CE JUGEMENT DU TRIBUNAL correctionnel de Pontoise(1)(2) défraye déjà la chronique au point que les auteurs empruntent le pas du commentaire engagé (3) sur le bien fondé de la condamnation de ce pirate téléchargeur de fichiers numérisés de musique devenu, malgré lui, une icône de l'utilisateur de système peer-to-peer (P2P) (4) porté en sacrifice sur l'autel de la défense des droits d'auteur et droits voisins des producteurs de phonogrammes.La caricature n'est presque pas forcée, ...
Tribunal de grande instance, Pontoise, 6e ch. 3 financière, 2 février 2005, A. O. c/ SACEM, SDRM, SPPF, SCPP
(3) C. Caron, « Encore une condamnation d'un pirate de l'Internet ! », note sur le jugement, CCEmars 2005, n° 35, p. 27.
(4) C. Caron, «Et si le droit d'auteur n'existait pas sur Internet ? », D.2005 Tribune, p. 513; CRojinski et S. Canevet, «Et si le droit d'auteur allait trop loin sur Internet et ailleurs ?», D.2005Tribune, p. 849.
(5) Peer-to-peer: littéralement de pair à pair, ce qui désigne bien le pied d'égalité sur lequel seplacent les utilisateurs de ces systèmes mettant en partage des données de leur disque dur ;E. Papin, « Le droit d'auteur face au peer-to-peer», Légipresse, mars 2003 chron., p. 26.
(6) F. Latrive, «Sur le net la musique en ligne de mire», Libération, 16 décembre 2004; D .Barella,«Dépénaliser la musique téléchargée », Libération, 14 mars 2005
(7) Ordinateur fonctionnant comme un serveur à l'accès plus ou moins ouvert à d'autres ordinateursvenant s'y connecter à l'aide d'un logiciel.
(8) Pour une première illustration : TGI Paris ord. réf. 14 août 1996, JCP 1996 E 881, noteB. Edelman ("affaire Brel"), où la numérisation de l'oeuvre mise ensuite en ligne sur un site étaitconsidérée comme le fait d'avoir sans autorisation « reproduit et favorisé une utilisation d'oeuvresprotégées par le droit d'auteur » ; confirmée par TGI Paris ord. réf. 5 mai 1997 ("affaireQueneau"), JCPG. II 22906, note A. Benabent, où la numérisation de l'oeuvre est constitutived'une reproduction de celle-ci et est définie comme une « technique consistant à traduire lesignal analogique qu'elle constitue en un mode numérique ou binaire qui représentera l'informationdans un symbole à deux valeurs 0 et 1 dont l'unité est le Bit».
(9) Visant « toute reproduction ( ) d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur».
(10) L'article L. 122-4 du CPI dispose « toute représentation ou reproduction intégrale ou partiellefaite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite».
(11) Visant l'« édition ( ) de composition musicale ( ) gravée en entier ou en partie» ce quel'on retrouve de manière appropriée dans les termes de la prévention s'agissant de fichiersd'oeuvres numérisées qui se reconstituent par fragments lors du téléchargement.
(12) La formulation du tribunal est ambiguë : a contrariosi les originaux de CD musicaux correspondantaux copies réalisées sur CD-rom avaient été découverts au domicile du prévenu,la culpabilité concernant lesdites reproductions n'aurait plus été évidente, en ce sens CA Paris4e ch., 22 avril 2005, aff. P. c/ Universal PVF infirmant le jugement du TGI Paris 3e ch., 30 avril2004, cité note 30 ; cependant dans le contexte actuel de légitimation des mesures de protectionstechniques la réponse n'est pas aussi tranchée (cf. infra).
(13) La simultanéité des deux actions distinctes relève de la nature même de ces logiciels P2P:dès que commence le downloadà la suite de la requête formulée par un internaute désireuxd'obtenir une oeuvre, l'oeuvre en cours de downloadest immédiatement mise en partage parl'auteur de la requête, mais cette fois en upload à tout le moins dans l'état d'avancement desa reconstitution sur le disque dur de l'auteur de la requête auprès d'autres internautes ayantformulé la requête sur la même oeuvre ; en ce sens TGI Meaux 3e ch. 21 avril 2005, S. et autres(inédit)
(14) Sans doute le site payant est licite, mais il peut être licite sans être payant : la licéité du téléchargementn'est pas la contrepartie qui cause (au sens de cause objective) une cession de l'oeuvremusicale objet de téléchargement mais bien l'autorisation préalable de l'ayant droit pour cefaire conformément aux articles L. 122-4 et L. 131-3 pour les droits d'auteurs et L. 213-1 du CPIpour les producteurs de phonogrammes.
