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Communication numérique
/ Cours et tribunaux
03/01/2025
La difficile identification des auteurs d'infractions en ligne : une double peine pour les victimes ?
La cour d'appel retient, dans le cadre d'un litige concernant un maire qui invoquait des faits d'usurpation d'identité en ligne par la création de faux comptes Facebook, que peut être sollicitée auprès du juge civil, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la communication des données d'identification civiles et administratives des titulaires des comptes litigieux. En revanche, les données techniques utilisées pour procéder à une connexion et celles relatives aux équipements terminaux utilisés ne peuvent être réclamées que pour la lutte contre la criminalité et la délinquance grave, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
L'identification des auteurs d'infractions en ligne est, à l'évidence, un préalable indispensable à toute procédure judiciaire. Sans elle, les victimes ne peuvent accéder utilement à un juge et encore moins obtenir réparation de leur préjudice, parfois considérable. À titre d'exemple dans l'actualité la plus récente, on peut citer le cas de ce maire d'une ville de Mayenne qui, pour avoir dansé lors d'une fête organisée par la communauté guinéenne dans sa commune, a été ...
Cour d'appel, Paris, (Pôle 1 – ch. 3), 10 septembre 2024, Monsieur I. c/ Sté Meta Platforms Ireland Ltd
Nicolas VERLY
Avocat au Barreau de Paris
Chargé de cours à l'Ecole de droit de la Sorbonne ...
Nicolas Bénoit
Avocat associé
Cabinet Lussan
3 janvier 2025 - Légipresse N°431
4269 mots
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(1) « “On a encore quelques vides juridiques pour aller chercher les auteurs sur les réseaux sociaux”, déplore l'élu », propos extrait de rédaction, « “C'est très violent, ça tombe d'un coup” : des élus victimes de violences appellent le gouvernement à renforcer l'arsenal législatif », francetvinfo.fr, 20 nov. 2024.
(2) N. Bénoit et N. Verly, L'identification des auteurs de diffamations et injures à l'aune du nouvel article 60-1-2 du code de procédure pénale : chronique d'une mort annoncée ?, Légipresse 2022. 538.
(3) C. pén., art. 226-4-1, al. 1er et 2 : « Le fait d'usurper l'identité d'un tiers ou de faire usage d'une ou plusieurs données de toute nature permettant de l'identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d'autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. / Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu'elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne. »
(11) V. par ex., Paris, pôle 1er - ch. 2, 2 nov. 2023, n° 23/01465.
(12) La Cour vise l'art. 6-I-2 de la LCEN, dans sa rédaction alors applicable et modifiée, depuis lors, par la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 par une référence au règl. (UE) 2022/2065 du 19 oct. 2022 (DSA).
(13) L'art. 6-II est désormais codifié à droit quasi constant à l'art. 6-V-A (loi n° 2024-449 du 21 mai 2024).
(14) Disposition non modifiée par la loi préc. du 21 mai 2024.
(15) Pour la parfaite compréhension du lecteur, on précisera que l'expression « données civiles et administratives » désigne, dans le cadre du présent commentaire, l'ensemble des informations visées aux 1° et 2° de l'art. L. 34-1-II bis CPCE.
(16) Décr. n° 2021-1362 du 20 oct. 2021, lequel « n'a pas été modifié ou abrogé depuis l'adoption de la loi du 21 mai 2024 modifiant la numérotation de l'article 6-II, devenu l'article 6-V-A de cette même loi », TJ Paris, 8 oct. 2024, n° 24/55637, préc. ; TJ Paris, 20 sept. 2024, n° 24/51330, préc.
(17) Décr. du 20 oct. 2021, préc., art. 2 : « 1° Les nom et prénom, la date et le lieu de naissance ou la raison sociale, ainsi que les nom et prénom, date et lieu de naissance de la personne agissant en son nom lorsque le compte est ouvert au nom d'une personne morale ; 2° La ou les adresses postales associées ; 3° La ou les adresses de courrier électronique de l'utilisateur et du ou des comptes associés le cas échéant ; 4° Le ou les numéros de téléphone. »
(18) Ibid., art. 3 : « 1° L'identifiant utilisé ; 2° Le ou les pseudonymes utilisés ; 3° Les données destinées à permettre à l'utilisateur de vérifier son mot de passe ou de le modifier, le cas échéant par l'intermédiaire d'un double système d'identification de l'utilisateur, dans leur dernière version mise à jour. »
(19) Ibid., art. 4 : « 1° Le type de paiement utilisé ; 2° La référence du paiement ; 3° Le montant ; 4° La date, l'heure et le lieu en cas de transaction physique. »
(20) Ibid., art. 5 : « 1° Pour les personnes mentionnées au 1 du I de l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 susvisée et pour chaque connexion de leurs abonnés : / a) L'identifiant de la connexion ; / b) L'identifiant attribué par ces personnes à l'abonné ; / c) L'adresse IP attribuée à la source de la connexion et le port associé ; / 2° Pour les personnes mentionnées au 2 du I de l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 susvisée et pour chaque opération de création d'un contenu telle que définie à l'article 6 : / a) L'identifiant de la connexion à l'origine de la communication ; / b) Les types de protocoles utilisés pour la connexion au service et pour le transfert des contenus. / Le délai mentionné au premier alinéa du présent article court à compter du jour de la connexion ou de la création d'un contenu, pour chaque opération contribuant à cette création. » Pour être complet, on précisera que le décr. préc. a fait l'objet d'une codification à l'art. R. 10-13 CPCE relatif, entre autres, aux obligations de conservation applicables aux opérateurs de communications électroniques.
