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Droit économique
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26/09/2024
État des lieux des taxes alimentant le fonds de soutien du CNC : des perspectives rassurantes
L'ordonnance n° 2023-1210 du 20 décembre 2023 « portant création du titre V du livre IV du code des impositions sur les biens et services et portant diverses autres mesures de recodification de mesures non fiscales » a supprimé trois taxes alimentant le fonds de soutien du CNC, visant les services de télévision (TST), les billets d'entrée en salles de cinéma (TSA) et la vidéo (taxe vidéo), pour les remplacer par six nouvelles taxes contenues dans le code des impositions sur les biens et services (CIBS). L'objet de cette étude n'est pas d'analyser l'impact de la création de ces nouvelles taxes sur la création audiovisuelle et cinématographique, puisque presque rien ne change en matière de rendement et de fonctionnement. Il s'agit en réalité de s'interroger sur le fonctionnement global de la taxation spéciale de l'audiovisuel et du cinéma et sur son avenir.
Les aides financières dispensées par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) sont conséquentes : 708,8 millions d'euros d'aides ont été attribués en 2023(1) par le biais du fonds de soutien de l'institution. La quasi-majorité(2) de ce montant provenait jusqu'à fin 2023 de trois taxes honorées par les filières cinématographique et audiovisuelle : une taxe sur les services de télévision (TST) divisée en deux branches visant les éditeurs de services (TST-E) et ...
Marc Le Roy
Docteur en droit
Chargé d'enseignement à l'Université de Tours et au ...
26 septembre 2024 - Légipresse N°428
6746 mots
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(1) Bilan annuel du CNC pour 2023 publié sur le site internet de l'institution.
(2) Le CNC bénéficie néanmoins d'autres ressources, par ex. du montant des sanctions pécuniaires prononcées par l'ARCOM à l'encontre des éditeurs de services (autour de 5 millions d'euros en 2023), qui est attribué chaque année au CNC : CCIA, art. L. 116-5, 3°.
(3) Ord. n° 2023-1210 du 20 déc. 2023.
(4) Sur cette évolution, v. M. Le Roy, Nouvelle fiscalité de l'audiovisuel et du cinéma : tout changer pour que (presque) rien ne change, Légipresse 2024. 440.
(5) C. Vargoz, Le Sénat veut transférer la gestion de la TSA à la direction générale des Finances, boxofficepro.fr, 23 nov. 2022
(6) Il existe une « aide aux cinémas du monde » (ACM) créée en 2012, cogérée et cofinancée par le CNC et l'Institut français.
(7) Les années 2011 et 2012 avaient été exceptionnelles pour le CNC en raison not. d'une TST-D assise sur une base plus large qu'elle ne l'est depuis 2013.
(8) V. par ex., T. Sotinel, Le cinéma est-il mort ou vif, bousculé par les plates-formes et affaibli par le Covid ?, Le Monde, 13 mai 2022.
(9) Pour une synthèse particulièrement catastrophiste, v. Dov Alfon, Crise du cinéma : des pistes pour s'en sortir, Libération, 4 oct. 2022.
(10) En cas de formule d'accès en salles donnant droit à des accès multiples en salles, un « prix de référence » est alors pris en compte afin d'établir l'assiette de la taxe : CCIA, anc. art. L. 115-1 et CIBS, nouv. art. L. 452-6. Ce prix de référence sert égal. d'assiette à la rémunération des ayants droit et des distributeurs : CCIA, art. L. 212-28 et s.
(11) L'ensemble de ces statistiques sont disponibles sur le site internet du CNC.
(12) La grève des scénaristes et des acteurs aux États-Unis en 2023 pourrait perturber les entrées en salles françaises en 2024 du fait du retard conséquent des sorties en salles de différents blockbusters américains.
(13) Loi n° 2023-1322 du 29 déc. 2023 de finances pour 2024.
(14) Il faut remonter à 1997 pour trouver une plus mauvaise année.
(15) La 1re partie de l'année 2024 est loin d'être excellente (- 17 % entre janv. et mai 2024 par rapport à la même période 2023).
(16) Taxe sur les services d'accès à des contenus audiovisuels à la demande (CIBS, art. L. 453-25 et s.) et taxe sur la publicité diffusée au moyen de services d'accès à des contenus audiovisuels à la demande (CIBS, art. L. 454-16 ets.).
(17) V. infra.
(18) Loi n° 86-1067 du 30 sept. 1986 relative à la liberté de communication.
(19) La loi de 1986 à laquelle renvoie l'art. L. 115-6 CCIA précise que : « Est considéré comme service de télévision tout service de communication au public par voie électronique destiné à être reçu simultanément par l'ensemble du public ou par une catégorie de public et dont le programme principal est composé d'une suite ordonnée d'émissions comportant des images et des sons. »
(20) À la différence du service de TV, le SMAD propose des programmes qui sont regardés à un moment choisi par l'utilisateur : loi de 1986 préc., art. 2.
(21) En matière de taxe vidéo, l'éditeur du SMAD est taxé ou la taxe est prélevée sur le distributeur qui encaisse la rémunération acquittée par l’utilisateur du SMAD, v. BOFIP relatif à l'art. 1609 sexdecies B du CGI, BOI-TCA-VLV.
(22) CCIA, anc. art. L. 115-9 et CIBS, nouv. art. L. 453-20.
(23) CCIA, art. L. 115-6, al. 2.
(24) CIBS, art. L. 453-14.
