L'affichage d'une décision de justice ne peut s'assimiler à l'immunité propre dont bénéficie celui qui se livre au compte rendu de débats judiciaires, une telle activité devant du reste être menée avec fidélité et bonne foi, conditions que démentent les expurgations opérées en l'espèce sur la pièce affichée.
Voici un bel arrêt permettant de rappeler les conditions dans lesquelles il est possible de faire état publiquement d'une décision de justice. L'aff aire trouve son origine dans un confl it assez banal entre deux anciens associés. Il s'agit de médecins qui partageaient un cabinet de consultation dont les frais étaient pris en charge par une société civile de moyens. À la suite de diffi cultés de gestion, une plainte fut déposée par l'un qui aboutit à la condamnation de l'autre pour ...
Cour de cassation, 1re ch. civ., 10 avril 2013, Pierre X. c/ Antoine Y.
Emmanuel DREYER
Professeur à l'Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris 1)
(2) Initialement, une faute délictuelle pouvait être caractérisée (V. Civ. 2, 18 juin1986 : B. n° 95). Toutefois, celle-ci n'a plus été retenue à partir du moment oùtoute référence au droit commun a été bannie dans le périmètre de la loi de1881 (V. Civ. 2, 2 oct. 2003 : B. n° 290 ; LP 2004, III, p. 1, note E. Dreyer ; GP 10-12avr. 2005, p. 42, note P. Guerder).
(3) V. aussi I. Tricot-Chamard, Contribution à l'étude des droits de la personnalité,Puam, 2004, p. 54, n° 54.
(4) Les deux qualifications se cumulent alors au lieu de s'exclure, car elles protègentdes intérêts différents (V. Civ. 2, 8 juil. 2004 : B. n° 387 ; D. 2004, p. 2956,note C. Bigot). Il est donc possible d'invoquer la première sans la seconde enéchappant ainsi aux dispositions de la loi de 1881 (V. Civ. 1, 20 mars 2007 : B.n° 124 ; Jcp 2007, II, 10141, note E. Derieux). La Haute Juridiction a tout au plusconsacré ici une priorité : « l'auteur de l'action civile qui est fondée sur le délit dediffamation et est exercée devant le juge pénal ne peut plus agir en réparationdevant le juge civil en raison des mêmes faits sur le fondement de l'art. 9-1, C. civ. »(Civ. 1, 28 juin 2007 : LP 2007, III, p. 175, note E. Dreyer ; Cce 2007, comm. 138,obs. A. Lepage).
(5) V. jugeant « que la mauvaise foi n'étant pas une condition d'application de l'art.9-1, C. civ., justifiée seulement par la constatation d'une atteinte publique au respectde la présomption d'innocence », AP 21 déc. 2006 : Jcp 2007, 10040, note E. Dreyeret 10111, note X. Lagarde ; D. 2007, p. 835, note P. Morvan.
(6) V. Cedh, 5e sect., 13 mars 2012, Bouygues Telecom c/ France, § 59.
(7) V. J.-M. Bruguière, « Dans la famille des droits de la personnalité, je voudrais » : D. 2011, p. 31, n° 13.
(8) V. E. Dreyer, Responsabilités civile et pénale des médias : LexisNexis, 3e éd., 2012,p. 210, n° 410 et s.
(9) Idem pour la salle d'un secrétariat de mairie où quiconque peut entrer aprèsy avoir été invité (V. Crim., 9 juin 1943 : B. n° 53).
(10) Sa responsabilité pénale peut éventuellement être engagée sur le fondementde l'art. 434-16, C. pén. (V., E. Dreyer, Droit pénal spécial : Ellipses, 2e éd.,2012, p. 696, n° 1542 et s.).
(11) V. retenant la diffamation, Crim., 28 fév. 1989 : B. n° 98.
(12) Car on ne saurait mieux exprimer des « conclusions définitives manifestantun préjugé tenant pour acquise la culpabilité de la personne visée » (formuleconstante : Civ. 1, 2 mai 2001 : B. n° 115) qu'en prétendant en rapporter lapreuve. Cette publication sans nuance revient à « l'affirmation non équivoqued'une conviction de culpabilité » qui caractérise l'atteinte à la présomption d'innocence(CA Paris, 14e ch., 7 oct. 2003 : Cce 2003, comm. 125, obs. A. Lepage).Cela revient, en tout cas, à « suggérer très fortement » cette culpabilité (V., Civ.2, 8 juil. 2004: B. n° 387 ; D. 2004, p. 2956, note C. Bigot ; Jcp 2005, I, 143, obs.B. Beignier et B. de Lamy).
(13) Sous réserve d'une forme particulière de bonne foi qui s'attache aux commentairesscientifiques accompagnant cette publication lorsqu'ils « n'ajoutentpas aux énonciations de la décision critiquée ou ne les déforme pas sciemment etdans une attention malveillante » (CA Paris, 11e ch corr., 12 déc. 1956 : Jcp 1957,II, 9702).
(14) V. aussi H. Blin, « Publication des décisions de justice et atteinte à l'intimitéde la vie privée » : Jcp 1972, II, 2470.
(15) V. la difficulté soulignée par J.-H. Robert, « La protection de la présomptiond'innocence selon la loi du 4 janvier 1993 », in Liberté de la presse et droit pénal :Puam, 1994, p. 122.
(16) V. déjà Civ. 2, 8 mars 2001 : B. n° 46 ; GP 17-19 juin 2001, p. 29, note P. Guerder.
(17) V. admettant au contraire la légitimité d'un compte rendu « dès lors que lesjournalistes n'assortissent la relation des faits d'aucun commentaire de nature àrévéler un préjugé de leur part quant à la culpabilité de la personne en cause », Civ.2, 20 juin 2002 : B. n° 142 ; Jcp 2003, I, 126, n° 12, obs. B. Beignier ; GP 21-23 déc.2003, p. 81, obs. P. Guerder.
(18) V. déjà Civ.1, 12 nov. 1998 : B. n° 313.
(19) Si cet ajout avait été plus clairement établi, il aurait pu faire disparaître« pour l'avenir » le trouble né de l'atteinte à la présomption d'innocence etaurait empêché le juge des référés d'ordonner l'arrêt d'un tel affichage. Ici,les magistrats semblent y avoir attaché d'autant moins d'importance que, entoute hypothèse, le jugement restait amputé des moyens de défense dont leprévenu s'était prévalu à l'appui de sa demande de relaxe.
(20) V. Crim. 22 oct. 1996 : B. n° 369.
(21) Crim. 8 juin 2010 : B n° 104 ; Jcp 2010, 1258, 6, obs. E. Dreyer. 13 avr. 2010 :B. n° 67 ; Cce 2010, comm. 89, obs. A. Lepage ; GP 17 juin 2010, p. 14, obs.F. Fourment.