(15) À partir des disques durs des ordinateurs des autres internautes utilisateurs du mêmesystème P2Pcomportant l'oeuvre objet de la requête.
(16) T. Desurmont, «Qualification juridique de la transmission numérique », RIDA, oct. 1996,p. 55 et s.
(17) Transposition de la jurisprudence en matière de clientèle d'un hôtel, Civ. 1re, 6 avr. 1994,RIDA, juill.1994, p. 367 note Kerever et CA Paris, 20 avril 1995, RIDA, avr. 1996, p. 2777 et 193,note Kerever, sur renvoi précisant qu'était indifférente la preuve du visionnage effectif par lesclients des émissions télévisuelles « dès lors que le seul fait de procurer à ces clients la possibilitéde les recevoir constitue la communication donnant lieu à la perception du droit de représentation».
(18) Pour une application à un huboù la formulation du TGI de Lille 7e ch., 29 janvier 2004 (définitifsur l'action publique) affaire boom-e-rang (inédit), vise la violation du droit de reproductionet de mise à disposition ; mais selon cette formulation la mise à disposition peut n'impliquerque l'exercice du seul droit de reproduction.
(19) Le fait que le téléchargeur entrant profite du uploaddu serveur P2Ppour reconstituerle fichier de l'oeuvre numérisée sur son disque dur et peut à l'issue de ce processus écouterou visionner l'oeuvre et donc en faire une "représentation" ne change pas la nature initiale duupload, lequel n'est qu'une offre de mise en oeuvre par d'autres de la faculté de reproductionpar downloaddont l'offrant a lui même fait usage pour s'approprier une copie de l'oeuvre ; lareproduction rendue possible du fait de la représentation (aff. Brel / Queneau préc.) ne doitpas être confondue avec une représentation possible après une reproduction achevée par téléchargement(espèce).
(20) Selon nous, offre d'exercice du droit de reproduction.
(21) Droit de représentation mis en oeuvre.
(22) C. Caron note sous TGI Paris ord. réf., 14 août 1996, RIDA, avr.1997 spéc. p 380, à rapprocherde l'article 4 de la directive 2001/29/CE, JOCE 22 juin 2001 L.167 / 10 qui vise le« droit de distribution» pouvant en constituer une application et également de la nouvelle conditiond'« accès licite» formulée dans la directive indistinctement pour les exceptions relevantdu droit de reproduction et de représentation (cf. infra).
(23) Crim. 27 mai 1986, RIDA, n° 133 juill.1987, p. 18; Crim. 14 mars 2000, GP2000, 4-5 oct.2000.
(24) La preuve contraire de l'absence de volonté de nuire à l'auteur ou d'idée de lucre ne suffitpas à renverser la présomption d'intention coupable, CA Rennes, 20 juin 1932, S. 1936.
(25) Cass. 11 avril 1889 B. Crim. n° 150; Crim 13 décembre 1995 en matière musicale D.1997,p. 196.
(26) C. Caron note sous TGI de Vannes, 29 avril 2004 (cf. infra).
(27) À notre sens, le fichier d'oeuvre musicale contrefaite n'est pas audible - et donc représenté- sans téléchargement entrant - et donc reproduction - préalable achevé.
(28) Pour l'application de l'adage fraus omnia corrumpit, A. Latreille,« La copie privée démythifiée», RTD com, juill. sept. 2004, p. 403 et s., repris par F. Valentin et M. Terrier cf. infra; selonla réponse à la question écrite n° 8301 JODeb. Ass. Nat. 26 juin 1989, p. 2950, JCP E 1989II 15570, l'utilisation privée ou collective est un critère de référence valable pour apprécier lecaractère licite ou non de la reproduction d'une oeuvre.
(29) La reproduction de l'oeuvre faite par le prévenu qui l'entrepose sur son disque dur accessiblepour un downloadpar les autres internautes est bien destinée à un « usage collectif » ausens de l'article L. 122-5 du CPI.
