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Le régime dérogatoire de l’INA ne remet pas en cause le droit exclusif de l’artiste-interprète d’autoriser ou d’interdire la reproduction de sa prestation
Les ayants droit d’un musicien décédé au cours de l’année 1985 ont constaté, en 2009, que l’INA commercialisait, dans sa boutique en ligne, sans leur autorisation, des vidéogrammes et des phonogrammes, produits puis diffusés par des sociétés nationales de programme, et reproduisant des prestations du musicien, effectuées au cours des années 1959 à 1978. Ils ont alors assigné l’INA en justice, sur le fondement de l’article L. 212-3 du CPI, pour obtenir réparation de l’atteinte prétendument portée aux droits d’artiste-interprète dont ils sont titulaires.
L’article 49, modifié, de la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 instaure, au profit de l’INA, bénéficiaire, sur les archives audiovisuelles, des droits d’exploitation des sociétés nationales de programme, un régime dérogatoire prévoyant que les conditions d’exploitation des prestations des artistes-interprètes et les rémunérations auxquelles cette exploitation donne lieu sont régies par des accords conclus entre les artistes-interprètes ou les organisations représentatives et cet institut. Ces accords doivent notamment préciser le barème des rémunérations et leurs modalités de versement.
Par un arrêt du 10 mars 2017, rendu sur renvoi après cassation, la cour d’appel a déboutés les ayants droit de leurs demandes, considérant que l’article 49 instaure, au seul bénéfice de l’INA, une présomption simple de consentement préalable de l’artiste-interprète, qui peut être combattue, et ne remet ainsi pas en cause le droit exclusif de l’artiste-interprète. Les accords avec les organisations syndicales, visés audit article, ne leur conféreraient pas le droit « d’autoriser et d’interdire » dévolu à l’artiste‑interprète, mais auraient pour seul objet de fixer sa rémunération. Les demandeurs, ainsi que la Spedidam intervenue volontairement à l’action, ont formé un pourvoi contre l’arrêt. La Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJUE la question de la compatibilité du régime juridique prévu à l’article 49 de la loi de 1986 précité avec les articles 2, 3 et 5 de la directive 2001/29 sur le droit d’auteur dans la société de l’information.
Par arrêt du 14 novembre 2019 (affaire C-484/18), la CJUE a dit pour droit que les dispositions de la directive doivent être interprétés en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une législation nationale qui établit, en matière d’exploitation d’archives audiovisuelles par une institution désignée à cette fin, une présomption réfragable d’autorisation de l’artiste-interprète à la fixation et à l’exploitation de sa prestation, lorsque cet artiste-interprète participe à l’enregistrement d’une œuvre audiovisuelle aux fins de sa radiodiffusion.
En l’espèce, et au regard de la réponse apportée par la CJUE, la Cour de cassation rappelle que l’arrêt attaqué constate que l’INA a une mission particulière donnée par les lois successives de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national, qu’il assure la conservation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme et contribue à leur exploitation, qu’il détient seul les archives de son fonds et qu’il est seul titulaire des droits de leur exploitation. Il ajoute que les vidéogrammes et phonogrammes litigieux sont soumis au régime dérogatoire dont bénéficie l’INA.
Il en résulte que l’artiste-interprète dans la cause avait participé à la réalisation de ces œuvres aux fins de leur radiodiffusion par des sociétés nationales de programme et qu’il avait, d’une part, connaissance de l’utilisation envisagée de sa prestation, d’autre part, effectué sa prestation aux fins d’une telle utilisation.
Dès lors, c’est à bon droit, juge la Cour de cassation, que la cour d’appel a énoncé qu’en exonérant l’INA de prouver par un écrit l’autorisation donnée par l’artiste-interprète, l’article 49, II, de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, ne supprime pas l’exigence de ce consentement mais instaure une présomption simple d’autorisation qui peut être combattue, et ne remet pas en cause le droit exclusif de l’artiste-interprète d’autoriser ou d’interdire la reproduction de sa prestation ainsi que sa communication et sa mise à la disposition du public.