LE DÉLIT DE RECEL DE VIOLATION de secret de l'instruction continue d'être une source de d i v e rgence profonde entre la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation et celle de la Cour européenne des droits de l'homme (1). En effet, contrairement à la Juridiction européenne qui estime que le délit de recel constitue une ingérence injustifiée dans l'exercice de la liberté d'expression du journaliste, la chambre criminelle de la Cour de cassation persiste à y voir une ...
Cour de cassation, ch. crim., 12 juin 2007, Frédéric Dupuis
Lyn FRANÇOIS
Maître de conférence à l'Université de Limoges.
Vice-doyen de la faculté de ...
(2) V. A. Guedj, « Recel de secrets : condamnation de la France par la Cour EDH », LP septembre2007, n° 244, III, p. 179-184; L. François, « Le délit de recel de violation de secret del'instruction ou professionnel et la Convention européenne des droits de l'homme », Gaz. Pal.29-31 juillet 2007, p. 2; L. François, « Preuve de la vérité des faits diffamatoires etConvention européenne des droits de l'homme: confrontation des conceptions française eteuropéenne », D. 2005, p. 1388; B. Ader, note sous le jugement, 17e chambre correctionnelle,Paris, 14 novembre 2006, Ministère public c/Levy, Ardid et a., LP n° 238, III, p. 16-20;E. Dreyer, « Recel de violation de l'instruction et droits de la défense », JCP 2003, éd. G, II,10061; G. Cohen-Jonathan et E. Dreyer, « Recel de violation de secret professionnel etgarantie de la liberté d'information », LP n° 160, Chronique p. 53 et s.
(3) Cass. crim. 19 juin 2001, Juris-Data n° 2001-010499; Bull. crim. 2001, n° 149; D. 2001,Jur. p. 2538, not B. Beignier et B de Lamy; D. 2002 Somm. p. 1463, obs. J. Pradel ; JCP2002, II, 10064, note A. Lepage.
(4) Selon l'article 321-1 du Code pénal, « Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou detransmettre une chose, ou de faire office d'intermédiaire afin de le transmettre, en sachantque cette chose provient d'un crime ou d'un délit. Constitue également un recel le fait, enconnaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d'un crime ou d'un délit. Lerecel est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende ».
(5) Contrairement à la règle Specialia generalibus derogant.
(6) Pour une opinion contraire voir, M. Véron, « Ne pas confondre recel d'une information etrecel du document qui la contient ». RDP, novembre 2007, p. 42. L'auteur précise que « l'ar -rêt s'inscrit dans un courant assez marqué admettant des poursuites cumulatives pour infra -ctions de presse et infractions de droit commun ».
(7) En effet, par deux arrêts rendus le 12 juillet 2000, l'Assemblée Plénière de la Cour de cassationa énoncé que « les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ».V. Cass. ass. plén., 12 juillet 2000, Epx Collard c/Jamet et autres, Petites Affiches n° 161,note E. Derieux; Cass. ass. plén., 12 juillet 2000, Cts Erulin c/Sté l'Événement du Jeudi etautres, JCP G 2000, I, 280, obs. G. Viney. Pour une confirmation de cette jurisprudence, voirCass. 2e civ., 8 mars 2001, AGRIF c/Godefoy, LP 2001, Actualité, n° 181-41; Cass. 2e civ.,29 mars 2001, Kiffer c/Sté Prisma presse, JCP G 2002, I, 122, obs. G. Viney; Cass. 2e civ.,14 mars 2002, Association cultuelle des Témoins de Jehovah c/Mme X: Juris-Data n° 2002-013503; Cass. 2e civ., 7 oct. 2004, Le Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne.Pour une discussion générale: V. Viney, « Le particularisme des relations entre le civil et lepénal en cas d'abus de la liberté d'expression », in Mél. Bouloc, Dalloz 2006, p. 1165;N. Mallet-Poujol, « De la cohabitation entre la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de lapresse et l'article 1382 du Code civil », LP septembre 2006, p. 94; E. Dreyer, « Disparitionde la responsabilité civile en matière de presse », D. 2006, chron. 1337.
(8) F. Fourment, C. Michalski, P. Piot, « Condamnation pour recel justifiée et appréciation dela nécessité d'une ingérence de l'État dans la liberté d'expression », JCP, éd. G. n° 39,26 septembre 2007, II, 10159.
(9) CEDH, 21 janvier 1999, Fressoz et Roire c/France, D. 1999, Somm. p. 272, obs.N. Fricero.
(10) Cass. crim. 19 juin 2001 préc. V. également Cass. crim., 25 octobre 2005, Bull. crim.2005, n° 268; Juris-Data n° 2005-030810.
