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30/01/2025
Retour sur les principales dispositions répressives de la loi SREN : deepfake et bannissement numérique
Si, comme son nom l'indique, la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 « visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique » (SREN) est une loi de régulation du numérique ayant renforcé les pouvoirs confiés en la matière à différentes instances ou autorités administratives, c'est plus secondairement une loi de répression qui offre de nouveaux outils au juge, en termes d'incrimination et de sanction. Un focus est ici fait sur l'extension du délit de montage, d'une part, et sur la création de la peine dite de « bannissement numérique », d'autre part.
Les temps troublés qui sont les nôtres et ces territoires hostiles que deviennent la plupart des réseaux sociaux, voire internet, auront au moins pour mérite de rappeler l'importance d'une régulation qui, pour être efficace, doit être envisagée a minima à l'échelle européenne (c’est le cas du Digital Services Act – ci-après DSA), et déployée et renforcée dans les droits internes(1). Tel est l'objet et l'intérêt de la loi SREN n° 2024-449 du 21 mai 2024.
Si cette loi a ...
Evan Raschel
Professeur à l'Université Clermont Auvergne - Directeur adjoint du Centre ...
30 janvier 2025 - Légipresse N°432
3941 mots
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(1) V. Ndior et E. Netter, États et réseaux sociaux. Contrôler le discours en ligne, LGDJ, coll. « Forum » ; 2024.
(2) R. Ollard, Loi SREN : entre régulation (primaire) et répression (secondaire), Dr. pénal 2024. Étude 15.
(3) Cons. const. 17 mai 2024, n° 2024-866 DC, Légipresse 2024. 386, obs. G. Lécuyer.
(4) Ministère de la Justice, circ. CRIM 2024 – 18/CH, 19 déc. 2024, NOR : JUSD2434603C.
(5) C. pén., art. 312-10, al. 3.
(6) J. Bossan, La protection de la représentation à l'ère du numérique et du deepfake : le délit de montage version 2.0, Légipresse 2024. 380.
(7) R. Lindon, Les dispositions de la loi du 17 juillet 1970 relatives à la protection de la vie privée, JCP 1970. I. 2357.
(8) Crim. 30 mars 2016, n° 15-82.039, Légipresse 2016. 260 et les obs. ; ibid. 351, comm. G. Beaussonie ; D. 2016. 898 ; ibid. 2424, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, L. Miniato et S. Mirabail ; AJ pénal 2016. 384, obs. D. Aubert ; RSC 2016. 767, obs. H. Matsopoulou.
(9) IA Act, art. 3 (60), JOUE 12 juill. 2024.
(10) C. pén., art. 226-6.
(11) Loi de 1881, art. 48.
(12) V. utilisant cette dénomination, A. Lepage, Les délits d'expression incriminés par le Code pénal, Travaux de l'ISCJ, n° 1, 2011, p. 171.
(13) E. Raschel, Droit de la presse. La sanction des abus de la liberté d'expression, 1re éd., Dalloz, mars 2025, nos 75 et s.
(14) L'ancienne version de l'art. 226-8 c. pén. le précisait déjà.
(15) A. Guedj, L'apport de la loi SREN en matière de deepfake : une obsolescence annoncée ?, Dalloz IP/IT 2024. 391.
(16) Crim. 30 janv. 1978, n° 77-91.275.
(17) En ce sens, E. Dreyer, L'opportunité d'une sortie des infractions de presse de la loi du 29 juillet 1881 au regard d'un exemple précis : le cas du délit d'apologie du terrorisme et de provocation aux actes de terrorisme, in N. Droin et W. Jean-Baptiste (dir.), La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ?, LGDJ, 2017, p. 37 et s., n° 2. Adde, T. Besse, Apologie d'actes terroristes : quelle publicité ?, Légipresse 2018. 556. C'est ainsi qu'une publicité a été retenue pour des propos justifiant les attentats commis en France par un prévenu qui se trouvait en présence des seuls gendarmes qui l'escortaient, dans un fourgon cellulaire ou dans les geôles du tribunal devant lequel il devait comparaître (Crim. 11 juill. 2017, n° 16-86.965, Légipresse 2017. 416 et les obs.), et pour des propos tenus intentionnellement au sein d'un établissement pénitentiaire en présence des seuls personnels de cette administration (Crim. 19 juin 2018, n° 17-87.087, AJ pénal 2018. 419, obs. J.-P. Vicentini).
(18) Dans les autres cas, les personnes morales sont punissables (C. pén., art. 226-9, qui renvoie à l'art. 226-7 c. pén.).
(19) C. pén., art. 226-2-1, al. 2.
(20) Pour un montage qui apparaît évidemment comme tel, TJ Nanterre, 1er oct. 2024, n° 23140000125, Légipresse 2024. 528 et les obs.
