L'AVIDITÉ DE NOTRE SOCIÉTÉ pour les images de toutes sortes et pour les créations immatérielles en général instaure une forte pression à l'encontre du droit d'auteur (2).Il faut reconnaître que celui-ci s'est, depuis deux siècles, considérablement renforcé à mesure que se multipliaient les modes d'exploitation des oeuvres de l'esprit, au point de paraître omniprésent. Sa plasticité a permis de lui assujettir aisément les nouvelles exploitations des oeuvres au gré de leur ...
Cour de cassation, 1re ch. civile, 13 novembre 2003, J.-R. Fabris, ADAGP c/ Société nationale de télévision France 2
Vincent Varet
Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris Varet Près société d'avocats
(2) Précisons immédiatement que la notion de droit du public n'est guère, à nos yeux, convaincanteau plan juridique (sur les droits à , v. Dany Cohen, Les droits à , Mélanges F. Terré,éd. D., PUF, Juris-classeur, 1999, 393 et s.). Elle a néanmoins le mérite de rendre compte demanière suggestive de la montée en puissance du troisième acteur de l'exploitation des créationsde l'esprit : le public. Longtemps, le droit d'auteur a cherché à protéger le créateur contreles abus de l'exploitant. Voici qu'il est également sommé de tenir compte des exigences desregardeurs des oeuvres, que nous sommes tous et sans lesquels, selon Maurice Blanchot,il n'y a pas d'oeuvre à part entière (M. Blanchot, L'espace littéraire, Gallimard 1855, collectionFolio Essais).
(3) Nous pensons bien évidemment, outre la consommation gargantuesque de la télévision etde la publicité, à l'essor de la musique en ligne, qui contribue incontestablement, par sa gratuitéfactice, à altérer la perception de la propriété intellectuelle au sein du public. La diversitédes revendications empêche une appréciation globale : raisonnables dans certains cas, ellesfont parfois radicalement fi des intérêts opposés, en l'occurrence le droit pour un créateur depercevoir les fruits de son travail ; souvent, les justifications utilisées sont alors critiquables,car hypocrites. Pour un plaidoyer en faveur d'un assouplissement du droit d'auteur au profitd'un droit de voir, v. C. Bigot, « La liberté de l'image entre son passé e son avenir, 2e partie», Légipressen° 183, juillet-août 2001, II, 81 et s.
(4) En réalité, il est compréhensible que ces textes soient instrumentalisés. V. notre commentairede l'arrêt d'appel dans l'affaire commentée : Paris, 4e ch. A, 30 mai 2001, Légipressen° 184 septembre 2001, III, 139 et s.
(5) Sur le conflit entre droit d'auteur et droits de l'homme, voir notamment : A. Kéréver, obs.sous TGI Paris, 3e ch. 23 févr. 1999, RIDA184 avril 2000, 374 ; B. Edelman, « Du mauvais usagedes droits de l'homme », D.2000, chron. 455 ; C. Caron, « La convention européenne desdroits de l'homme et la communication des oeuvres au public : une menace pour le droit d'auteur? », Communication Comm. Elec.oct. 1999, 9.
(6) Civ. 1re 13 nov. 2003, Fabris c/ France 2, Dalloz A., J. 200, note N. Bouche.
(7) TGI Paris, 3e ch. 23 févr. 1999, D.1999, J. 580, note P. Kamina ; RTDCom2000, 96, noteA. Françon ; RIDA 184 avril 2000, 374, note A. Kéréver ; voir aussi les articles de B. Edelman,préc. et C. Caron, préc.
(8) Paris, 4e ch. A, 30 mai 2001, D.2001, J. 2504, note C. Caron ; RIDA janv. 2002, 294, avecles obs. d'A. Kéréver, 209 et s. Légipressen° 184 sept. 2001, III, 137, avec notre note.
(9) « La représentation intégrale d'une oeuvre, quelles que soient sa forme et sa durée ne peuts'analyser comme une courte citation »; Civ. 1re, 4 juill. 1995, Antenne 2 c/ SPADEM, JCP1995,II, 22486, note J.-C. Galloux, rejet du pourvoi contre Paris, 1re ch. A, 7 juill. 1992, D.1993,som. com 91, obs. C. Colombet, infirmant TGI Paris, 3e ch. 15 mai 1991, JCP 1992, II, 21868note A. Tricoire.
(10) Paris 14 septembre 1999, CCE 2000, comm. n° 30, obs. C. Caron ; Légipressen° 169,mars 2000, III, 33, avec notre note ; Civ. 1re, 12 juin 2001, Prop. Intellectuellesoct. 2001, n° 1,p. 62, obs. A. Lucas. En dernier lieu : Lyon, 1re ch. 20 mars 2003, CCE sept. 2003, 23, obs.C. Caron, à propos de la place des Terreaux à Lyon. Écartant cette solution dans ces circonstancessemblables à celles de l'espèce : Civ. 1re, 12 déc. 2000, CCE2001, comm. n° 14, obs.C. Caron ; D.2001, J. 1530, note E. Dreyer ; Prop. Intellectuellesoct. 2001, n° 1, p. 62, obs.A. Lucas.
(11) V. la troisième branche du premier moyen.
(12) V. références citées note 9.
(13) Une telle argumentation n'est pas nouvelle : v. dans des circonstances similaires, Civ. 1re,12 déc. 2000, CCE 2001, références précitées note 9.
(14) Rapproch. A. Lucas, obs. préc. Note précédente.
(15) V. infra, II-
(16) V. infra, II-.
(17) V. supra, références citées en note 7.
(18) V. notre commentaire de l'arrêt d'appel, références citées, note 7. Contra, A. Kéréver, ibid.
(19) Sur ce point, v. notre commentaire de l'arrêt d'appel, références citées en note 7.
(20) Notamment B. Edelman, article précité, note 5 et A. Kéréver, ibid.
(21) Ce fameux public, qui comprend de moins en moins la protection reconnue à la propriétéintellectuelle ? Ou les exploitants se drapant dans les libertés fondamentales édictées par laCEDH ?
(22) Références précitées, note 7.
(23) Sur ce sujet, v. D. Gutmann, op. cit., spéc. p. 341.
(24) V. supra, I-, 1°-.
(25) Nous persistons à penser que l'argument contraire avancé par France 2 est un faux-semblant.
(26) V. supra, note 9. Il est vrai qu'il peut exister une différence essentielle : l'absence de lieupublic (ce dont on pourrait néanmoins débattre dans l'affaire rapportée, au sujet du musée).V. craignant les effets négatifs de cette ouverture, A. Lucas, obs. préc.
(27) Sur ces points, v. notre commentaire de l'arrêt d'appel, références précitées.
(28) Sur ce point, v. A. Kéréver, ibid. ; P.-Y. Gautier, op. cit., n° 200 et 201 ; M. Vivant, « Pourune compréhension nouvelle de la notion de courte citation en droit d'auteur », JCP 1989, I,3372, J.-C. Galloux, note sous civ. 1re, JCP 1995, II, 22486 ; D. Jean-Pierre, « La courte citationd'oeuvres d'art en droit d'auteur », D.1995, chron. 39.