1. L'arrêt rendu le 30 janvier 2007 par la Cour de cassation (1) invite à préciser le périmètre du dénigrement constitutif d'une faute dans le cas d'une publicité humoristique et à s'interroger, le cas échéant, sur la possible reconnaissance prétorienne d'une exception de caricature ou d'un droit à l'humour dans ce domaine particulier de la vie des affaires.Les données du litige 2. La société Orangina Schweppes a réalisé, en 2004, une campagne publicitaire qui consistait en la ...
Cour de cassation, Ch. com., 30 janvier 2007, Société Orangina c/Centre d'études et de documentation du sucre
Séverine BENGUI
Avocat au Barreau de Paris Solicitor of the Supreme Court of England & Wales
(2) Cass. com. (rejet). Inédit (pourvoi n° H 04-17203).
(3) Le videur : « Non pas ce soir, ça va pas être possible » - Le sucre : « Pourquoi Monsieur? »- Le videur : « Pas de sucre ce soir, c'est une soirée light » -Le sucre : « On est venu à pied »- Le videur: « Laissez le passage libre pour les habitués, merci. Allez-y Madame, je vousaccompagne jusqu'à la porte » - Le sucre : « Hé, laissez-nous entrer » - Le videur: « Merci.Bonne soirée. Dégagez le passage. Restez pas là ».
(4) Le CEDUS regroupe notamment en son sein le Syndicat national des fabricants de sucrede France et a, conformément à ses statuts, pour objet de défendre le sucre et, le caséchéant, d'agir en justice en cas d'atteinte au sucre en tant que produit et notamment en casde diffusion ayant pour objet ou effet de dévaloriser ou dénigrer le sucre.
(5) À la suite d'échanges de courriers intervenus entre les parties.
(6) Ord. réf., TC Nanterre, 10 mai 2004. Comme le relève, à juste titre, l'ordonnance : « lerefus réitéré opposé au sucre de franchir la porte d'un lieu de détente plus généralement fréquentépar la jeunesse et la courtoisie de l'accueil réservé au produit « light » contribuent àla dégradation, dans l'esprit des consommateurs, de l'image du sucre qui se trouve de factodénigré ( ) »et ce, d'autant plus que « aucun élément dans ce spot publicitaire n'introduitde notion de modération puisque le sucre est totalement rejeté ».
(7) L'arrêt de la Cour de cassation a été motivé comme suit: « ( ) Ayant relevé que le filmlitigieux présente sous la forme d'un personnage ridicule et donne du produit une image dévalorisante,l'arrêt retient, par motifs propres, qu'à travers cette image il est porté une appréciationpéjorative sur le produit « sucre » qui ne saurait être excusée par la forme humoristiquedu film, et par motifs adoptés, que le message publicitaire contribue à la dégradation,dans l'esprit des consommateurs, de l'image du sucre que se trouve de facto dénigré ( ) ».
(8) Cass. com. 24 janv. 1983, Bull. civ. IV n° 28, cité dans RJDA 6/02, Chron.C. Champalaune, « Concurrence déloyale par dénigrement. »
(10) Cf. RJDA 6/02, Chron. C. Champalaune, « Concurrence déloyale par dénigrement ».
(11) CA Bordeaux 3 mars 1971, D.S 1971, p. 222.
(12) Cass. com. 1er déc. 1998, BDDP c/Fédération nationale de la fourrure, RJDA1/99, n° 112.
(13) En vertu de l'article 7, « est interdit tout dénigrement ( ) d'une profession ou d'un produit,que ce soit en tentant de lui attirer le mépris ou le ridicule publics, ou par tout autremoyen semblable. »
(14) CA Paris 21 janv. 2000. La Cour considère que « la publicité ne doit pas être fondée surle dénigrement d'un autre produit, indépendamment de la véracité de l'imputation dénigrante ;qu'en prêtant au café la propriété de tacher les dents, la publicité effectuée pour le dentifriceincriminé ne s'est pas limitée à mettre en valeur les qualités propres de ce produit mais adévalorisé auprès du public un autre produit, en l'espèce le café ; que consistant à vanter lesmérites en s'appuyant sur un défaut imputé à un produit tiers fût-il générique cette publicitéa causé aux professionnels du café un trouble manifestement illicite; que la modération destermes employés n'empêche nullement le dénigrement ( ) ».