(11) V. CEDH, 24 mai 2007, Dragotoniu et Militaru-Pidhorni c/Roumanie, § 33,Req. n° 77193/01 et 77196/01; CEDH, 10 octobre 2006, Pessino c/France, § 28,Req. n° 40403/02; CEDH, 29 mars 2006, Achour c/France, § 41, Req. n° 67335/01. V. également,D. Zerouki-Cottin, « La Cour européenne sanctionne l'imprévisibilité de la jurisprudencepénale » (CEDH, 10 octobre 2006), JCP G. mai 2007, p. 42 et s.; D. Roets « La nonrétroactivitéde la jurisprudence pénale in malam partem consacrée par la CEDH », D. 2007,p. 124; D. Roets, « L'application de la loi pénale dans le temps et la Convention européennedes droits de l'homme », D. 2004, p. 1991; R. Koering-Joulin, « Pour un retour à une interprétationstricte du principe de la légalité criminelle », liber Amicorum M.A. Eissen :Bruylant-LGDJ, 1995, p. 252
(12) Sur cette question, V. M. Véron, Droit pénal spécial, 11e éd. 2006, n° 468 in fine, p. 314;J.-P. Delmas Saint-Hilaire, note sous Cass. crim. 13 mai 1991 et 19 juin 1991, RSC 1992,p. 312 et RSC 2002, p. 592. Pour une opinion contraire, voir J. Francillon, « Infractions relevantdu droit de l'information et de la communication », RSC, janvier-mars 2007, p. 112;E. Derieux, « La CEDH condamne la France pour violation de la liberté d'expression », notesous arrêt CEDH, 7 juin 2007 Dupuis et autres c/France, JCP G, 11 juillet 2007, n° 28, 10127,p. 29.
(13) CEDH, gr. ch., 27 mars 1996, Goodwin c/Royaume-Uni, D. 1997, Somm. p. 211, obs.N. Fricero; RTDH 1996, p. 457, obs. P. de Fontbressin.
(14) V. notamment CEDH, 3 octobre 2000, Du Roy et Malaurie c/France, D. 2001, Somm.p. 515, obs. J. Pradel, et Somm. p. 1064, obs. J.-F. Renucci. V. également, L. François,« Preuve de la vérité des faits diffamatoires et Convention européenne des droits del'homme: confrontation des conceptions française et européenne », D. 2005, chron. 1388;Pour une critique de la jurisprudence européenne, V. J.-P. Marguénaud, « De l'extrême relativitédes « devoirs et responsabilités des journalistes d'investigation », D. octobre 2007,p. 2506.
(15) CEDH, 25 février 2003, Roemen et Schmidt c/Luxembourg, LP n° 203, p. 110. V. également,CEDH, 15 juillet 2003, Ernst et autres c/Belgique, Req. n° 33400/96.
(16) CEDH, 7 juin 2007, Dupuis et autres c/France, Req. n° 1914/02. Voir égalementL. François, « Le délit français de recel de violation de secret de l'instruction ou professionnelet la Convention européenne des droits de l'homme », Gaz. Pal. 29-31 juillet 2007, p. 2;J.-P. Marguénaud, « De l'extrême relativité des devoirs et responsabilités des journalistesd'investigation », D. 2007, p. 2506; E. Derieux, « La Cour européenne des droits de l'hommecondamne la France pour violation de la liberté d'expression », JCP 2007, II, 10127; V.A. Guedj, « Recel de secrets: condamnation de la France par la Cour EDH », LP septembre2007, n° 244, III, p. 179-184; X. Normand-Bodard, R. Le Gunehec, « Quelques observationssur l'arrêt Dupuis et Pontaut c/France de la Cour européenne des droits de l'homme du7 juin 2007 », Gaz. Pal., du 1er au 3 juillet 2007, n° 182-184, p. 2 et s.
(17) V. L. François « Preuve de la vérité des faits diffamatoires et Convention européenne desdroits de l'homme: confrontation des conceptions française et européenne », D. 2005,p. 1392.
(18) CEDH, 17 décembre 2004, Pedersen Baadsgaard c/Danemark, Req.n° 49017/99.
(19) CEDH, 11 avril 2006, Brasilier c/France, Req.n° 71343/01. Pour un commentaire de cetarrêt, voir la chronique de L. François, « Le conflit entre la liberté d'expression et la protectionde la réputation et des droits d'autrui : la recherche d'un juste équilibre par le juge européen», D. 2006, p. 2953.
(20) TGI Paris, 14 novembre 2006, Ministère public c/Lévy, Ardid et autres, LP n° 238,Janvier-février 2007, III, p. 16 et s., note B. Ader. On relèvera au passage que le jugement dutribunal de grande instance de Paris avait anticipé la solution retenue par la Cour européennedes droits de l'homme dans l'arrêt Dupuis et autres c/France du 7 juin 2007.