(30) Pour approfondir, A. Latreille, préc., également J. Ginsburg et Y. Gaubiac, « L'avenir de lacopie privée numérique en Europe», CCE janvier 2000 chron. n° 1, p. 9.
(31) Le copiste est ici le téléchargeur entrant, copiste matériel, qui fait le double acte positifde requête et de clic de validation.
(32) J. Passa, « Internet et le droit d'auteur », J. Class. Pla, fasc. 1970, n° 37, égalementA. Latreille préc. et C. Caron préc.
(33) Allégué comme tel par des associations de consommateurs, F. Sardain préc. en matièremusicale ; en matière audiovisuelle M. Vivant et G. Vercken, «Mesures techniques de protectionsur les DVD : le test des trois étapes met en échec l'exception de copie privée », Légipresse,n° 214 sept. 2004, III, p. 148 sur TGI Paris 3e ch. 2, 30 avril 2004 (infirmé depuis cf. note 11).
(34) TGI de Vannes 29 avril 2004 L.C. et autres : « le téléchargement et la diffusion d'une oeuvrede l'esprit à partir d'un site internet suppose l'exercice d'une part du droit de reproduction,d'autre part en aval du droit de représentation et les internautes doivent en tenir compte», CCEComm. n° 86, p. 27 et la note de C. Caron.
(35) TGI de Versailles 24 mai 2004 O.P. (inédit) pour une prévention « d'avoir reproduit par quelquemoyen que ce soit une oeuvre de l'esprit en violation des droits de son auteur définis parla loi, en l'espèce 164 CD (musiques, jeux, films) et 482 fichiers vidéos et musicaux».
(36) TGI d'Arras 20 juillet 2004 D.L., J.D. 2004-249811, pour un prévenu ayant « téléchargésur internet des vidéogrammes et phonogrammes gravés sur supports inamovibles ».
(37) CA Montpellier 10 mars 2005 (arrêt frappé de pourvoi au moment de rédaction de cet article),le point de vue de C. Manara, D.2005 834, la note de G. Kessler D.2005 p.1294; notonscependant et indépendamment de l'utilisation de système P2Pque la seule remise d'exemplairescontrefaits à des tiers aurait dû suffire à écarter le jeu de l'exception de copie privée : Crim.4 janvier 1991 : « Attendu que, pour écarter le moyen tiré par le prévenu des dispositions del'article 41 de la loi du 11 mars 1957, les juges retiennent que, s'étant volontairement dessaisi,au profit de tiers, des copies de films réalisées par lui, F.A. en a perdu le contrôle, abandonnantainsi à d'autres personnes la maîtrise de leur reproduction, et ce, en violation des droitsdes auteurs, quelles qu'aient été ses intentions», disponible sur legifrance. gouv. fr.
(38) TGI de Rodez 13 octobre 2004, CCEcomm. n° 152 déc. 2004, p. 24 et la note de C. Caron;D.2004, p. 3132 et la note de J. Larrieu.
(39) Il faut, à notre sens se méfier d'une déduction hâtive qui consisterait à conclure que lorsquele disque dur est laissé en partage, au sens upload, l'infraction serait constituée alors qu'encas d'absence de partage alléguée par l'internaute par « décochage de la case mise en partage» l'exception de copie privée s'appliquerait : cela méconnaît d'une part le fait que ce choixn'est pas nécessairement ouvert à l'internaute selon les logiciels P2P, d'autre part le fait qu'aumoment du downloadles données numériques de l'oeuvre sont également comprises dans leupload.
(40) À notre sens le terme de piratage est davantage approprié pour éviter la confusion avecla piraterie maritime, P. Polère, « La piraterie maritime aujourd'hui », DMF n° 659 mai 2005,p. 387.
(41) De tels faits d'échanges de contrefaçons et la réception de ces exemplaires contrefaitsen échange d'autres relèvent de l'infraction de recel de contrefaçon (articles 321-1 et s. duCode pénal).