(21) C. pén., art. 226-4-1.
(22) Le CPI prévoit que, lorsque l'œuvre a été divulguée, le monopole d'exploitation dont bénéficie l'auteur ne lui permet pas d'interdire la « parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre » (art. L. 122-5, 4°).
(23) IA Act, art. 52.3.
(24) A. Guedj, L'apport de la loi SREN en matière de deepfake : une obsolescence annoncée ?, préc.
(25) Intervention du 5 juill. 2023 au Sénat, citée par J. Bossan, préc., note 24.
(26) S. Simonnet, Les lois pénales didactiques : essai d'une théorie générale, thèse Université Lyon 3, 7 nov. 2024.
(27) La circulaire du 19 déc. 2024 remarque bien que : « De tels faits étaient déjà susceptibles d'être poursuivis et sanctionnés sur le fondement de l'article 226-8 du code pénal. » En tous les cas, le nouveau délit n'est applicable qu'aux faits commis postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi (23 mai 2024).
(28) R. Ollard, Loi SREN : entre régulation (primaire) et répression (secondaire), préc., n° 7.
(29) V. plus largement sur ce point, P. Rousseau, Infraction justifiée ou répression injustifiée : une possible dualité de mécanismes de légitimation, Dr. pénal 2022. Étude 8 ; J.-C. Saint-Pau, La liberté d'expression, cause de neutralisation de la répression pénale, in Mélanges Philippe Conte, LexisNexis, 2023, p. 765.
(30) C. pén., art. 131-5-1, 9°.
(31) La circulaire du 19 déc. 2024, préc., précise que ce stage pourra être mis en œuvre avec le concours d'associations locales ou des services de la PJJ, comme cela se pratique déjà dans certains ressorts pour les stages de citoyenneté thématiques centrés sur la lutte contre la haine en ligne ou le cyberharcèlement.
(32) CPI, art. L. 335-7 (loi n° 2009-1311 du 28 oct. 2009).
(33) V. sur ce rapprochement, P. Léger, La peine complémentaire de suspension des comptes d'accès à des services en ligne : symbole des mesures de sécurisation de l'espace numérique et des difficultés de leur mise en œuvre, Dalloz IP/IT 2024. 395.
(34) Loi n° 2009-669 du 12 juin 2009.
(35) Cons. const. 10 juin 2009, n° 2009-580 DC, AJDA 2009. 1132 ; D. 2009. 1770, point de vue J.-M. Bruguière ; ibid. 2045, point de vue L. Marino ; ibid. 2010. 1508, obs. V. Bernaud et L. Gay ; ibid. 1966, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny-Goy ; Dr. soc. 2010. 267, chron. J.-E. Ray ; RFDA 2009. 1269, chron. T. Rambaud et A. Roblot-Troizier ; Constitutions 2010. 97, obs. H. Périnet-Marquet ; ibid. 293, obs. D. de Bellescize ; RSC 2009. 609, obs. J. Francillon ; ibid. 2010. 209, obs. B. de Lamy ; ibid. 415, étude A. Cappello ; RTD civ. 2009. 754, obs. T. Revet ; ibid. 756, obs. T. Revet ; RTD com. 2009. 730, étude F. Pollaud-Dulian.
(36) Comp., plus largement sur cette question, M. Grandjean, Lutte contre les contenus illicites en ligne : plaidoyer en faveur d'un retour au juge, Légipresse 2024. 22 et ibid. 89.
(37) C. pén., art. 131-35-1.
(38) Tels que définis à l'art. 6-I-4 LCEN, par renvoi à l'art. 3, i) du DSA, v. infra.
(39) C. pén., art. 130-1 et 132-1.
(40) E. Raschel, Droit de la presse. La sanction des abus de la liberté d'expression, op. cit., nos 504 et s.
(41) Par dérogation à l'art. 702-1, al. 3, c. pr. pén.
(42) Dans son avis sur la loi SREN, le Conseil d'État estimait qu'elle « ne trouve pas sa place dans le code pénal (CE, avis, 27 avr. 2023, n° 406991).
(43) C. pén., art. 131-6, 12° bis.
(44) Ibid., art. 132-45, 13° bis.
(45) C. pr. pén., art. 41-2, 21° ; CJPM, art. L. 422-3.
(46) C. pr. pén., art. 138, 19° ; CJPM, art. L. 331-2, 16°.
(47) R. Ollard, Loi SREN : entre régulation (primaire) et répression (secondaire), préc., n° 11.
(48) Adde, pour une mesure éducative judiciaire provisoire, CJPM, art. L. 323-1.
(49) CJPM, art. L. 112-2, 7° bis.
(50) LCEN, art. 6-I-4, par renvoi à l'art. 3, i) DSA.