L'action engagée par une société visant l'atteinte à sa réputation par l'utilisation de son image, la soumet aux conditions dérogatoires du droit de la presse. Partant, doit être déclarée nulle l'assignation qui ne satisfaisait pas aux prescriptions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881.
1- L'articulation des droits de la personnalité (droit à l'image, droit au respect de la vie privée, droit à la présomption d'innocence, droit à la dignité) et de la loi de 1881 sur la presse est un problème récurrent qui a déjà été maintes fois tranché par les juridictions. Beaucoup plus rares en revanche sont les décisions dans lesquelles droit à l'image d'un bien et droit de la presse sont amenés à se confronter (1). L'originalité de cet arrêt de la 1re chambre civile se ...
Cour de cassation, 1re ch. civ., 25 novembre 2010, Société Pharmaquick c/ Sciences humaines communication
Geneviève TILLEMENT
Maître de conférences à la Faculté de Droit de Nancy
(2) V. pour une affaire similaire, Civ. 1re, 30 mai 2006, Bull. 2006, I, n° 275 ; Comm.Com. Electr. octobre 2006, comm. 147, obs. A. Lepage.
(3) Il est de jurisprudence constante et ancienne que « les abus de la libertéd'expression prévus et réprimés par la loi de 1881, ne peuvent être réparés sur lefondement de l'article 1382 du Code civil. » Pour une réaffirmation récente duprincipe : Civ. 1re, 6 mai 2010, Com. Com. Electr. novembre 2010, comm. 113,note A. Lepage.L'article 16 du Code civil, proclamant le droit à la dignité, semble suivre lemême sort : V. Civ, 1re 12 déc. 2006, D. 2007, 541, note E. Dreyer.
(4) Civ. 2, 19 févr. 1997, Bull. civ. II, n° 44 ; D. 1998. Somm. 80, obs. C. Bigot.
(5) La 1re ch. civ. a récemment assoupli ces formalités pour le procès civil maisn'a pas remis en cause le principe de l'application de l'art. 53. Sur cette évolution,v. N. Bonnal, « Les règles processuelles de la loi de 1881 sont-elles toujoursapplicables devant la juge civil ? » Légipresse n° 272, mai 2010, II, p. 19 et P. Guerder,note sous civ. 1re 8 avril 2010, Légipresse n° 273, juin 2010, III, 88.
(6) A fortiori depuis que les peines d'emprisonnement ont été supprimées pourla majeure partie des infractions de presse et que l'auteur ne s'expose doncplus qu'à des peines pécuniaires.
(7) V. T. Hassler, note sous Civ. 1re, 31 mai 2007, Légipresse n° 243, juillet-août2007, III, 158.
(8) Civ. 1re 5 juillet 2005, Légipresse n° 226, nov. 2005, III, 213, note T. Hassler.
(9) Civ. 1re, 24 sept 2009, n° 08-15336.
(10) Civ. 1re, 31 mai 2007, préc.
(11) Ass. Plén. 7 mai 2004, D. 2004, p. 1545, note J. M. Brugière et E. Dreyer ; Jcp2004, II, 10085, note C. Caron.
(12) Ibidem.
(13) Dans le même sens, v. Civ. 1re, 30 mai 2006, préc. En l'espèce, un photomontagereprésentant un avion de la compagnie américaine American Airlines,s'encastrant dans la tour Eiffel, illustrait un article sur les risques d'attentats terroristesen France. La compagnie avait demandé réparation de cette « atteinteà sa réputation et au droit de jouissance sur l'image d'un bien lui appartenant » surle fondement de l'article 1382 du Code civil. La Cour de cassation a estimé quel'action « visait l'atteinte à la réputation de la société par l'utilisation de son image,ce qui la soumettait aux conditions dérogatoires du droit de la presse ».
(14) Civ, 2e, 16 juin 2005, Légipresse n° 228, janv-fév 2006, III, 12, note B. Ader.
(15) Ibidem. Il s'agissait en l'espèce d'une critique du Beaujolais qui ne visaitaucune personne physique ou morale déterminée.Aj. Civ. 1re 8 avril 2008, Bull. civ., I, n° 104.
(16) V. not. Civ, 1re, 27 sept 2005, Légipresse n° 229, III, 38, note Cyril Rojinsky, pourune imputation à l'encontre d'un laboratoire, de procéder à des « arnaques, devendre des régimes miracles ou de pratiquer de la publicité fausse ».
(17) L'assignation soutenait que la publication avait « pour effet de faire croireau lecteur que la société n'avait même pas les moyens d'entretenir ses panneauxpublicitaires ».
(18) La « réputation » n'est pas la « considération ». Le terme de réputation avaitd'ailleurs été expressément récusé par les rédacteurs de la loi du 17 mai 1819pour définir la diffamation, afin de bien circonscrire l'infraction.
(19) Pour une imputation visant une société, v. not. Crim. 19 déc. 2000, Droitpénal 2001, comm. 56, obs. M. Véron.
(20) V. Crim 2 mars 1978, Bull. n° 82 ; Paris 20 avril 1977, GP 1978, 2, somm. 460 ; Paris27 juin 1985, Jurisdata n° 24715 ; Paris, 8e ch., 3 avril 2008, n° 06-2837, site Légifrance(présentation, dans un tract, d'une société « comme étant menacée danssa continuité et sur le point de licencier plus de la moitié de son personnel »).
(21) V. Civ, 1re, 19 mars 2009, n° 07-19667. Aj. crim 30 oct 2006, n° 05-87416 : considérerque les publications d'un professeur de médecine sont dépourvues de lanécessaire rigueur scientifique, n'est pas une diffamation.
(22) V. not. Civ. 1re, 27 sept 2005, Légipresse n° 230, avril 2006, III, 57, note F. Watrin.
(23) V. Civ. 1re 30 oct. 2008, Jcp 2009, II, 10006, note E. Dreyer.Aj. Orléans 22 mars 2010, Com. Com Electr. sept 2010, comm. 91, note A. Lepageet Tgi Paris 19 mai 2010, Légipresse n° 276, oct. 2010, III, 290, note Flore Masure
(24) L'existence de cette faute rendait d'ailleurs inutile le détour par le droit àl'image des biens, lequel suppose seulement un trouble anormal subi par lepropriétaire et non une faute.
(25) La Cour de cassation fait en eff et prévaloir l'article 9-1 du Code civil sur laloi de 1881, cet article protégeant une valeur diff érente du droit à l'honneur,à savoir le droit à un procès équitable. V. not. Civ., 2e, 8 juillet 2004, Bull. civ. II,n° 387, p. 323.