L'année 2024 fut riche en nouveautés et en évolutions dans le champ des droits de la personnalité. Nouveautés sur le terrain législatif où, entre micro-règle incriminant les deepfakes dans le code pénal et macro-règles aménageant dans le code civil le droit à l'image des enfants dans le cadre des principes organisant l'exercice de l'autorité parentale, les droits de la personnalité sont rendus plus visibles. Évolutions tenant à la jurisprudence, qui a introduit une distinction entre la vie privée et la vie personnelle, réservant à la première la protection par un droit appréhendé sous les traits d'une liberté fondamentale, qui a apporté des précisions utiles sur la notion de correspondances privées éligibles au secret à propos de communications par voie électronique, ou encore qui a réglé la question de la justification d'un intérêt légitime dès le stade de la demande de changement de prénom. Il y a aussi des trajectoires qui persistent : le droit à la preuve a toujours l'ascendant sur le droit au respect de la vie privée ; la contractualisation des droits de la personnalité est toujours appréhendée de façon juridiquement bancale.
I - La conception des droits de la personnalité
1. Le droit au respect de la vie privée et la protection de la vie personnelle. On ne présente plus le droit au respect de la vie privée, parangon des droits de la personnalité. Seul parmi ces droits à être consacré dans le code civil, à l'article 9 et, désormais(1), à l'article 371-1, il rayonne, en les embrassant tous, à l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. On connaît ...
Grégoire Loiseau
Professeur à l'École de droit de la Sorbonne - Université de Paris 1 ...
30 janvier 2025 - Légipresse N°432
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(2) P. Waquet, Vie personnelle et vie professionnelle du salarié, CSB Paris 1994, n° 64, p. 289.
(3) Soc. 14 mai 1997, n° 94-45.473, publié au Bulletin.
(4) C. trav., art. L. 2242-17.
(5) Soc. 25 sept. 2024, n° 22-20.672, D. 2024. 1672 ; Dr. soc. 2025. 92, obs. P. Adam ; JCP S 2024, 1353, note B. Bossu.
(6) C. pén., art. 225-6.
(7) Soc. 25 sept. 2024, n° 23-11.860, D. 2024. 1672 ; Dr. soc. 2024. 1030, obs. P. Adam ; JCP S 2024, n° 1331, note G. Loiseau ; BJT 2024. 17, note B. Delmas.
(8) CPCE, art. L. 32-3.
(9) Soc. 6 mars 2024, n° 22-11.016, Légipresse 2024. 212 et les obs. ; D. 2024. 481 ; ibid. 1636, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; Dr. soc. 2024. 713, étude J. Mouly ; JCP S 2024, n° 1110, note G. Loiseau ; JCP E 2024, n° 1284, obs. E. Jeansen ; RJPF 2024, n° 289, p. 19, obs. S. Cacioppo.
(10) Soc. 25 sept. 2024, n° 23-11.860, préc.
(11) Soc. 11 déc. 2024, n° 23-20.716, D. 2024. 2167 ; BJT 2025. 50, note G. Loiseau ; ibid. 22, note A. Charbonneau.
(12) Crim. 14 mai 2013, n° 12-84.042, Légipresse 2013. 457 et les obs. ; D. 2013. 1351, obs. S. Lavric ; AJ pénal 2013. 479 ; Crim. 14 juin 2022, n° 21-84.532 P.
(14) J.-M. Bruguière et B. Gleize, Droit des personnes, Dalloz, 2023, n° 210, p. 122 ; F. Bellivier, Droit des personnes, 2e éd., LGDJ, 2023, n° 64, p. 97 ; G. Loiseau, Droit des personnes, 2e éd., Ellipses, 2020, n° 129, p. 99. Contra, P. Malaurie et N. Peterka, Droit des personnes. La protection des mineurs et des majeurs, 13e éd., LGDJ, 2024, n° 74, p. 88, qui s'appuient sur une circ. du 17 févr. 2017 pour considérer que la condition d'intérêt légitime a été maintenue.
(15) Civ. 1re, 20 nov. 2024, n° 22-14.773, D. 2024. 2008 ; JCP 2025. Actu. 36, note M. Lamarche et J.-J. Lemouland.
(16) C. civ., art. 61-3-1.
(17) V. sur ce texte, G. Loiseau, La « fast » législation : le droit à l'image des enfants mineurs, JCP 2024. Doctr. 463.
(18) Civ. 1re, 5 nov. 1996, n° 94-14.798, D. 1997. 403, note S. Laulom ; ibid. 289, obs. P. Jourdain ; RTD civ. 1997. 632, obs. J. Hauser ; Civ. 2e, 18 mars 2004, n° 02-13.529 P.
