LE PRINCIPE DE L'EXCLUSION générale des appréciationscritiques de produits ou services du champ d'application de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse vient de connaître un épisode fort intéressant.L'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 27 septembre 2005 (1) mérite ainsi que l'on s'y attarde, à plus d'un titre.Il ne se limite pas, en effet, à confirmer la jurisprudence écartant désormais l'applicabilité de l'article 1382 du Code ...
Cour de cassation, 1re ch. civile, 27 septembre 2005, TF1 c/Laboratoires Cegipharma et SA Coyotte Conseil et SA Coyotte conseil c/ TF1 et Laboratoires Cegipharma
(2) Cass. civ. 1re, 27 septembre 2005, société Coyote, pourvoi n° 04-12148, Propr. intell. 2006n° 18 chron. p. 81, obs. J. Passa.
(3) L'article 1382 du Code civil dispose que « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autruiun dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer».
(5) Attendu déjà fort usité. Voir par exemple, Cass. crim. 17 juillet 1985, Bull. crim. n° 267 ;Cass. crim. 11 décembre 1990, Bull. crim., n° 427 ; Cass. crim. 19 mars 1991, Bull. crim.n° 132; Cass. crim. 23 mai 1991, Bull. crim. n° 219; Cass. crim. 3 décembre 1991, Droit pénal1992, p. 142; Cass. crim., 12 octobre 1993, Bull. crim. n° 350; Cass. crim. 30 mai 1996, Bull.crim. n° 228; Cass. civ. 2e 10 juin 1999, Bull. civ.n° 114; Cass. crim. 19 décembre 2000, Droitpénal 2001, p. 56, obs. Véron.
(6) L'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 dispose que « toute allégation ou imputation d'un faitqui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le faitest imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégationou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ousi elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identificationest rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placardsou affiches incriminés».
(7) On sait que depuis un arrêt de la Cour de cassation du 12 juin 1956, « l'article 29 de la loidu 29 juillet 1881 s'applique aussi bien aux personnes morales qu'aux personnes physiques»(Cass. crim., 12 juin 1956, Bull. crim. n° 461).
(8) Cass. crim., 8 février 1994, Bull. crim., n° 58; D. 1994, inf. rap.p.74 ; Cass. civ. 2e, 5 juillet2000, Bull. civ. II, n° 109 ; Légipressejanvier-février 2001, 178-III-9 ; Cass. civ 1re, 23 janvier2003, Légipresse, avril 2003, 200-III-59 ; Cass. civ. 2e, 8 avril 2004, pourvoi n° 02-17588; Cass.civ. 2e, 7 octobre 2004, pourvoi n° 02-18995, Légipressedécembre 2004, 217-I-172 ; Cass.civ. 2e, 15 juin 2005, pourvoi n° 03-18625.
(9) P. Guerder, « Le contrôle de la Cour de cassation en matière de délit de presse », Gaz. Pal.,1995, doctr., p. 589.
(10) L'imputation étant « le mode de diffamation directe qui consiste à affirmer personnellementun fait en le prenant à son compte» (Ch. Debbasch (dir.), «Droit des médias », Dalloz1999,p. 782, n° 2585). Le dictionnaire Robertdéfinit l'action d'imputer comme celle d'attribuer àquelqu'un une chose digne de blâme, de l'accuser, de l'incriminer.
(11) Par exemple, Cass. Crim. 17 février 1981, Bull. crimn° 64.
(12) Ce que semble également penser Jérôme Passa, Propr. intell.2006 n° 18 chron. p. 81.
(13) Les sociétés Coyote et TF1 avaient quant à elles fait valoir que l'action de la sociétéCegipharma tendant à la réparation du préjudice résultant de la diffusion dans le public d'imputationsou d'allégations associant images et propos portant atteinte à son honneur et à saconsidération relève de la loi du 29 juillet 1881, et que la présentation des produits comme desarnaques implique nécessairement qu'en les commercialisant la société s'expose à commettreune infraction pénale de sorte que l'action en réparation quitte le champ du dénigrementde produits pour celui de la loi du 29 juillet 1881.
(14) Cass. civ. 2e, 8 avril 2004, pourvoi n° 02-17588.
(17) Ass. plén., 12 juillet 2000, Époux Collard c/ Jamet et autres, Légipresse175-III-153 ; JCPG 2000, I, 280, p. 2281, obs. G. Viney; RTDCiv. 2000, p. 845, obs. P. Jourdain; Petites Affiches,14 août 2000, p. 4., note E. Derieux; Com. com. électr.oct. 2000, comm. 108, obs. A. Lepage;Cass. civ. 2e, 8 mars, 21 juin et 5 juillet 2001, Petites Affiches, 15 mai 2004, p. 21, 29 août2001, p. 6 et 24 sept. 2001, p. 7, notes E. Derieux ; Cass. civ. 2e, 5 février 2004, HachetteFilipacchi Associés c/ P. Poivre d'Arvor, Légipressejuillet-août 2004, 213-III-137.
(18) Sophie Martin-Valente, « La place de l'article 1382 du Code civil en matière de pressedepuis les arrêts de l'Assemblée plénière du 12 juillet 2000 », Légipresse, juin 2003, 202-II-71et Légipresse, juillet-août 2003, 203-II-89.
(19) Ibid, p. 72.
(20) Emmanuel Derieux, « La responsabilité civile des médias. Exclusion de l'article 1382 duCode civil aux faits constitutifs d'infraction à la loi du 29 juillet 1881 », Com. com. électr.2006,étude n° 4.
(21) Plusieurs justifications peuvent être données à ce principe et en premier lieu celui de laprimauté de la loi spéciale sur la loi générale ( legi speciali per generalem non derogatur). Puisquele législateur a, comme en matière de presse, prévu les cas et conditions dans lesquels la responsabilitéde l'auteur peut être engagée, « il ne saurait être question de détourner l'applicationde ce texte en particulier en invoquant systématiquement la responsabilité de droit commun». cf. Sophie Martin-Valente, ibid, p. 89.
(22) Emmanuel Dreyer, «Qu'est devenue la responsabilité civile en matière de presse ? »,D. 2004, p 591.