Comme les années précédentes, la période de juillet 2022 à juin 2023 est, s'agissant du statut des journalistes et de leurs conditions de travail, marquée par le nombre de litiges, entre les journalistes et leurs employeurs, qui découlent notamment des imperfections, et des incertitudes qui s'ensuivent, dans la formulation des dispositions législatives relatives à la définition des journalistes professionnels ; au type des relations (salariés permanents ou mensualisés, d'une part, et pigistes ou collaborateurs occasionnels, d'autre part, à plein ou à temps partiel) qui les unissent aux entreprises auxquelles ils apportent leurs contributions ; aux conditions et aux motifs de rupture du contrat de travail (licenciement pour faute ou sans faute, démission ordinaire, rupture abusive, mise en jeu de la clause de conscience…) ; au partage des compétences entre la commission arbitrale des journalistes et le conseil de prud'hommes ; à la détermination de la nature et du volume des rémunérations ; au mode de calcul des indemnités dues… dont les uns et/ou les autres tentent de tirer parti. Y sera-t-il jamais remédié ?
La synthèse de l'actualité du droit concernant le statut des journalistes et leurs conditions de travail conduit, dans un souci de rigueur et de clarté (bien loin d'être toujours atteinte !) et pour permettre des comparaisons avec la situation des années antérieures, à considérer successivement (dans ce qui relève pourtant souvent de réalités ou de relations imbriquées, sinon de causes à effets réciproques) : la définition du journaliste professionnel (I), l'exercice de ...
Emmanuel Derieux
Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris 2)
Frédéric Gras
Avocat au Barreau de Paris
6 novembre 2023 - Légipresse N°418
8003 mots
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(1) « Article L. 7111-3. – Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.Le correspondant, qu'il travaille sur le territoire français ou à l'étranger, est un journaliste professionnel s'il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au premier alinéa. »« Article L. 7111-4. – Sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction, rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l'exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n'apportent, à un titre quelconque, qu'une collaboration occasionnelle. »« Article L. 7111-5. – Les journalistes exerçant leur profession dans une ou plusieurs entreprises de communication au public par voie électronique ont la qualité de journaliste professionnel. »
(2) « Article 2. – Est considérée comme journaliste […] toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d'informations et leur diffusion au public » (disposition introduite par la loi du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes).
(3) TJ Paris, 31e ch. corr., 14 janv. 2022, n° 16237000654, Légipresse 2022. 469 et les obs.
(4) Suite à l'intervention russe en Ukraine et à la décision, des instances européennes, d'interdiction de diffusion des médias russes (Russia Today et Sputnik) en Europe ; v. E. Derieux, Guerre en Ukraine - Les médias, RFDA 2022. 646.
(5) « Article L. 521-2. – Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »
(6) CE 1er avril 2022, n° 462738, Légipresse 2022. 571, étude E. Derieux et F. Gras.
(7) Cons. prud’h. Bobigny, 28 mars 2022, n° 21/01716, Légipresse 2023. 108, étude E. Derieux.
(8) Paris, pôle 6 - 2e ch., 19 janv. 2023, no 22/05036, Légipresse 2023. 82 et les obs. ; ibid. 108, étude E. Derieux.
(9) « Article L. 7112-1. – Toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail.Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties. »
(10) Soc. 12 avr. 2023, n° 21-22.833, Légipresse 2023. 208 et les obs.
(11) Paris, pôle 6 - 7e ch., 28 janv. 2021, n° 18/10758, Légipresse 2021. 552, chron. E. Derieux et F. Gras.
(12) Soc. 26 oct. 2022, n° 21-14.180, Légipresse 2022. 600 et les obs. ; ibid. 2023. 48, étude E. Derieux et F. Gras.
(13) Versailles, 19e ch., 8 févr. 2023, n° 21/01102, Légipresse 2023. 208 et les obs. ; Dalloz IP/IT 2023. 198, obs. Ekaterina Berezkina.
