(auteur, réf. de texte ou de décision…)
Recherche
(auteur, réf. de texte ou de décision…)
Enews Legipresse
Le club Légipresse
Vidéos
La CEDH rejette la requête de la chaîne CNews, condamnée à 200 000 euros d’amende pour avoir diffusé les propos d’Eric Zemmour sur les « mineurs isolés »
La société éditrice de la chaîne CNews a saisi la Cour européenne des droits de l’homme, contestant la décision du CSA (aujourd’hui Arcom) du 17 mars 2021 la condamnant à une amende de 200 000 euros pour la diffusion de propos d’Éric Zemmour dans l’émission Face à l’Info en septembre 2020. Celui-ci avait déclaré que les mineurs isolés étaient « pour la plupart », des voleurs, des violeurs et des assassins et que leur présence en France était assimilable à une invasion. Le Conseil d’État avait confirmé, le 12 juillet 2022, le bien-fondé de la sanction, estimant que la diffusion de tels propos incitant à la haine et à des comportements discriminatoires, caractérisait une méconnaissance des dispositions de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986. Le requérant invoquait devant la CEDH l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit la liberté d’expression.
La Cour retient tout d’abord que la requête ne constitue pas un abus de droit au sens de l’article 17 de la Conv. EDH. En effet la société éditrice de CNews n’entendait pas, en diffusant les propos litigieux, faire dévier l’article 10 de sa finalité réelle par un usage du droit à la liberté d’expression à des fins manifestement contraires aux valeurs de la Convention. Cela étant, la Cour relève que l’ingérence dans la liberté d’expression de la chaîne était prévue par la loi, en l’occurrence l’article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 qui dispose que lorsqu’un éditeur audiovisuel ne se conforme pas à une mise en demeure, le régulateur peut prononcer une sanction pécuniaire à son encontre. L’ingérence poursuivait par ailleurs un but légitime, à savoir la protection de la réputation et des droits d’autrui. De plus, les décisions du CSA et du Conseil d’État reposaient sur le fait que les propos tenus par Eric Zemmour incitaient à la haine et à des comportements discriminatoires envers un groupe de personnes à raison de leur origine, qu’ils ont été tenus de manière véhémente sans qu’une contradiction sérieuse ne lui soit portée. La chaîne a également manqué à son obligation de maîtrise de l’antenne dès lors qu’aucune réaction suffisamment marquée n’avait été apportée par les personnes présentes sur le plateau à la suite de ces propos. Elle les avait en outre diffusés sans modification alors même que l’émission était « en léger différé ». La Cour conclut qu’eu égard à la teneur des propos litigieux, les motifs retenus par le CSA et le Conseil d’État sont pertinents et suffisants pour justifier, dans son principe, la sanction. Concernant le montant de l’amende, la Cour estime qu’elle était proportionnée, puisqu’elle est intervenue alors que la société requérante avait précédemment été mise en demeure par le CSA en 2019 de respecter les mêmes obligations que celles en litige, en raison de propos tenus par Eric Zemmour dans la même émission et qu’elle était par ailleurs minime au regard du chiffre d’affaires réalisé par la société audiovisuelle. La Cour conclut que la requête est manifestement mal fondée et irrecevable, et qu’elle doit donc être rejetée en application de l’article 35 § 3 a) et 4 de la Convention.