A inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil, ensemble les articles L. 121-2 et L. 121-3 du Code de la propriété intellectuelle, la cour d'appel qui pour dire abusif l'usage fait par la veuve d'un célèbre poète de son droit de divulgation en refusant la publication des lettres échangées entre son mari et sa collaboratrice et compagne, retient que lorsque la personne investie du droit de divulgation post mortem, qui ne dispose pas d'un droit absolu mais doit exercer celui-ci au service des oeuvres et de leur promotion, conformément à la volonté de l'auteur, s'oppose à cette divulgation, il lui incombe de justifi er de son refus en démontrant que l'auteur n'entendait pas divulguer l'oeuvre en cause et que sa divulgation n'apporterait aucun éclairage utile à la compréhension et à la valorisation des oeuvres déjà publiées.
L'arrêt rapporté mêle à la fois les règles de la propriété littéraire et celles du droit de la presse. Il est intéressant à plus d'un titre.Tout d'abord en raison de la personnalité en cause, le poète René Char dont Albert Camus écrivait en 1959 (1) « qu'il était le plus grand poète vivant ». En second lieu, les décisions qui statuent sur les critères de l'abus notoire de divulgation post mortem sont peu nombreuses.C'est l'intérêt de cette décision de nous rappeler les ...
Cour de cassation, 1re ch. civ., 9 juin 2011, Mme René Char c/ du Bouchet
(2) Albert Camus, préface à l'édition allemande des Poésies de René Char : « Jetiens René Char pour notre plus grand poète vivant ».
(3) Nous remercions les avocats des parties, Mme Patricia Moyersoen et M. Jean-Claude Zylberstein de nous avoir communiqué leurs écritures qui nous ont ététrès précieuses.
(4) Selon les termes du testament olographe de René Char.
(5) L'article L.121-2 désigne d'abord les exécuteurs testamentaires désignéspar l'auteur ; à défaut le droit de divulgation est exercé par les descendants ;immédiatement après les descendants le conjoint survivant.
(6) Tgi Paris, 3e chambre, 25 mars 2008 inédit.
(7) Paris Pôle 5, chambre 2, 4 décembre 2009, Communication commerce électroniquen° 6, juin 2010, note Christophe Caron.
(8) H. Desbois, Le droit d'auteur en France, Dalloz 3e édition, n° 466.
(9) CA Paris, 1re chambre, 9 juin 1964, Daudet : Jcp 1965, II, 14172 note A. Françon.
(10) V. sur la question relative à la recevabilité, Pierre-Yves Gautier, Propriétélittéraire et artistique 5e édition, n° 455 ; sur l'étendue du droit de divulgation,André Lucas, Henri Jacques Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique, 3eédition, n° 552.
(12) Tgi Paris, 1er décembre 1982, Rida 1983 n°115 p. 165, note P.-Y. Gautier.
(13) Antonin Artaud, arrêt précité.
(14) Tgi Paris, 1er décembre 1982, Rida 1983 n°115 p. 165, note PY Gautier ; V. aussiAmiens 17 avril 1978, Dalloz 1978, jurisprudence p. 557, note H. Desbois ; CAParis, 13 septembre 1999, jurisdata n° 1999-024690, Cce 2000, Com. 29 et notede Christophe Caron ; l'article 20 de la loi du 11 mars 1957 est codifié sousl'article L.121-3 du Cpi.
(15) Pouillet, Traité théorique et pratique de Pla, Paris 3e édition, p. 447 n° 405 ; Chr.Caron, Abus de droit et droit d'auteur, thèse Litec 1998 n° 329 et suivants.
(16) V. au sujet de lettres inédites de Benjamin Constant, CA Paris 10 décembre1850, S. 1850, 2e partie II, 625.
(17) Tgi Reims, 9 janvier 1969, D. 1969, Jurisprudence p. 569, note H. Desbois ;V. aussi sur l'intérêt public, C. Caron, Abus de droit et droits d'auteur, thèse précitéen° 305 et suivants.
(19) Pierre-Yves Gautier, Propriété littéraire et artistique, 5e édition, Puf droit n° 235.
(20) Sur cette question, Ch. Caron Abus de droit et droits d'auteur, Litec 1998p. 106 à 162.
(21) Thèse précitée p. 106 et suivantes.
(22) J. Carbonnier, Droit civil et obligations, 20e édition, Puf 1996 p. 384 n° 225 citépar Christophe Caron, thèse précitée
(23) V. pour cette analyse, C. Caron, note sous l'arrêt du 9 juin 2011, « Qui doitprouver l'abus ? » Comm. Commerce électronique n° 9 septembre 2011, Commerce75.
(24) Christophe Caron, note sous l'arrêt rapporté, Cce n° 9, septembre 2011,com. 75.
(25) A. Françon, « L'abus du droit moral par les héritiers de l'auteur en droitfrançais », in Liber Amicorum, Aimé de Caluwé Bruylant 1995 p. 199.
(26) Pour Christophe Caron, la cour d'appel avait monté, de façon prétorienne,un véritable modus operandi de la divulgation d'oeuvres inédites dans le cadred'une procédure. Note sous CA Paris, 4 décembre 2009, Communication commerceélectronique n° 6, juin 2010, com. 60.
(27) Cass. 1re Civ. 25 février 1997, Jcpg 1997, 2, 28873 note J. Ravanas.
(30) Cass. Ass. Plénière, 12 juillet 2000, Bull. Ass. Plénière n° 8, D. 2000, Sommaire463, Obs. P. Jourdain Rtd 2842 et 2845, Obs P. Jourdain, Thierry Massis,Panorama Dalloz 2009 p. 1779.