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Enfin on va pouvoir voir comment se rend notre justice !
Le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, que porte Éric Dupond-Moretti, comporte une modification de taille de la loi du 29 juillet 1881, avec la création d'un article 38 quater, qui prévoit que : « L'enregistrement sonore ou audiovisuel d'une audience peut être autorisé pour un motif d'intérêt public en vue de sa diffusion. Les modalités de l'enregistrement ne doivent porter atteinte ni au bon déroulement de la procédure ou des débats, ni au libre exercice de leurs droits par les parties et les personnes enregistrées. Le président de l'audience peut, à tout moment, suspendre ou arrêter l'enregistrement pour l'un de ces motifs. La diffusion, intégrale ou partielle, n'est possible qu'après que l'instance a donné lieu à une décision devenue définitive. La diffusion est réalisée dans des conditions ne portant atteinte ni à la sécurité, ni au respect de la vie privée des personnes enregistrées, ni au respect de la présomption d'innocence ».
Le législateur se voit donc proposer de revenir sur l'interdiction qui avait été introduite dans la loi sur la presse, en 1954, après les bousculades de reporters dans le Palais de Justice de Dignes lors de l'affaire Dominici. Cette interdiction avait alors pour unique objet de « prévenir la diffusion des images ou des enregistrements susceptibles de perturber les débats ».
Le projet de loi renvoie à un décret en Conseil d'État pour les conditions de mise en œuvre de ce changement. Il conviendra donc de voir comment celui-ci posera le cahier des charges qui sera soumis aux diffuseurs et cameramen pour que tous les intérêts ainsi rappelés dans la loi soient respectés, et que le texte ne pose pas trop d’exigences pouvant faire que l'interdiction reste de facto la règle. Il faudra voir aussi s'il traite des photographes qui ne sont pas expressément visés par le projet en l'état.
Comme l'ont démontré, depuis la loi Badinter du 11 juillet 1985, les procès présentant un caractère historique qui ont été filmés, les différents acteurs du débat judiciaire, plus occupés à exercer leur mission qu'à soigner la représentation de leur image, oublient très vite les caméras fixes. En réalité, le motif principal qui justifiait, jusqu'à cette volonté du nouveau garde des Sceaux de revenir sur l'interdiction, tient, selon le Conseil constitutionnel, qui s'est prononcé sur la question il y a peu(1), à « l'évolution des moyens de communication susceptibles de conférer à la diffusion des images un retentissement important qui amplifie le risque qu'il soit porté atteinte à la sérénité des débats, le respect de la vie privée des parties au procès, la sécurité des acteurs judiciaires et la présomption d'innocence de la personne poursuivie ». Le texte proposé au Parlement répond donc aux conditions rappelées par le Conseil constitutionnel.
Il convient d'ailleurs de rappeler que ce dernier a souhaité, pour sa part, que soient retransmises en direct ses propres audiences de QPC ; et ce, sur son site internet et peut-être bientôt sur la chaîne parlementaire. De fait, ses retransmissions n'ont jamais perturbé son fonctionnement, ni n'ont eu pour résultat d'attenter à l'intégrité de ses membres. Elles ont, au contraire, permis de mieux connaître son fonctionnement. Il en est de même des auditions devant les Commissions parlementaires qui ressemblent à maints égards à des procès et sont, elles aussi, filmées et retransmises en direct.
La justice est trop souvent conformiste et craintive du monde extérieur. On doit saluer la volonté du garde des Sceaux de souhaiter que désormais elle se montre plus, pour nourrir la confiance qu'elle mérite. Ainsi, le citoyen pourra découvrir qu'elle n'est pas aussi poussiéreuse et déconnectée de son temps qu'on le croit trop souvent.