(auteur, réf. de texte ou de décision…)
Recherche
(auteur, réf. de texte ou de décision…)
Enews Legipresse
Le club Légipresse
Vidéos
Publication d’une story sur Instagram représentant un humoriste avec un groin de cochon et traité de voleur : le photomontage doit être examiné au regard des éléments de contexte
Un humoriste a découvert qu’était publiée sur le compte Instagram de son manager, avec lequel il était en conflit, une story comportant trois photographies associées à des textes et des musiques qu’il estime injurieuses à son égard, celui-ci étant, sur l'une d'elles, affublé d'un groin de cochon et, sur les deux autres, présenté comme étant un menteur et un voleur. Il a saisi le juge des référés aux fins d’obtenir la condamnation du défendeur au paiement d'une provision de 10.000 euros en réparation du préjudice moral subi, la suppression de la story litigieuse sur son compte Instagram et l'interdiction de la republier. Le premier juge a dit n’y avoir lieu à référé. Le requérant a fait appel.
La cour relève que les extraits vidéo incriminés sont constitués, précisément, d’une photographie du requérant dans une salle de spectacle, affublé d'un groin de cochon, comportant la mention « la déco, c'est moi » et une émoticône représentant un visage riant aux larmes ; d’une photographie de l'appelant également dans une salle de spectacle, affublé d'un nez animé s'allongeant, tel celui de Pinocchio, comportant la mention « Parce que la déco, c'est moi qui ai tout fait ! », accompagnée d'une musique comportant un refrain avec notamment, les termes « Petit menteur » ; d’une photographie de l'appelant, sur fond noir, comportant notamment la mention « le combat continue on va faire plier le voleur », accompagnée d'une musique comportant en boucle le refrain « Voler. C'est pas bon, non, non, non, non. Voler ».
Les juges considèrent que les photographies et propos critiqués en ce qu'ils montrent l’humoriste dont l'identification ne fait pas débat, sous des traits porcins et le décrivent comme un menteur et un voleur, donnent de ce dernier une image péjorative et présentent un caractère méprisant évident sans cependant être associés à des faits précis. Le conflit opposant les parties (lié à l’exploitation d’une salle de spectacle et à un dépôt de marque) ne transparaît pas dans la vidéo litigieuse et n'apparaît pas, en l'état des éléments produits, être notoirement connu du public pour pouvoir être rattaché aux messages litigieux contenus dans la « story ». Les propos et images poursuivis, qui ne renferment l'imputation d'aucun fait précis pouvant faire l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire, sont donc susceptibles de revêtir la qualification d'injure au sens de la loi du 29 juillet 1881. Toutefois, les photomontages et les messages critiqués qu'ils comportent, réalisés sur un mode satirique, ne peuvent être vus et compris sans tenir compte des images qui les précèdent. Ainsi, corrélés aux images relayant des avis critiques formés à l'encontre de la salle de spectacle exploitée par le requérant, les images et propos querellés expriment de manière impertinente et outrancière, propre à la satire, et dans un contexte de conflit entre les parties, révélé au public par le terme « combat » mentionné sur la troisième photographie, mais dont les contours ne sont pas précisés, l'opinion, certes négative et potentiellement blessante, de l’intimé à l'égard des agissements de l'appelant.
Pour la cour, le ton railleur employé et les montages réalisés visant à ridiculiser l’humoriste dans le contexte précité et alors que les parties évoluent toutes deux dans le milieu artistique dédié à l'humour, ne permettent pas de considérer, avec l'évidence requise en référé, que l’intimé a excédé les limites admissibles de la liberté d'expression ni même que les publications poursuivies sont, dans ces circonstances, constitutives d'injure publique. La cour approuve par conséquent la décision rendue par le juge de référés, qui a rejeté les demandes, étant en tout état de cause, relevé qu'aucune urgence n'était caractérisée en l'espèce ni trouble manifestement illicite constitué ou dommage imminent avéré au regard du caractère éphémère de la story et, par suite, de son inexistence lors de la saisine du premier juge.