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Tribune


01/06/2008


L'ASIC : nous ne sommes pas que des hébergeurs



Benoît TABAKA
Secrétaire général de l'Association des services internet communautaires ...
 

Créée en décembre 2007, l'Association des services internet communautaires est la première organisation française qui regroupe des sociétés de premier plan du web 2.0 et qui vise à promouvoir le “nouvel” internet.
En France particulièrement, la démocratisation des offres haut-débit a permis le développement rapide de nouveaux services internet, souvent qualifiés de web 2.0.
C'est ainsi que les intermédiaires techniques de l'internet nouvelle vague et les opérateurs des plateformes placent désormais l'internaute au centre de l'internet et lui fournissent les moyens pour développer la création, le partage et les transactions.
Selon une récente étude Ernst & Young sur le capitalrisque, la France arrive en tête de l'Europe en termes d'investissements dans le web 2.0 (l'écart avec les États- Unis demeure toutefois encore important). Dans un contexte où l'emploi et la compétitivité sont au centre des débats politiques, l'internet nouvelle génération apparaît comme l'un des domaines clés d'innovation dont la France et l'Europe pourraient profiter.
En effet, les modèles liés au web 2.0 permettent l'émergence d'activités économiques jusqu'à présent diff i c i l ement viables – notamment grâce à la possibilité de servir une multitude de micro-audiences sur le modèle dit de la “longue traîne”. En outre, l'“écosystème” qui s'affirme sur internet se caractérise par son ouverture: une grande flexibilité dans l'utilisation, une audience accessible à tous, un espace de diversité culturelle, une interactivité renforcée, un modèle collaboratif tirant parti de l'intelligence collective, etc.
Cet écosystème ouvre de nombreuses opportunités de développement de nouveaux services, souvent par de tout nouveaux acteurs. Il n'est d'ailleurs pas inutile de souligner qu'aux côtés d'acteurs majeurs, voire historiques, de l'internet, comme Google, Yahoo, MySpace, Wikimedia, ou Microsoft, les autres membres de l'ASIC sont de jeunes pousses françaises nées de l'imagination et du talent entrepreneurial de leurs fondateurs : Dailymotion, PriceMinister, SkyBlog, Exalead, Kewego, Zlio, etc.
Aujourd'hui, plusieurs membres de l'ASIC participent activement aux travaux de la Commission « Prestataires de l'internet » du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique qui a pu débattre du statut de ces acteurs du web 2.0.
La fonction principale de ces acteurs de l'internet communautaire est de mettre à la disposition du public, de manière gratuite ou payante, des outils lui permettant de diffuser des contenus dont il est – dans l'immense majorité des cas – “propriétaire” et auteur, ou de participer en apportant une contribution positive à la création d'un contenu. Le point commun de tous nos métiers reste la fonction consistant à accueillir sur nos machines et serveurs des contenus réalisés, publiés, mis en ligne par les internautes, utilisateurs de nos services, afin que ceux-ci soient – sauf exceptions – accessibles sur l'internet.
C'est cette caractéristique essentielle qui nous fait dire que ce type de métier est par essence même étroitement lié à la fonction de stockage de contenus pour mise à disposition du public (souvent désignée communément, sous le raccourci « d'hébergement ») telle qu'elle a pu être définie par la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. À cette qualification, est souvent opposée celle d'éditeur qui ne fait l'objet d'aucune définition commune.
Selon nous, la notion d'éditeur ne vise que les personnes (i) qui sont à l'origine du contenu ou de sa création et/ou (ii) qui déterminent et choisissent d'afficher les contenus qui doivent être mis à la disposition du public. Ce point a été confirmé à plusieurs reprises tant par la jurisprudence que par l'interprétation parlementaire.
Dans ces conditions, le statut de l'hébergement issu de la loi du 21 juin 2004 peut s'appliquer aux intermédiaires de l'internet qui ont pour fonction – et non pour métier – de stocker les contenus fournis par les destinataires du service, et notamment ceux qui procèdent à leur mise à disposition, par un moyen de communication au public en ligne.
Pour autant, nous n'en sommes pas moins des acteurs responsables, agissant dans l'intérêt d'un développement équilibré de la société de l'information pour le