(42) TGI de Pontoise, 17 nov. 2004, 6e ch. 3. S. A. (inédit) culpabilité établie pour un prévenupoursuivi pour « avoir gravé en entier ou en partie des films au format Divx sur CD-rom sansrespecter les droits des auteurs» ayant reconnu avoir constitué son stock de contrefaçons defilms gravés sur CD-rom à partir de téléchargement via les logiciels emule et edonkey ( P2P)et par copie de contrefaçons de première génération sur CD-rom ; TGI de Pontoise 6e ch. 3 17déc. 2003 R. L.B (inédit) idem pour un prévenu poursuivi pour avoir « reproduit des logicielsde loisirs ( ) et des films» ayant effectué des ventes et échanges de contrefaçons sous formede CD-rom, TGI de Pontoise 6e ch. 3. 26 juin 2002 V. D. (inédit), idem pour un prévenu poursuivipour « avoir gravé des films au format Divx sans respecter les droits des auteurs»
(43) CA de Versailles 9e ch., 7 novembre 2003, B.R. (inédit) sur appel d'un jugement du TGIde Pontoise 6e ch. 20 nov. 2002, où le contrefacteur est déclaré coupable et condamné à troismois d'emprisonnement avec sursis et 120 heures de TIG : « jusqu'en juin 2000, il avait échangéenviron 350 CD-rom par voie postale. Depuis juin 2000, il proposait aux autres utilisateurs deréseau internet de se connecter sur le disque dur de son ordinateur pour télécharger desoeuvres qu'il avait lui même enregistrées» ; également CA de Versailles, 21 fév. 2003, C. L.(inédit) où la culpabilité d'un contrefacteur mineur est retenue puisqu'il « s'était constitué uncatalogue d'oeuvres musicales et de films en dupliquant lesdites oeuvres sur le disque dur deson ordinateur puis sur des CD-rom» et « qu'il avait commencé à procéder à l'échange ou àla vente des enregistrements courant 1999».
(44) Par exemple, TGI de Versailles, 24 mai 2004 (préc.) : deux mois d'emprisonnement avecsursis et 600 euros d'amende, ou TGI de Vannes, 29 avr. 2004 (préc.) peines allant de troismois à un mois d'emprisonnement avec sursis selon les prévenus, et TGI Toulouse 11 mai 2005(inédit) condamnant un internaute utilisateur de P2Pà 3 mois d'emprisonnement avec sursisselon un communiqué de presse de la SCPP disponible sur www.scpp.fr ; CA Paris 13e.ch.,28 juin 2004, B. D. (inédit) 6 mois d'emprisonnement ferme pour des faits commis en état derécidive légale confirmant un jugement du TGI de Paris 31e ch. : le prévenu « s'est bien renducoupable des faits qui lui sont reprochés en reproduisant illégalement sur support CD-rom différentesoeuvres de l'esprit, compositions musicales, films, logiciels utilitaires et de jeux puisen proposant sur internet ces supports au public que ce soit à titre gratuit en les échangeantou à titre onéreux en les vendant». également F. Valentin et M. Terrier, « Peer-to-peer: panoramades moyens d'action contre le partage illicite des oeuvres sur internet » Legicom, n° 32,2004 / 3, p. 17 note 15.
(45) Directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 préc.
(46) La France a été condamnée pour défaut de transposition CJCE 27 janvier 2005, aff. C59/04,cité in CCEavril 2005 p. 29, mais la Belgique la Suède et la Finlande aff. C 56/04 et le RoyaumeUni aussi aff. C-8/04 CJCE 9 décembre 2004, cité in CCE mars 2005 n° 41 p. 33; la directivedevait être transposée depuis le 22 décembre 2002.
(47) Définition à l'article 6.3 de la directive.
(48) Considérants 47 et s. et article 6 de la directive.
(49) Article 13 du projet de loi DADVSI et article 6.1 de la directive.
(50) Article 7 du projet de loi DADVSI transposant l'article 6.1 de la directive.
(51) L'article 8 du projet de loi DADVSI, pas de définition du « délai raisonnable» non visé dansla directive, mais les « mesures appropriées» pour préserver le jeu effectif des exceptions donnentlieu à la création du collège de médiateurs suivant l'article 9 du projet de loi conforme àl'objectif d'équilibre préconisé par la directive.
(52) Noter aussi les articles 1 et 2 du projet de loi DADVSI.
(53) Article 6.4 paragraphe 2 de la directive et l'article 8 du projet de loi DADVSI.
(54) Précisément ce que n'est pas l'accès par système P2Pactuellement.
(55) Article 5.2 a), c), d), e) de la directive pour le droit de reproduction et article 5.3 a), b), e)de la directive sur le droit de communication d'oeuvres au public.
(56) cf. supranote 21
(57) Considérant 53, article 6.4 de la directive et article 8 du projet de loi DADVSI.