Les faits ayant donné lieu aux arrêts reproduits ci-dessus (1), d'une extrême banalité, ont suscité une question d'une redoutable importance pratique. C'est celle du champ d'application de la licence légale des phonogrammes du commerce (2).Dans l'arrêt rendu par la Cour de cassation, France 2 était poursuivie pour avoir enregistré sur la bande sonore du générique de l'une de ses émissions le célèbre All you need is love des Beatles, dont EMI détient les droits. Les faits sont ...
Cour de cassation, 1re ch. civ., 29 janvier 2002, France 2 c/ Sté EMI records Ltd UK
Christophe Alleaume
Professeur à l’Université de Caen Basse-Normandie, Directeur de l’Institut ...
(2) V. l'arrêt d'appel : Paris, 1re ch. A, 26 octobre 1999 : Légipresse, janvier/février 2000, n° 168-III, p. 13, note C. Alleaume ; RIDA, 184, avril 2000, p. 352, obs. A. Kerever, p. 315. Dansmême sens, Paris, 7 avril 1994 : RIDA, avril 1995, p. 354, obs. A. Kerever, p. 285.
(3) Sur le sujet, C. Kerny, Étendue et limites des droits du producteur de phonogrammes,mémoire DEA droit privé, Caen, juillet 2000.
(4) Qui renvoie d'ailleurs à la Convention de Rome (considérant n° 11).
(5) En ce sens : LUCAS (A.) et LUCAS (H.-J.), Traité de la propriété littéraire et artistique, 2e édition,Litec, 2001, n° 267, 272 et 846.
(6) Versailles, 28 septembre 2000, 1re ch. A : Légipresse, janvier/février 2001, n° 178- III, p. 1,note A. Vallette. 6. H. Roland et L. Boyer, Adages du droit français, 4e éd., Litec, 1999, 118, Exceptio est strictissimaeinterpretationis.
(8) P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, 4e éd., PUF, collection droit fondamental, 2001,n° 104, pour qui la licence légale est instituée « dans un souci de pragmatisme et d'allègementdes pesanteurs inhérentes au formalisme». V.-L. Benabou, Droit d'auteur, droits voisins, droitcommunautaire, thèse, Bruylant, Bruxelles, 1997, n° 608-610 : « On peut difficilement concevoir,en effet, que les stations de radios dussent demander avant chaque diffusion d'un disquel'autorisation de l'interprète ou que celui-ci puisse empêcher une chaîne de télévision de retransmettreune prestation qu'elle aura elle-même enregistrée». A. Lucas (A.) etH.-J. Lucas, op.cit., n° 843, selon qui il s'agit d'un compromis entre, d'un côté, les intérêts des artistes interprèteset des producteurs de phonogrammes et, d'un autre côté, ceux des diffuseurs.
(9) Cf. la jurisprudence sur le droit à l'image des biens, hissant les propriétaires corporels auniveau des auteurs de la forme de leurs biens.
(10) Cf. avec le droit des contrats ( actus interpretandus est potius ut valeat quam ut pereat,repris à l'article 1157 du code civil). 10. Versailles, 28 septembre 2000, 1re ch. A : préc.
(12) TGI Nanterre, 5 novembre 1997 : Légipresse, 149- III, p. 26, note F. Plan.
(13) Au passage, l'article L. 214-1 ne distinguant pas les utilisations à finalité publicitaire decelles qui ne le sont pas, ces décisions paraissent tout autant critiquables. Les juges ajoutentà la loi. C'est la radiodiffusion qui est visée, non la radiodiffusion non publicitaire.
(14) Versailles, 17 janvier 2002, TF1/Universal Music : « la reproduction des phonogrammespour la réalisation des bandes annonces [ ] n'est ni une communication directe dans un lieupublic, ni la radiodiffusion d'un phonogramme du commerce au sens de l'art. L. 214-1». L'arrêtse situe dans la même veine que celui de la Cour de cassation.
(15) Supra, partie I.
(16) Dans l'affaire TF1/Universal Music, la cour d'appel de Versailles a, semble-t-il, eu recoursaux travaux préparatoires (« aucune conséquence ne saurait être tirée des travaux préparatoiresà la loi du 3 juillet 1985 dont procèdent les articles précités, voire de l'article 12 de la Conventionde Rome [ ] et de l'article 8-2 de la directive du 19 novembre 1992») ; mais sont-ils clairs ?
(17) J. Carbonnier, Droit civil. Introduction, 26e éd., PUF, Thémis droit privé, n° 154. H., J. etL. Mazeaud par F. Chabas, Leçons de droit civil, tome I, vol. 1, Introduction à l'étude du droit,12e éd., Montchrestien, 2000, n° 21.
(18) F. Chabas, ibid. Également, J. Carbonnier, ibid.
(19) A. Lucas et H.-J. Lucas, op. cit., n° 846. 19. J. Carbonnier, op. cit., n° 24.
(21) P.-Y. Gautier, op. cit., n° 22.
(22) C'est le point de vue de la Cour de cassation et de la cour d'appel de Versailles. Cettemaxime était-elle seule en cause ? Il est possible d'en douter. L'adage s'applique lorsque l'ondoute de l'étendue d'un texte d'exception alors que les principes sont clairs (et n'ont donc pasà être interprétés). Ici, l'on doute autant du principe que de ses exceptions.
(23) J. Carbonnier, op. cit., n° 156.
(24) Sur laquelle, P.-Y. Gautier, op. cit., n° 22.
(25) J. Carbonnier, op. cit., n° 24.
(26) ContraA. Lucas et H.-J. Lucas, op. cit., n° 30, pour qui l'artiste ne doit pas compter surla sollicitude du législateur en matière de phonogrammes.
(27) V. Cass., civ., 15 avril 1872 : F. Terré, Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudencecivile, Dalloz, avec la note. 27. F. Terré, Introduction au droit, 5e éd., précis Dalloz, 2000, n° 115.
(29) Spécialement en droit d'auteur, P.-Y. Gautier, op. cit., n° 22: « L'interprétation in favoremauctoris peut aller dans deux sens contraires[ ] ».