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La mission de régulation des réseaux sociaux présente son rapport et préconise une politique de régulation publique agile
Un an après son lancement en mai dernier par Emmanuel Macron et Mark Zuckerberg, et à l’occasion d’une nouvelle rencontre à l’Elysée entre le chef de l’Etat et le PDG de Facebook, la mission de régulation des réseaux sociaux a remis, le 10 mai, son rapport , intitulé “Créer un cadre français de responsabilisation des réseaux sociaux : agir en France avec une ambition européenne”. La mission pose des pistes de réflexions et d’actions qui devraient venir nourrir les travaux parlementaires des prochains mois (proposition de loi Avia notamment).
Le rapport constate l’insuffisance et le manque de crédibilité des démarches d’autorégulation développées par les plus grandes plateformes, justifiant une intervention publique visant à les responsabiliser. Cette intervention doit reposer sur un équilibre entre la répression des auteurs de contenus dommageables et la régulation ex ante pragmatique et souple des acteurs fournissant des services de réseaux social, dans un cadre européen à repenser.
A cet égard, le rapport constate que la règle actuelle dite du pays d'installation, selon laquelle seul le pays qui accueille le siège du réseau social peut intervenir pour réguler ce réseau, s'avère inefficace. La mission préconise la mise en place d’une régulation européenne fondée sur le principe de compétence du pays de destination. Celui-ci requiert un cadre commun, posant des obligations uniformes défini au niveau européen via un règlement d’application directe (tel que le règlement sur la neutralité du net), qui garantit cohérence et uniformité de la norme juridique dans l’ensemble des géographies. Chaque Etat devient responsable de la mise en œuvre sur son territoire d’une règle commune.
La mission préconise ensuite la mise en place d’une politique de régulation reposant sur une approche de conformité, à affiner dans une démarche agile afin de pouvoir s’adapter rapidement aux mutations des réseaux sociaux. Celle-ci suppose d’imposer des obligations fortes sur la transparence des fonctions clés, comme la modération (et des modalités d’élaboration et de mise à jour des CGU qui la sous-tendent) et le recours aux algorithmes de ciblage et d’individualisation des contenus présentés. Cette approche doit se mettre en place progressivement, selon la taille des acteurs et de leurs services : seuls les services les plus importants devraient être soumis à ces obligations et à un contrôle ex ante de conformité du régulateur (les services de taille intermédiaire devraient se voir reconnaître une présomption de conformité ; les plus petites plateformes ne devraient pas pouvoir faire l’objet de sanction de la part du régulateur qui pourrait toujours saisir le procureur en cas de faits pouvant relever d’une qualification pénale). Enfin, le cadre législatif devrait permette une mise en œuvre graduelle de ces mécanismes, en instaurant un cadre sans chercher à en détailler les modalités.
En résumé : La mission préconise donc une démarche proactive, visant à créer les conditions d’un dialogue constructif et régulier entre les pouvoirs publics et les acteurs concernés. Cette politique de régulation pourrait reposer sur 5 piliers :
Premier pilier : Une politique publique de régulation garante des libertés individuelles et de la liberté d’entreprendre des plateformes.
Deuxième pilier : Une régulation prescriptive et ciblée sur la responsabilisation des réseaux sociaux mise en œuvre par une autorité administrative indépendante, reposant sur trois obligations incombant aux plateformes :
- transparence de la fonction d’ordonnancement des contenus ;
- transparence de la fonction de mise en œuvre des CGU et de modération des contenus ;
- un devoir de diligence vis-à-vis de ses utilisateurs (obligation de moyen).
Troisième pilier : Un dialogue politique informé entre les acteurs, le gouvernement, le législateur, le régulateur et la société civile.
Quatrième pilier : Une autorité administrative indépendante partenaire des autres branches de l’État et ouverte sur la société civile. Cette autorité serait garante de la responsabilisation des réseaux sociaux au bénéfice du gouvernement et de la société civile.
Cinquième pilier : Une ambition européenne pour renforcer la capacité des Etats membres à agir face à des plateformes globales, et réduire le risque politique lié à la mise en œuvre dans chaque Etat membre.
La dernière partie du rapport dresse un focus sur la transparence des algorithmes. L’intervention de l’Etat est jugée indispensable en la matière, et le régulateur devrait avoir les moyens de vérifier la loyauté des algorithmes, tâche particulièrement complexe. Le but de la régulation, au-delà des enjeux techniques et juridiques, sera de porter les questions d’éthique et des choix moraux et politiques que soulèvent les algorithmes dans le débat public.