(15) Cass. com. 15 janv. 2002, Bull. civ.2002, IV, n° 9, p. 9. L'arrêt relève « alors que l'information,non arguée de caractère mensonger, et donnée, en termes mesurés, au consommateursur les propriétés objectives qu'il peut attendre d'un produit, fussent-elles destinées àremédier aux conséquences de l'usage d'un produit, non concurrent, n'est pas, en l'absenced'autres circonstances, constitutive d'un trouble manifestement illicite ».
(16) Cf. les articles L. 121-8, L. 121-9 et L. 121-12 du Code de la consommation.Notamment, la comparaison des caractéristiques de chacun des produits ne doit pas êtretrompeuse ni induire en erreur et doit être objective, pertinente, vérifiable et représentativeau sens de l'article L. 121-8 du Code de la consommation.
(17) CA Versailles 21 nov. 1996, France Manche c/Consumer Group JWT et Stena Line, Gaz.Pal. 1er au 3 juin 1997, somm. p. 231. Les messages publicitaires en cause émanaient d'unecompagnie anglaise exploitant des ferries sur la Manche tels que « L'année est un long tunnel.Cet été, faîtes surface à l'air libre », « Cet été, ce sont les prix que nous faisons entrer sous terre,pas les passagers », « Le grand air vous fera du bien! L'ombre, c'est bon pour votre voiture ».
(18) CA Versailles 26 juin 1997, Gyma Surgelés c/Daregal, Gaz. Pal. 1997 somm. 160. À ladate de la publicité incriminée, il n'existait sur le marché que deux entreprises, la comparaisonpour l'une comme pour l'autre ne pouvait donc se faire qu'avec le compétiteur direct etunique. Ainsi était-il considéré que cette constatation suffit à établir que la société Daregaln'a pas sélectionné un adversaire particulier pour se comparer à lui à travers son slogan publicitaire« des résultats que certains imaginent et que d'autres célèbrent », lequel contenait uneréférence au slogan de Gyma, à savoir: « Gyma, j'imagine ».
(19) Cf. La publicité et la loi, Pierre et François Greffe, 8e éd. 1995. « Publicité comparative.Dénigrement. Droit de critique ». n° 647 et s. CA Paris 19 mai 1994, D. 1995 somm. com.261 et CA Paris 15 déc. 1994, D. 1995, somm. com. 214, cités dans Gaz. Pal.1997 somm.160.
(20) Cass. com. 21 mai 1996, FR3 c/Syndicat National de la Vidéo Communication (SNVC),inédit, Jurisdatan° 1996-002019, cf.aussi www.legifrance.gouv.fr.
(21) Cass. com. 8 avril 2004, Bull. civ. 2004, II, n° 182, p. 152. Cf. aussi TC Paris 27 juil.1992 , NRJ c/SERC (Fun Radio): « la licence des moeurs n'excuse pas les expressions vulgairesutilisées par un animateur de radio pour qualifier les auditeurs de la chaîne concurrente.De telles pratiques, visant à détourner la clientèle, constituent donc un dénigrement. »
(22) Cass. com. 4 juil. 2006 (rejet), Alain Afflelou c/Visual.Le message publicitaire était le suivant:« quand on vous offre une seconde paire de lunettes, êtes-vous toujours sûr de la qualitédes verres? ». Il était relevé que « le film litigieux se bornait à interroger le consommateur surla pratique commerciale consistant à offrir deux paires de lunettes pour le prix d'une sans incriminerune entreprise plutôt qu'une autre ni viser expressément la société Alain Afflelou, laquelle( ) n'était pas à l'origine de ce concept de vente (deux paires de lunettes pour le prix d'une) ,n'en avait pas l'exclusivité, ( ) il n'était ni manifeste ni évident que la publicité critiquée, quivisait les professionnels du secteur de l'optique médicale envisagé collectivement, ait été denature à permettre à la clientèle d'identifier la société Alain Afflelou franchiseur comme étantpersonnellement concernée par le message litigieux ». Contra CA Paris 7 juin 1990, Tricotetc/Frères Lussac, Jurisdatan° 1990-023045: sur l'illicéité de l'utilisation, à des fins publicitaires,de la réplique tirée des dialogues d'un film « T'as de beaux yeux tu sais », pour des lunettes.