(19) Soc. 19 janv. 2022, n° 20-12.420 et n° 20-12.421, D. 2022. 1280, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; Légipresse 2022. 210 et les obs. ; ibid. 2023. 58, étude G. Loiseau ; ibid. 241, étude N. Mallet-Poujol.
(20) Soc. 14 févr. 2024, n° 22-18.014, Légipresse 2024. 76 et les obs.
(21) Civ. 1re, 5 juin 2024, n° 23-12.525, Légipresse 2024. 337 et les obs. ; ibid. 480, obs. G. Loiseau ; D. 2024. 1079 ; AJ fam. 2024. 364, obs. F. Eudier ; RTD civ. 2024. 626, obs. A.-M. Leroyer ; JCP 2024. Actu. 920, note M. Musson ; CCE 2024. Comm. 90, note A. Lepage ; rapp. Crim. 7 févr. 2023, n° 22-81.057, Légipresse 2024. 62, pt 4, obs. G. Loiseau ; ibid. 2023. 76 et les obs. ; ibid. 156, étude E. Dreyer ; ibid. 2024. 190, obs. O. Lévy, E. Tordjman et J. Sennelier ; ibid. 257, obs. N. Mallet-Poujol ; D. 2023. 297 ; AJ pénal 2023. 241, obs. J.-B. Thierry ; JCP 2023. Actu. 511, note E. Raschel ; CCE 2023. Comm. 24, obs. A. Lepage ; Dr. pénal 2023. Comm. 64, obs. P. Conte, qui relève que « l'identité d'une victime de violences sexuelles relève de sa vie privée et bénéficie de la protection offerte par l'article 8 » de la Conv. EDH et décide que, pour trancher le conflit entre le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d'expression, « le juge doit examiner si la diffusion de l'identité de la victime d'infraction sexuelle contribue à un débat d'intérêt général, tenant compte de l'éventuelle notoriété de la personne visée et de son comportement avant la diffusion, de l'objet de cette dernière, son contenu, sa forme et ses répercussions ».
(22) Civ. 1re, 11 mars 2020, n° 19-13.716, Légipresse 2020. 209 et les obs. ; ibid. 427, étude G. Loiseau ; D. 2020. 603 ; ibid. 2021. 197, obs. E. Dreyer ; Dalloz IP/IT 2020. 325, obs. E. Dreyer ; RTD civ. 2020. 352, obs. A.-M. Leroyer ; CCE 2020. Comm. 42, obs. A. Lepage.
(23) Cass., ass. plén., 22 déc. 2023, n° 20-20.648, Légipresse 2024. 11 et les obs. ; ibid. 62, obs. G. Loiseau ; D. 2024. 291, note G. Lardeux ; ibid. 275, obs. R. Boffa et M. Mekki ; ibid. 296, note T. Pasquier ; ibid. 570, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; ibid. 613, obs. N. Fricero ; ibid. 1636, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; JA 2024, n° 697, p. 39, étude F. Mananga ; AJ fam. 2024. 8, obs. F. Eudier ; AJ pénal 2024. 40, chron. ; AJCT 2024. 315, obs. A. Balossi ; Dr. soc. 2024. 293, obs. C. Radé ; RCJPP 2024, n° 01, p. 20, obs. M.-P. Mourre-Schreiber ; ibid., n° 06, p. 36, chron. S. Pierre Maurice ; RTD civ. 2024. 186, obs. J. Klein ; JCP 2024. Actu. 119, rapp. H. Fulchiron et D. Ponsot.
(24) Civ. 1re, 28 févr. 2024, n° 21-17.414.
(25) C. sport, art. L. 222-2-10-1.
(26) C. trav., art. L. 7123-1 et s.
(27) Soc. 23 oct. 2024, n° 22-19.700, Légipresse 2024. 588 et les obs. ; D. 2024. 1908 ; Dalloz IP/IT 2024. 549, obs. A.-L. Bofua.
(28) Civ. 1re, 11 déc. 2008, n° 07-19.494, D. 2009. 100 ; RTD civ. 2009. 295, obs. J. Hauser ; ibid. 342, obs. T. Revet ; RTD com. 2009. 141, obs. F. Pollaud-Dulian ; JCP 2009, II, 10025, note G. Loiseau ; RJPF 2009, n° 3, p. 18, note E. Putman ; v. égal. D. 2010. 450, point de vue G. Loiseau.
(29) Civ. 1re, 20 oct. 2021, n° 20-16.343, Légipresse 2021. 517 et les obs. ; ibid. 2022. 108, étude C. Mas ; D. 2022. 189, obs. E. Dreyer ; RTD civ. 2022. 104, obs. A.-M. Leroyer ; RJPF 2021, n° 12, p. 21, note E. Putman et S. Cacioppo ; RDC 2022. 23, note J.-S. Borghetti.