(14) « Article L. 2261-15. – Les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel […] peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de cette convention ou de cet accord, par arrêté du ministre chargé du Travail, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle.L'extension des effets et des sanctions de la convention ou de l'accord se fait pour la durée et aux conditions prévues par la convention ou l'accord en cause. »
(15) « Article 93. – Le recrutement des journalistes s'effectue soit selon les règles de la convention collective nationale de la presse et ses avenants, soit selon les règles particulières du code du travail applicables dans les territoires d'outre-mer. »
(16) « Article L. 7112-1. – Toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties. »
(17) Préc.
(18) Préc.
(19) Paris, pôle 6 - 7e ch., 10 déc. 2020, no 17/08794, Légipresse 2021. 552, chron. E. Derieux et F. Gras.
(20) Soc. 8 févr. 2023, n° 21-10.270, Légipresse 2023. 83 et les obs. ; JA 2023, n° 683, p. 39, étude M. Julien et J.-F. Paulin.
(21) Soc. 12 avr. 2023, n° 21-24.550, Légipresse 2023. 207 et les obs.
(22) Paris, pôle 6 - 9e ch., 7 oct. 2020, n° 19/09197, Légipresse 2021. 552, chron. E. Derieux et F. Gras.
(23) « Article 25. – À la fin du mois de décembre, tout journaliste professionnel percevra à titre de salaire, en une seule fois, sauf accord particulier, une somme égale au salaire du mois de décembre.Pour les collaborateurs employés à titre occasionnel ou ayant un salaire mensuel variable, le montant de ce treizième mois correspondra à 1/12e des salaires perçus au cours de l'année civile ; il sera versé dans le courant du mois de janvier de l'année suivante.En cas de licenciement ou de démission en cours d'année, il sera versé au titre de ce salaire, dit “mois double” ou “treizième mois”, un nombre de 1/12e égal au nombre de mois passés dans l'entreprise depuis le 1er janvier et basé sur le dernier salaire reçu. Les journalistes professionnels engagés en cours d'année recevront fin décembre un nombre de douzièmes égal au nombre de mois passés dans l'entreprise. Dans tous les cas ces 1/12e ne seront dus qu'après trois mois de présence.Pour les collaborateurs salariés employés à titre occasionnel, les douzièmes ne seront dus qu'à ceux qui auront collaboré à trois reprises différentes ou dont le salaire aura atteint au cours de l'année civile au moins trois fois le montant minimum fixé par les barèmes de la forme de presse considérée. Toute fraction de mois égale ou supérieure à quinze jours est comptée pour un mois.Si le journaliste professionnel entre dans une entreprise le 1er novembre d'une année civile, il recevra 2/12e le 1er février suivant. S'il entre le 1er décembre, 1/12e le 1er mars suivant. »
(24) Soc. 9 juin 2022, n° 20-21.539, Légipresse 2022. 571, étude E. Derieux et F. Gras.
(25) E. Derieux, Guerre en Ukraine - Les médias, préc.
(26) ONU Info, 18 janv. 2023.
(27) TJ Nanterre, pôle civ. - 1re ch., 6 juill. 2022, n° 20/01194 ; v. : E. Derieux, Affaire Benalla : condamnation de l'État pour tentative de perquisition au sein d'un média, Actu-juridique.fr, 11 juill. 2022 ; A. Granchet, Condamnation de l'État pour une tentative de perquisition à Mediapart, la-rem.eu, automne 2022, n° 63.
(28) « Article 170. – En toute matière, la chambre de l'instruction peut, au cours de l'information, être saisie aux fins d'annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure par le juge d'instruction, par le procureur de la République, par les parties ou par le témoin assisté.Article 170-1. – Lorsque la solution d'une requête en annulation paraît s'imposer de façon manifeste, le président de la chambre de l'instruction statue sur cette demande, conformément aux dispositions de l'article 199, sans la présence des deux conseillers de la chambre. Si la décision qui s'impose consiste dans l'annulation des actes ou pièces de la procédure, elle peut, en cas d'accord du ministère public, être prise par ordonnance sans qu'il soit procédé à l'audience prévue au même article 199. L'auteur de la requête en annulation peut cependant demander que celle-ci soit examinée par la chambre de l'instruction.Article 171. – Il y a nullité lorsque la méconnaissance d'une formalité substantielle prévue par une disposition du présent code ou toute autre disposition de procédure pénale a porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne. »
(29) Crim. 27 juill. 2022, n° 22-80.887, Légipresse 2022. 465 et les obs.