(23) CA Paris 7 fév. 2003, Jurisdatan° 2003-204254.
(24) De même en droit d'auteur, dès lors qu'il est possible de faire le partage entre l'oeuvreparodiée et la parodie.
(25) Cass. Ass. plén. 12 juil. 2000, Jurisdata n° 2000-002952 et n° 2000-002953, StésPeugeot/Citroën c/Canal +, RTD civ. 2000, p. 842, note Jourdain; Légipressen° 175-III, p. 162,note B. Ader. L'arrêt relevait que « les propos mettant en cause les véhicules de la marque s'inscrivaientdans le cadre d'une émission satirique (Guignols de l'Info) ( ) et ne pouvaient être dissociésde la caricature faite de M. Calvet, de sorte que les propos incriminés relevaient de laliberté d'expression sans créer aucun risque de confusion entre la réalité et l'oeuvre satirique ».
(26) CA Paris 26 fév. 2003, SPCEA (AREVA) c/Assoc. Greenpeace(appel ord. Réf., TGI Paris,2 août 2002), Jurisdatan° 2003-202550, D. 2003, p. 1831, note B. Edelman et Légipressen° 200-III, p. 41, note E. Baud et S. Colombet; CA Paris 26 fév. 2003, société Essoc/Greenpeace(appel ord. Réf., TGI Paris, 8 juil. 2002), Jurisdata n° 2003-202549, D. 2003,p. 1831, note B. Edelman et Légipresse n° 200-III, p. 41, note E. Baud et S. Colombet; TGIParis 9 juil. 2004, SPCEA (AREVA) c/Greenpeace, Jurisdatan° 2004-247212, Propr. Ind. n° 10,oct. 2004, comm. 78, note Tréfigny.
(28) Cf. CA Paris 26 fév. 2003, SPCEA (AREVA) c/Greenpeace et CA Paris 26 fév. 2003, stéEsso c/Greenpeace (note 25). CA Paris 30 avril 2003, Assoc. Le Réseau Voltaire pour laLiberté d'Expression/Malnuit c/Gervais Danone, Jurisdata n° 2003-222118 et n° 2003-217943 (sites www.jeboycottedanone.com et www.jeboycottedanone.net), D. 2003,p. 1760, note C. Manara. Gaz. Pal.juil.-août 2003, note D. Brunet-Stoclet.
(29) Cass. civ. 2e, 19 oct. 2006, Comité national contre les maladies respiratoires et la tuberculose(CNMRT) c/JT International (Camel), Jurisdata n° 2007-323658, Contr. Conc. Cons.n°1, janv. 2007, comm. 22, M. Malaurie-Vignal et Légipressen° 239-III, p. 27, com.: E. Baudet S. Colombet; Cf.aussi CA Rennes 17 mars 1992, cité par B. Ader, « Le droit à l'humour »,Légicom. 1994, n° 3, p. 63. (caricature de la marque Marlboro dans une campagne anti-tabac).
(30) Cf.TGI Paris 9 juil. 2004, SPCEA (AREVA) c/Greenpeace(note 25).
(31) Cf.note 25.
(32) Cf.note 28.
(33) Dans les affaires Greenpeace précitées, la violence des messages due à l'associationsystématique d'AREVA à une tête de mort pourrait notamment être susceptible de donner lieuà réparation au fond.