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L’Autorité de la concurrence juge urgent de desserrer les contraintes réglementaires pesant sur les acteurs historiques de l’audiovisuel
Saisie par la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale dans la perspective de la réforme de l’audiovisuel, l’Autorité de la concurrence a rendu le 21 février son avis. L’idée centrale est de desserrer les contraintes pesant sur les acteurs historiques du secteur pour leur permettre de rivaliser, à armes égales, avec les plateformes de vidéo en ligne (Amazon, Netflix). Car le constat est sans appel : ces nouvelles plateformes, entrées sur le marché en 2014 et qui comptent en France plus d’abonné que la chaîne Canal Plus (Netflix a dépassé les 5 millions d’abonnés) innovent en terme de modèle économique, en intégrant dans la même entreprise à la fois les fonctions de production de contenus, d’édition et de distribution, soit l’intégralité de la chaîne de valeur traditionnelle de l’audiovisuel. La « délinéarisation » qui s’affranchit des grilles de programmes des chaînes de télévision, offre par ailleurs la liberté de visionner un catalogue très riche, pour un prix réduit (8 à 14 euros pour Netflix ; sans coût supplémentaire pour les abonnés à Amazon Prime). En outre, contrairement aux chaînes linéaires, les plateformes bénéficient de l’accès aux données de leurs utilisateurs, ce qui permet d’améliorer sans cesse leurs offres et notamment leur algorithme de recommandation. Face à ces nouveaux usages, les modèles économiques des chaînes, payantes comme gratuites, sont bousculés de façon majeure.
Face à ce constat, l’Autorité formule des propositions de réformes. En effet, la réglementation audiovisuelle est toujours fondée sur le modèle historique d’une offre linéaire diffusée en hertzien. Cette réglementation, spécialement lourde en France par rapport aux autres pays européens souligne l’Autorité, impose des contraintes juridiques asymétriques qui pèsent uniquement sur les acteurs historiques nationaux, limitant leur capacité de s’adapter aux mutations du marché. En outre, la transposition de la directive SMA, qui impliquera une coordination délicate à établir entre les autorités de régulation, ne permettra de résoudre que partiellement cette asymétrie, juge l’Autorité.
Elle estime donc nécessaire de réexaminer la réglementation existante relative à la publicité télévisuelle, nettement plus contraignante que celle pesant sur les acteurs d’internet. A ce titre, elle recommande d’autoriser la publicité ciblée alors que les régies des chaînes ne peuvent l’offrir aujourd’hui aux annonceurs. De même, il est préconisé d’ouvrir les secteurs interdits de publicité à la télévision : cinéma, édition, distribution, qui ont par ailleurs largement recours à la publicité digitale.
L’autre axe de proposition concerne les programmes. L’Autorité est favorable à l’assouplissement des obligations portant sur les investissements dans les œuvres européennes et françaises, via la mutualisation des obligations au niveau des groupes de télévision par exemple, de même en introduisant une certaine dose de mutualisation entre les « couloirs » des obligations de production audiovisuelle et cinématographique. Ensuite, il est recommandé de revoir les conditions de recours à la production indépendante. Ce recours qui permet d’éviter une trop forte concentration, nuit à la disponibilité des contenus et in fine, à la diversité de l’offre. L’Autorité préconise de limiter la définition de l’indépendance à l’indépendance capitalistique du producteur vis-à-vis du diffuseur, sans fixer les conditions de la négociation contractuelle sur la répartition des droits.
En outre, la réglementation prohibe la diffusion des films les mercredis et vendredis soirs, toute la journée du samedi ainsi que le dimanche avant 20 h 30. Dans la mesure où les films sont disponibles à tout moment sur les plateformes VàDA, il est préconisé de supprimer ces interdictions.
Enfin, l’avis recommande une refonte de la loi de 1986 sur le dispositif anti-concentration, en ce qu’il ne s’applique qu’aux opérateurs de télévision, excluant une partie de plus en plus significative des fournisseurs de contenus.
L’ensemble de ces adaptations sont jugées « urgentes » et devraient être rapidement réformées, juge d’Autorité, sans même attendre l’intervention de la loi audiovisuelle qui sera débattue début 2020. Les dispositions relatives à la publicité et aux obligations de production, contenues dans les décrets du 27 mars 1992 et du 2 juillet 2010, sont donc concernées.