(30) Cons. const. 28 oct. 2022, n° 2022-1021 QPC, Légipresse 2022. 596 et les obs. ; ibid. 674, étude C. Bigot ;AJ pénal 2022. 583, obs. T. Besse ; D. 2022. 1907 ; RSC 2023. 395, obs. A. Botton ; D. actu. 20 oct. 2022, obs. A. Bloch ; D. actu. 8 nov. 2022, obs. T. Scherer ; J. Bossan, Le journaliste surveillé, un tiers au recours effectif, Gaz. Pal. 13 déc. 2022 ; E. Derieux, Protection des sources d'information des journalistes. Affirmation et limites, RLDI nov. 2022. 21.
(31) « Article 145. – S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »
(32) « Article L. 1152-1. – Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »« Article L. 1152-4. – L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral […] »
(33) « Article L. 7112-5. – Si la rupture du contrat de travail survient à l'initiative du journaliste professionnel, les dispositions des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 sont applicables, lorsque cette rupture est motivée par l'une des circonstances suivantes :1° Cession du journal ou du périodique ;2° Cessation de la publication du journal ou périodique pour quelque cause que ce soit ;3° Changement notable dans le caractère ou l'orientation du journal ou périodique si ce changement crée, pour le salarié, une situation de nature à porter atteinte à son honneur, à sa réputation ou, d'une manière générale, à ses intérêts moraux. Dans ces cas, le salarié qui rompt le contrat n'est pas tenu d'observer la durée du préavis prévue à l'article L. 7112-2. »
(34) « Article L. 7112-3. – Si l'employeur est à l'initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d'année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze. »
(35) « Article L. 7112-4. – Lorsque l'ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l'indemnité due. […] La décision de la commission arbitrale est obligatoire et ne peut être frappée d'appel. »
(36) Paris, pôle 6 - 2e ch., 4 mars 2021, n° 19/03349, Légipresse 2021. 552, chron. E. Derieux et F. Gras ; ibid. 552, chron. E. Derieux et F. Gras ; ibid. 2022. 175, étude F. Gras.
(37) Soc. 14 déc. 2022, n° 21-17.994, Légipresse 2023. 19 et les obs.
(38) Soc. 9 juin 2022, n° 18-15.700, Légipresse 2022. 411 et les obs. ; ibid. 571, étude E. Derieux et F. Gras ; ibid. 698, étude F. Gras.
(39) Paris, pôle 6 - 2e ch., 1er sept. 2022, n° 21/17066, Légipresse 2022. 535 et les obs.
(40) Rouen, 18 févr. 2021, n° 20/01610.
(41) Soc. 26 oct. 2022, n° 21-14.956, Légipresse 2022. 667 et les obs. ; ibid. 2023. 48, étude E. Derieux et F. Gras.
(42) « Article D. 7112-3. – La décision de la commission arbitrale est obligatoire. Elle produit effet à compter de sa saisine. Aucune disposition ne peut prescrire que ses effets rétroagiront avant cette date. Sa minute est déposée par l'un des arbitres ou par le président de la commission au greffe du tribunal judiciaire dans le ressort duquel la décision a été rendue. Ce dépôt est accompli dans les vingt-quatre heures et rend la décision exécutoire. Les actes nécessités par l'application de l'article L. 7112-4 et du présent article sont dispensés de formes et de frais, en particulier de timbre et d'enregistrement. »
(43) Soc. 7 juin 2023, n° 21-14.956, Légipresse 2023. 330 et les obs. ; S. Demay, Qui peut déposer au greffe la décision de la commission arbitrale des journalistes (condition de son caractère exécutoire) ?, D. actu. 23 juin 2023.
(44) Soc. 26 oct. 2022, n° 21-14.816, Légipresse 2022. 600 et les obs. ; ibid. 2023. 48, étude E. Derieux et F. Gras ; D. 2022. 1911 ; E. Maurel, Détermination de l'indemnité de licenciement par la commission arbitrale des journalistes, D. actu. 18 nov. 2022.
(45) Paris, pôle 6 - 2e ch., 9 févr. 2023, n° 22/04835, Légipresse 2023. 271 et les obs. ; ibid. 356, étude E. Derieux.