La Cour européenne des droits de l'homme retient que la publication dans la presse de retranscriptions de conversations téléphoniques entre un ancien ministre et sa fille, enregistrées au cours d'une procédure judiciaire, n'a pas violé l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les juridictions internes ont correctement procédé à la mise en balance entre le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d'information du public, s'agissant d'un article relevant d'un sujet d'intérêt général. Pour la Cour, l'atteinte à la vie privée résultant de la publication en cause n'était pas disproportionnée au regard du but poursuivi.
Si le contentieux opposant le droit au respect de la vie privée et la liberté d'information est, en règle générale, issu de publications de médias consacrant leur ligne éditoriale aux habitudes plus ou moins ordinaires des célébrités(1), l'arrêt rendu le 11 septembre 2025 par la cinquième section de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) dans l'affaire Charki c/ France rappelle qu'il arrive occasionnellement que cette confrontation prenne naissance dans le cadre ...
Cour européenne des droits de l'homme, 11 septembre 2025, Charki c/ France
Thomas Besse
Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles, université de ...
30 octobre 2025 - Légipresse N°440
3634 mots
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(1) C. Bigot, Pratique du droit de la presse, 5e éd., Dalloz, 2025, n° 431.41.
(2) TGI Paris, 24 mai 2017, n° 15/08511.
(3) Paris, 25 sept. 2019, n° 17/18140.
(4) Civ. 1re, 8 déc. 2021, n° 20-13.560, Légipresse 2022. 11 et les obs. ; ibid. 93, étude H. Leclerc ; ibid. 253, obs. N. Mallet-Poujol ; RTD civ. 2022. 106, obs. A.-M. Leroyer.
(5) Opinion dissidente du juge Pisani, à laquelle se sont ralliés les juges Mourou-Vikström et Elósegui, § 7.
(6) CEDH, 5e sect., 14 janv. 2021, n° 281/15 et 34445/15, Sté éditrice de Mediapart et a. c/ France, Légipresse 2021. 9 et les obs. ; ibid. 149, étude E. Raschel ; ibid. 291, étude N. Mallet-Poujol ; ibid. 2022. 253, obs. N. Mallet-Poujol ; D. 2021. 136, et les obs. ; AJ pénal 2021. 152, obs. S. Lavric.
(7) La CEDH note ainsi que « les transcriptions litigieuses provenaient d'écoutes téléphoniques ordonnées sur commission rogatoire d'un juge d'instruction, qui sont à distinguer des écoutes clandestines considérées comme des mesures d'interception gravement attentatoires à la vie privée », et que « le mode d'obtention des écoutes en l'espèce, opérées sous de strictes conditions légales, a été considéré par les juridictions internes comme un élément important de l'appréciation du concept de journalisme responsable et de la publication litigieuse » (§ 54 de l'arrêt commenté).
(8) Ce fondement peut d'ailleurs être discuté, s'agissant d'une reproduction du contenu d'une pièce et non de ladite pièce elle-même ; en ce sens, v. C. Bigot, Pratique du droit de la presse, op. cit., n° 325-74. Il n'en reste pas moins que c'est au regard de ce contenu même que la protection recherchée par l'incrimination exprime sa portée. Celle-ci ne serait-elle pas significativement réduite en excluant une telle reproduction du champ de l'infraction ?
(9) Sur cette évolution, v. E. Raschel, Droit de la presse, Dalloz, 2025, nos 337 et s. ; C. Bigot, Pratique du droit de la presse, op. cit., nos 431.13 et s.
(10) Civ. 1re, 9 juill. 2003, n° 00-20.289, D. 2004. 1633, obs. C. Caron ; RTD civ. 2003. 680, obs. J. Hauser.
(18) En ce sens, v. C. Bigot, Pratique du droit de la presse, op. cit., n° 431.35. La CEDH elle-même a pu juger que « l'élément déterminant, lors de la mise en balance de la protection de la vie privée et de la liberté d'expression, doit résider dans la contribution que les photos et articles publiés apportent au débat d'intérêt général » (CEDH 24 juin 2004, n° 59320/00, préc., § 76).
(19) Civ. 1re, 23 oct. 1990, n° 89-13.163.
(20) « En effet, le fait d'exercer une fonction publique ou de prétendre à un rôle politique expose nécessairement à l'attention du public, y compris dans des domaines relevant de la vie privée. Dès lors, certains actes privés des personnes publiques peuvent ne pas être considérés comme tels, en raison de l'impact qu'ils peuvent avoir eu égard au rôle de ces personnes sur la scène politique ou sociale et de l'intérêt que le public peut avoir, en conséquence, à en prendre connaissance » (CEDH 10 nov. 2015, n° 40454/07, préc., § 120).
(21) R. Badinter, Le droit au respect de la vie privée, JCP 1968. I. 2136.
(22) CEDH, 5e sect., 6 avr. 2010, n° 25576/04, Flinkkilä et a. c/ Finlande, § 83.