bénéfice de tous. Cette volonté est régulièrement démontrée par les membres de l'ASIC qui ont pu mettre en oeuvre diverses actions et/ou outils afin de protéger le droit des tiers.
Nous sommes également des acteurs ayant des obligations.
Ainsi, il faut rappeler que les personnes définies à l'article 6.I.2 de la LCEN demeurent soumises à une obligation forte, celle de conserver les données permettant l'identification des personnes à l'origine des contenus.
Cela recouvre, notamment, des données déclaratives mais également des données plus personnelles comme des numéros de carte bancaire lorsque le service donne lieu à des paiements, ou des adresses de courrier électronique qui seront vérifiées. Ce sont ces informations qui sont communiquées aux autorités notamment de police et de gendarmerie dans le cadre de réquisitions judiciaires et qui leur permettent d'assurer la poursuite de l'action publique à l'encontre de délinquants. Le décret prévu au II de l'article 6 de la LCEN et spécifique aux personnes définies à l'article 6.I.2 est d'ailleurs en cours de préparation et viendra préciser les informations et les durées de conservation correspondant à cette obligation d'identification.
En outre, nous sommes susceptibles de voir notre responsabilité être engagée si, ayant connaissance du caractère illicite d'un contenu ou d'une activité, nous n'avons pas pris les mesures destinées à faire cesser le trouble. En conséquence, dès lors qu'un acteur de l'internet communautaire est valablement informé de l'existence d'un contenu ou d'une activité illicite sur son service, il pourra voir sa responsabilité être engagée à défaut de réaction de sa part. À ce titre, les juridictions parisiennes ont largement fait évoluer ces notions dans un sens favorable aux ayants droit, puisque l'hébergeur se voit également contraint d'empêcher toute nouvelle mise en ligne sur son service du contenu litigieux.
Au-delà de leur fonction d'hébergement des contenus des utilisateurs de nos services, les sites communautaires ont tous des fonctions autres pour lesquelles un régime de responsabilité différent peut s'appliquer. Certains sites communautaires pourront revêtir le statut d'éditeur pour les contenus qui sont mis en ligne de leur propre initiative (choix des rubriques, contenus propres) ou assumer une responsabilité de droit commun, notamment en leur qualité de prestataire de service. Ainsi, la responsabilité des acteurs de l'internet communautaire relève également du droit commun pour l'ensemble des autres fonctions, et notamment pour tous les contenus dont le site est l'auteur ou pour des fonctions qui n'auraient pas une nature d'“hébergement” (comme par exemple, le courtage).
Il n'existe donc pas de statut unique applicable aux acteurs de l'internet communautaire et bien au contraire, il est nécessaire de faire une application distributive des régimes de responsabilité en déterminant quelle fonction est à l'origine de l'atteinte aux droits invoquée: estce le stockage de contenus mis en ligne par un tiers ? Est-ce un contenu créé par le site communautaire luimême ? Est-ce une autre fonctionnalité qui pose problème ? Cette logique de l'application distributive du régime de responsabilité a été confirmée tant par la jurisprudence que par la Commission européenne.
C'est cela qui nous fait dire qu'une modification législative nous semble prématurée à ce stade, que cela soit pour exclure les sites communautaires du régime de responsabilité de l'hébergement ou pour créer une nouvelle catégorie d'hébergeur. Deux raisons à cela. Tout d'abord, comme évoqué précédemment, le stockage de contenus est bien une fonction occupée par les sites communautaires et cela ne peut être nié.
D'autre part, on voit émerger de la part des prestataires techniques d'hébergement une demande visant à bénéficier d'un régime de responsabilité allégé par rapport aux dispositions de la LCEN telles qu'interprétées par la jurisprudence actuelle. Pour l'ASIC, il semble normal et surtout important que ces prestataires techniques soient tenus aux mêmes obligations que toutes les personnes ayant une fonction d'hébergement et notamment, aux obligations de conservation de données d'identification ou “d'action” suite à une notification de titulaires de droits.
C'est pourquoi et au-delà d'une éventuelle modification législative, l'ASIC a proposé de recourir à la soft law, et plus précisément de trouver une issue à l'ensemble des problématiques soulevées par les acteurs du web 2.0 par l'intermédiaire d'une ou plusieurs chartes d'engagement par domaine d'activité, qui seraient signées entre les ayants droit et les acteurs de l'internet communautaire (par exemple, plateforme d'hébergement vidéos, plateformes de commerce électronique, etc.). Ce travail a été réalisé aux États-Unis ou titulaires de droit et plates-formes de vidéos se sont rassemblés autour d'un texte commun: les UGCPrinciples. Espérons qu'en France, un travail similaire puisse voir le jour.
1er juin 2008 - Légipresse N°252
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