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Eclairage sur la proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des éditeurs et agences de presse
La Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat a adopté le 16 janvier 2019, à l’unanimité, la proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, soumettant à l’autorisation de ces derniers « la reproduction et la communication au public » des textes, images, photos, vidéos qui ont fait l’objet d’un traitement journalistique grâce à des autorisations collectives attribuées par une société de perception et répartition des droits. David Assouline (SOCR Paris), à l'initiative du texte, revient sur ses principales dispositions avant son examen en séance publique au Sénat le 24 janvier, et alors que les négociations à Bruxelles sur la réforme du droit d’auteur s’enlisent.
- La commission de la Culture du Sénat a adopté une version modifiée de la notion de « publication de presse ». Que recoupe cette notion ?
La volonté de la commission de la culture a été de se rapprocher le plus possible du texte en discussion au niveau européen, pour permettre le cas échéant une transposition rapide. La notion de publication de presse est issue du considérant 33 du projet de directive adopté par le Parlement européen le 12 septembre dernier, dont voici les termes :
(33) Aux fins de la présente directive, il est nécessaire de définir la notion de publication de presse de manière à couvrir uniquement les publications journalistiques, diffusées par un prestataire de services, périodiquement ou régulièrement actualisées sur tout support, à des fins d’information ou de divertissement. Ces publications pourraient inclure, par exemple, des journaux quotidiens, des magazines hebdomadaires ou mensuels généralistes ou spécialisés, et des sites internet d’information. Les publications périodiques qui sont diffusées à des fins scientifiques ou universitaires, telles que les revues scientifiques, ne devraient pas être couvertes par la protection accordée aux publications de presse en vertu de la présente directive. Cette protection ne s’étend pas aux actes de création de liens hypertextes. Cette protection ne s'étend pas non plus aux informations factuelles qui sont reprises dans des articles journalistiques issus d'une publication de presse, et elle n'empêche dès lors personne de rapporter ces informations factuelles.
- Les éléments intégrés dans une publication, comme les photographies, ou les snippets, seront-ils soumis à autorisation ?
Oui, tel est bien l’objet de la proposition de loi. Il reste à définir le domaine des exclusions. Actuellement, dans le texte du Parlement européen, seraient simplement exclus les : « simples hyperliens accompagnés de mots isolés » (2 bis de l’article 11). Ce point est crucial : plus les exclusions seront larges, moins les éditeurs et les agences de presse seront en mesure de négocier. Nous attendons donc les termes exacts d’un éventuel accord européen ; à défaut, il faudra trouver une définition du champ des exclusions suffisamment souple pour ne pas empêcher la diffusion de l’information, et assez stricte pour ne pas vider les droits voisins de leurs contenus.
- La liste des redevables au titre des droits voisins a également été élargie. Les réseaux sociaux seront-ils concernés ?
Oui, la commission a adopté à mon initiative un amendement à l’article 3 qui vise dans leur ensemble les services de communication au public en ligne, ce qui renvoie à l’article 1er de loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004. Les moteurs de recherche et les réseaux sociaux sont bien compris dans cette définition.
- L'adhésion aux sociétés chargées de recouvrer les droits doit-elle être obligatoire ?
Pour l’instant, il ne nous paraît pas pertinent de contraindre les professionnels à adhérer à une société de gestion. Les cas d’adhésion obligatoire sont rares en droit français, et correspondent plutôt à des situations où l’auteur n’est pas en situation matérielle de défendre ses intérêts, comme dans le cas de la copie privée. Dès lors, l’adhésion est à ce stade facultative. Il n’en reste pas moins que je souhaite vivement que tous les éditeurs et les agences de presse adhèrent à ces sociétés, voire à une seule société pour instaurer un rapport de force favorable face aux géants de l’internet.
- Vous avez proposé que la durée des droits patrimoniaux des éditeurs et agences de presse soit fixée à 20 ans. Le projet de directive actuellement en discussion à Bruxelles a pour sa part retenu une durée de cinq années, qui est également la position de la France dans la négociation. Quel est l’enjeu ici de la durée de ce droit ?
La tradition française pour les droits voisins est de 50 ans. J’ai proposé de réduire cette durée à 20 ans en commission, et je pense que nous aurons un débat en séance sur cette question. Faut-il se rapprocher des 5 ans de la directive en discussion, ou bien en attendant sa conclusion, faut-il faire valoir notre spécificité ? Tous les contenus d’information ne nécessitent pas la même durée de protection (actualités courantes, articles de fond, photos...).
Il reviendra au Sénat puis à l’Assemblée nationale de trancher, tout en se conformant à ce que la directive établira si elle est adoptée.
Propos recueillis le 23 janvier 2019