(25) CIBS, art. L. 453-14. L'anc. art. L. 115-6 CCIA utilisait le pluriel : « dès lors que cet accès permet de recevoir des services de télévision ».
(26) Bilan préc., p. 227.
(27) Les FAI ont souvent pris l'habitude de minorer leurs forfaits d'abonnement (et ainsi les sommes taxées) en excluant, par ex., le coût de certains services (abonnements complémentaires à des services numériques comme de la presse, location de box…). Ces agissements sont généralement sanctionnés par le CNC, v. par ex., CAA Paris, 24 janv. 2024, n° 22PA03260, Sté Free ; CAA Paris, 24 janv. 2024, n° 22PA03899, Sté SFR. L’avenir nous dira si des pratiques similaires ont été mises en place par certains opérateurs pour l’exercice 2022.
(28) Loi n° 2023-1322, préc., art. 156.
(29) V. Comm. culture du Sénat, PLF 2024. L'avis de la commission sur les crédits cinéma, nov. 2023
(30) CIBS, art. L. 453-14.
(31) Le CCIA ne définit pas cette notion appliquée aux distributeurs pas plus que la loi de 1986. Cette dernière précise néanmoins que des éditeurs de services sont établis en France s'ils disposent d'un siège social en France. Par extension, on pouvait légitimement considérer qu'un distributeur établi en France au sens de l'art. L. 115-6 CCIA dispose d'un siège social en France. Les nouvelles dispositions du CIBS ne reprennent pas la notion de distributeur, mais évoquent une personne établie sur le territoire de taxation de la nouvelle taxe (CIBS, art. L. 453-14 et s.). Là encore, la notion d'établissement repose a priori sur le fait d'avoir un siège social en France.
(32) V. infra.
(33) Précisons de plus que la diffusion du sport a lieu généralement en direct, ce qui implique que, même proposé par un éditeur de SMAD, un service de diffusion de sport en direct correspond alors à la définition juridique d'un service de télévision et non d'un SMAD : loi de 1986, préc., art. 2.
(34) 218 millions de TST-D en 2015 contre 218,5 millions en 2021.
(35) V. infra pour le détail.
(36) Loi n° 2023-1322, préc., art. 57.
(37) Ce texte n'a pas pris en compte la transformation de la TST-E en « taxe sur la publicité télévisuelle et autres ressources liées à la diffusion de services de télévision » par l'ord. n° 2023-1210, préc. L'exonération devrait en toute logique s'appliquer à la nouvelle taxe comme le précise dans une simple nota (information sans valeur juridique) le nouv. art. L. 454-3 CIBS.
(38) Loi n° 2023-1322, préc., art. 57.
(39) CIBS, art. L. 451-3, qui renvoie à la loi n° 86-1067 de 1986 sur la liberté de communication pour la définition d'un service de TV.
(40) Sur cette notion, il est probable que soit utilisé l'art. 43-3 de la loi de 1986, préc.
(41) Loi n° 86-1067, préc., art. 43-7-II.
(42) Décr. n° 2021-1924 du 30 déc. 2021 relatif à la contribution cinématographique et audiovisuelle des éditeurs de services de TV distribués par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par l'ARCOM, art. 1er.
(43) Loi n° 2019-1479 du 28 déc. 2019 de finances pour 2020, art. 193.
(44) Ibid., art. 193.
(45) V. infra.
(46) CIBS, art. L. 453-20.
(47) CIBS, art. L. 453-25 et s.
(48) CIBS, art. L. 453-18.
(49) CIBS, art. L. 454-8.
(50) CIBS, art. L. 454-21.
(51) La TV de rattrapage est considérée comme un SMAD en matière de publicité.
(52) Décr. n° 92-280 du 27 mars 1992, qui ne concerne que les services linéaires.
(53) Le droit moral des auteurs pourrait égal. être évoqué sur ces questions ; v. M. Vivant et J.-L. Bruguière, Droit d'auteur et droits voisins, 4e éd., Dalloz, 2019, n° 5016.
(54) CIBS, art. L. 454-8.
(55) Loi n° 92-1376 de finances pour 1993 du 30 déc. 1992, art. 49.
(56) Loi n° 2004-669 du 9 juill. 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, art. 113.
(57) Loi n° 2016-1918 du 29 déc. 2016, art. 56, et décr. n° 2017-1364 du 20 sept. 2017.
(58) Loi n° 2016-1918, préc., art. 56.
(59) Loi n° 2019-1479, préc., art. 193.
(60) Ord. n° 2023-1210, préc.
(61) Sur cette évolution, v. M. Le Roy, préc.
(62) Ces recettes étaient déjà taxées par l'ancienne taxe vidéo.
(63) Pour en savoir plus, v. M. Le Roy, Offres d'abonnement avec publicité de Netflix et, bientôt, de Disney+ : quelle régulation ?, Légipresse 2022. 631.
(64) Les 3 nouvelles taxes succédant à la taxe vidéo le sont égal.
(65) La nouvelle organisation en 3 taxes différentes permettra à l'avenir d'y voir un peu plus clair.
(66) Certaines chaînes (Arte par ex.) y partagent même leurs programmes.
(67) 150 millions ont été ponctionnés en 2013 (loi n° 2012-1509 du 29 déc. 2012 de finances pour 2013, , art. 41), 90 millions en 2014 (loi n° 2013-1278 du 29 déc. 2013 de finances pour 2014, art. 49).
(68) S. Loignon, Les pistes pour faire participer le CNC aux efforts d'économies voulus par Bercy, Les Échos, 28 mars 2024.