(auteur, réf. de texte ou de décision…)
Recherche
(auteur, réf. de texte ou de décision…)
Enews Legipresse
Le club Légipresse
Vidéos
Vers une concertation temporaire entre distributeurs sur les dates de sortie des films en salles compatible avec le droit de la concurrence
L’Autorité a été saisie en février 2021 par le Médiateur du cinéma, en application de l’article L. 213-6, al. 2, du code du cinéma et de l’image animée, d’une demande d’avis portant sur la possibilité d’une concertation entre les distributeurs de films visant à la mise en place temporaire d’un calendrier régulé de sortie des films, jusqu’au retour à une situation normale. Le Médiateur souhaite que « l’avis rendu par l’Autorité expose le cadre de ce qu’il est possible de faire, à ce stade », afin de permettre aux distributeurs d’engager des négociations.
En effet, à la mi-mars 2021, le stock de films concernés était évalué à environ 400, ce qui impliquerait un rythme de sorties de 50 à 60 films par semaine pour l’écouler dans des délais raisonnables. Or, à titre de comparaison, selon le Médiateur, « depuis 2016, le nombre moyen de films inédits qui sortent chaque semaine est d’environ 14 »… Il est donc nécessaire pour les distributeurs de réfléchir activement à des solutions.
Malgré les limites, liées à l’absence, à ce jour, de projet ou de modèle précis d’accord en cours de négociation au sein de la filière cinématographique, et le fait que demeurent inconnus un certain nombre de paramètres essentiels de cet éventuel accord (ses parties, son contenu et sa durée), l’Autorité de la concurrence a, dans son avis du 16 avril 2021, dressé le cadre et les conditions pouvant rendre une concertation temporaire entre distributeurs sur les dates de sortie des films en salles compatible avec le droit de la concurrence.
L’Autorité se fonde sur la seule hypothèse d’un accord entre distributeurs, limité dans le temps, et la détermination transparente et organisée, et suffisamment en amont, d’un calendrier de sortie des films. Un tel accord paraît l’une des options les mieux à même de pallier, à la fois, les insuffisances des mécanismes actuels et de faire l’objet d’un certain consensus – à l’exclusion, naturellement, des acteurs ayant expressément fait part de leur opposition à toute forme de concertation.
La concertation envisagée traduit un concours de volontés entre des entreprises juridiquement distinctes et économiquement indépendantes, prenant la forme d’un accord : elle serait susceptible d’être qualifiée d’entente, et de comporter des restrictions de concurrence, tant au plan français qu’européen, juge l’Autorité.
En revanche, dans un cadre contentieux, les parties à l’accord pourraient, sous certaines conditions, bénéficier d’une exemption individuelle, telle que prévue au paragraphe 3 de l’article 101 TFUE et au 2° du I de l’article L. 420-4 du code de commerce. Elles devraient alors, dans un premier temps, démontrer que l’accord contribuerait à promouvoir le progrès économique et apporter donc des éléments permettant de vérifier cette contribution. A cet égard, dans sa saisine, le Médiateur avance que l’accord viserait à préserver la diversité de l’offre cinématographique et la plus large diffusion des œuvres conformément à l’intérêt général, dans une période exceptionnelle caractérisée à la fois par l’accumulation d’un stock de films sans précédent et par de probables restrictions d’ordre sanitaire lors de la réouverture des salles. En outre, dans un précédent avis rendu en 2009 (09-A-50 du 8 octobre 2009), l’Autorité a rappelé que les objectifs culturels pouvaient être admis au titre du progrès économique. Par ailleurs, sont reconnus comme sources de progrès économique d’ordre qualitatif, les accords permettant l’amélioration de la production et de la distribution à travers de meilleurs services ou une meilleure qualité.
Dans un deuxième temps, les parties à l’accord devraient démontrer que l’effet net de l’accord serait au moins neutre du point de vue des exploitants de salles de cinéma et qu’il ne serait pas préjudiciable aux spectateurs, en leur permettant d’accéder à une offre diversifiée et à tous types de films. Dans un troisième temps, les parties devront établir l’insuffisance, eu égard au caractère exceptionnel de la situation actuelle, des options alternatives à une concertation entre distributeurs portant sur un calendrier de sortie des films en salle, telles que, par exemple, les engagements de programmation ou la dérogation à la chronologie des médias via une diffusion des films directement sur les plateformes de vidéos à la demande ou les chaînes de télévision. Enfin, ils devront démontrer que la concurrence serait préservée pour une partie substantielle de l’activité de distribution des films, et que les acteurs intervenant dans ce processus continueraient d’être en concurrence sur de nombreux paramètres non inclus dans l’accord.
Dès lors que les parties à l’accord démontreraient que ces conditions sont remplies, l'Autorité de la concurrence estime qu’un tel accord entre distributeurs sur un calendrier limité dans le temps de sortie des films lors de la réouverture des salles de cinéma pourrait, dans ce contexte particulier, bénéficier de l’exemption individuelle.