(22) Colmar, 25 oct. 2024, n° 23/03252 ; Colmar, 28 mars 2024, n° 22/04363 ; Paris, pôle 1er - ch. 8, 27 avr. 2022, n° 21/14958. V. cependant, pour une communication en vue de la poursuite de propos « faux ou dénigrants », Dijon, 21 juin 2022, n° 21/01309.
(23) L'arrêt relève pourtant que la Sté Meta ne s'opposait pas à une telle communication…
(24) Pour des décisions similaires et portant également sur l'identification de l'auteur du délit d'usurpation d'identité numérique, TJ Paris, 7 oct. 2024, n° 24/53208, préc. ; TJ Paris, 7 mai 2024, n° 24/50758, préc.
(33) Respectivement punies de peines de 5 ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende (C. pén., art. 323-3) et de 5 ans d'emprisonnement et 375 000 € d'amende (C. pén., art. 313-1), TJ Paris, 12 nov. 2024, n° 24/57625, préc. On relèvera cependant que, dans cette décision, le juge vise exclusivement les al. 1° et 2° de l'art. 34-1-II bis CPCE applicables aux « procédures pénales »… pour ordonner malgré tout, sans justification sur ce point, la communication des adresses IP.
(38) Flagrance (C. pr. pén., art. 60-1-2), enquête préliminaire (C. pr. pén., art. 77-1-2) ou instruction (C. pr. pén., art. 99-3).
(39) N. Bénoit et N. Verly, préc., spéc. p. 541 et s.
(40) Fondée sur la méconnaissance de l'objectif à valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et des principes à valeur constitutionnelle de droit au recours effectif devant une juridiction, de droit à réparation et d'égalité devant la loi.
(42) Crim. 14 mars 2023, n° 22-90.018, Légipresse 2023. 137 et les obs. ; ibid. 2024. 257, obs. N. Mallet-Poujol.
(43) Not. Dir. 2002/58/CE du 12 juill. 2002 et Dir. 2009/136/CE du 25 nov. 2009.
(44) CJUE 6 oct. 2020, aff. C-511/18, C-512/18, C-520/18, La Quadrature du Net et a., Légipresse 2020. 671, étude W. Maxwell ; ibid. 2021. 240, étude N. Mallet-Poujol ; AJDA 2020. 1880 ; D. 2021. 406, et les obs., note M. Lassalle ; ibid. 2020. 2262, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; ibid. 2022. 2002, obs. W. Maxwell et C. Zolynski ; AJ pénal 2020. 531 ; Dalloz IP/IT 2021. 46, obs. E. Daoud, I. Bello et O. Pecriaux ; RTD eur. 2021. 175, obs. B. Bertrand ; ibid. 181, obs. B. Bertrand ; ibid. 973, obs. F. Benoît-Rohmer.
(45) CJUE 6 oct. 2020, aff. C-511/18, C-512/18, C-520/18, préc., § 167 ; CJUE 2 mars 2021, aff. C-746/18, § 29, AJDA 2021. 1086, chron. P. Bonneville, C. Gänser et A. Iljic ; D. 2021. 470 ; ibid. 1564, obs. J.-B. Perrier ; ibid. 2022. 2002, obs. W. Maxwell et C. Zolynski ; AJ pénal 2021. 267, obs. S. Lavric ; Dalloz IP/IT 2021. 468, obs. B. Bertrand ; RTD eur. 2022. 394, obs. F. Benoît-Rohmer ; ibid. 2022. 481, obs. B. Bertrand.
(46) CJUE 30 avr. 2024, aff. C-470/21, La Quadrature du Net et a., Légipresse 2024. 278 et les obs. ; AJDA 2024. 935 ; ibid. 1107, chron. P. Bonneville et A. Iljic ; D. 204. 872.
(47) Ibid., § 116.
(48) Ibid., § 117.
(49) Ibid., § 119.
(50) CJUE 4 oct. 2024, aff. C-548/21, D. 2024. 2099, note B. Auroy ; AJ pénal 2024. 567, note M. Audibert ; Dalloz IP/IT 2024. 550, obs. Anne-Lisa Bofua.
(51) Ibid., § 97.
(52) Récemment confortés par un Règl. (UE) 2023/1543 du 12 juin 2023, notamment relatif aux injonctions européennes de production et aux injonctions européennes de conservation concernant les preuves électroniques dans le cadre de procédures pénales (applicable à compter du 18 août 2026).
(53) CJUE 30 avr. 2024, aff. C-470/21, préc., § 117. La Cour reconnaît ainsi implicitement mais nécessairement que les données d'identité civile et administratives déclarées par les internautes aux hébergeurs peuvent bien souvent être fantaisistes, et empêchent, dans les faits, l'identification des auteurs des faits litigieux.