-1-1 du code pénal. Celui-ci incrimine « le fait de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser aux fins de l’exposer ou d’exposer les membres de sa famille à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens que l’auteur ne pouvait ignorer ». Les députés auteurs de la saisine reprochaient à l’infraction ainsi créée de faire obstacle aux investigations de journalistes, notamment lorsqu’ils filment les forces de l’ordre dans le cadre de manifestations. Il en résulterait, selon eux, une méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines et de la liberté d’expression. Les requérants ajoutaient que ce délit porterait atteinte au principe de proportionnalité des peines en punissant de la même manière les risques d’atteinte aux personnes et aux biens.
Les Sages notent que la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d’appréciation du législateur, et qu’il incombe au Conseil de s’assurer de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue. Ceci étant posé, le Conseil relève tout d’abord que le délit visé est constitué lorsque plusieurs éléments sont réunis. D’une part, l’auteur doit révéler, diffuser ou transmettre, par tout moyen, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne qui permettent soit de l’identifier, soit de la localiser. D’autre part, la divulgation de ces informations doit être effectuée dans le but d’exposer cette personne ou les membres de sa famille à un risque direct d’atteinte à leur vie ou à leur intégrité ou encore à leurs biens. Dès lors, cette infraction est définie, tant dans son élément matériel que dans son élément moral, en termes suffisamment clairs et précis pour ne pas méconnaître le principe de légalité des délits et des peines. De plus, en punissant de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende la divulgation intentionnelle d’informations permettant d’identifier ou de localiser une personne en vue de l’exposer ou les membres de sa famille à un risque direct d’atteinte à leur propre personne ou à leurs biens, le législateur n’a pas institué une peine manifestement disproportionnée au regard de la nature du comportement réprimé. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines est donc écarté.
Le Conseil déduit de ces considérations que le premier alinéa de l’article 223-1-1 du code pénal, qui ne méconnaît pas non plus la liberté d’expression et de communication ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.