La reprise de l'œuvre de street art « La Marianne asiatique » dans une vidéo de campagne de La France insoumise [LFI] a porté atteinte aux droits patrimoniaux et moraux de l'artiste Combo. La cour d'appel relève que l'exception de liberté de panorama invoquée en défense doit, comme toute exception, être d'interprétation stricte, et ne peut recevoir application en l'espèce, pas plus que l'exception de courte citation. Elle retient enfin que l'atteinte au droit à la paternité au respect de l'intégrité et de l’esprit de l'œuvre sont caractérisées.
« Pourquoi l'élite humaine qui réjouit nos cœurs et alimente nos esprits serait-elle condamnée à la misère(1) ? » C'est en ces termes emphatiques que M. Jean-Luc Mélenchon, lors de la campagne présidentielle de 2017, regrettait qu'un grand nombre d'auteurs en France vive sous le seuil de pauvreté. Il proposait, sans s'encombrer des engagements européens, de raccourcir la durée du droit d'auteur (à 15 ans ou 20 ans après la mort de l'auteur), puis de rediriger les fruits de ...
Cour d'appel, Paris, (pôle 5 - ch. 1), 5 juillet 2023, Monsieur X. dit Combo c/ J.-L. Mélenchon et a.
Benjamin Domange
Avocat associé au Barreau de Paris, Cabinet Twelve
Philippe ALLAEYS
Avocat associé, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle, Twelve, ...
29 septembre 2023 - Légipresse N°417
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(1) E. Lequeux et C. Fabre, Présidentielle : le statut des auteurs et des artistes à l'étude, Le Monde, 20 avr. 2017.
(2) Dans le street art, le terme « combo » (qui provient du terme anglais, lui-même diminutif de mot combination) désigne une œuvre qui rassemble les « stickers » (images collées dans l'espace public) de différents artistes.
(5) Combo réclamait à M. Mélenchon et à son parti la coquette somme de 100 000 €.
(6) Les défendeurs contestaient, pêle-mêle, la qualité d'auteur de Combo, l'originalité de l'œuvre, la compatibilité du droit d'auteur avec l'absence d'autorisation de la part du propriétaire du support, l'existence même d'une atteinte au droit moral puisque le message véhiculé par l'œuvre serait le même que celui porté par les défendeurs ; ils affirmaient égal. qu'une œuvre réalisée sur la voie publique pouvait être captée par tout un chacun.
(7) T. Bertin, Macron et Orelsan, Aubry et NTM, Chirac et Daft Punk… Le (mauvais) flow de la récup', Le Monde, 11 déc. 2021.
(8) Versailles, 26 mars 2019, n° 17/07461.
(9) A. Sulzer, Le Louvre demande le retrait de la vidéo de Marine Le Pen, Le Parisien, 15 janv. 2022.
(10) TJ Paris, 3e ch., 2e sect., 4 mars 2022, n° 22/00034, Dalloz IP/IT 2022. 116, obs. K. Nohra.
(11) C. civ., art. 1242, al. 5.
(12) V., pour une application des dispositions de l’art. L. 113-1 c. élect., en matière de financement de campagne, T. corr. Paris, 30 sept. 2021, n° 14064000028.
(13) Paris, pôle 5 - 1re ch., 14 sept. 2022, n° 20/13716 : « La cour rappelle que l'exploitation d'une musique de film, mode d'exercice du droit patrimonial contractuellement cédé, n'est de nature à porter atteinte au droit moral de l'auteur requérant son accord préalable, qu'autant qu'elle risque d'altérer l'œuvre ou de déconsidérer l'auteur. »
(14) P.-Y. Gautier et N. Blanc, Droit de la propriété littéraire et artistique, LGDJ, 2021, n° 244.
(16) Soc. 8 févr. 2006, n° 04-45.203, Tenenbaum c/ Universal Music (Sté), D. 2006. 1172, note P. Allaeys ; ibid. 579, obs. J. Daleau ; ibid. 2991, obs. P. Sirinelli ; RTD com. 2006. 374, obs. F. Pollaud-Dulian ; ibid. 2007. 96, obs. F. Pollaud-Dulian.
(17) « Le respect dû à l’œuvre en interdit toute altération ou modification, quelle qu’en soit l’importance », Civ. 1re, 24 févr. 1998, n° 95-22.282, TF1 c/ Sony music entertainment France (Sté), D. 1998. 471, note A. Françon ; ibid. 1999. 64, obs. C. Colombet ; RTD com. 1998. 592, obs. A. Françon.
(18) A. Lautréamont, Le street-artist Combo détourne les affiches de la campagne présidentielle, beauxarts.com, 14 avr. 2017.
(19) Civ. 1re, 15 mars 2005, n° 03-14.820, Buren c/ Tassin, D. 2005. 1645, note P. Allaeys ; ibid. 1026, obs. J. Daleau ; RTD com. 2005. 306, obs. F. Pollaud-Dulian.
(20) Loi n° 2016-1321 du 7 oct. 2016 pour une République numérique, art. 39.
(21) La loi allemande sur le droit d'auteur et les droits voisins (Urheberrechtsgesetz), 9 sept. 1965, art. 59.
(22) L'art. L. 122-5, 3°, a), du CPI dispose que l'auteur ne peut interdire, sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l'auteur et la source, « les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées. »
(23) TJ Paris, 4 mars 2022, préc.
(24) Sur le sujet, v. not., P. Clermontel, Street art. Entre transgression et consécration, JAC 2017, n° 44, p. 37.
(25) Crim. 28 sept. 1999, n° 98-83.675, Menoud, D. 2000. 60, obs. J. F. ; RTD com. 2000. 482, obs. B. Bouloc.
(26) V. not., J.-M. Bruguière, La propriété intellectuelle au risque de l’ordre public, in M. Vivant (dir.), GAPI, Dalloz, 2020.
(27) V. toutefois l'appréciation de la chambre criminelle de la Cour de cassation : « [Q]ue les supports endommagés par peintures ou gravures ont été dégradés dans leur structure, interdisant toute qualification de dommages légers ; qu'en outre, le caractère prétendument artistique allégué n'efface aucunement la réalité des dégradations de la propriété d'autrui » (Crim. 11 juill. 2017, nos 08-84.989, 10-80.810 et 16-83.588).
(28) V., par analogie, l’exemple cité par P. Clermontel, préc., d'une sculpture monumentale d'Arman érigée sans permis de construire : « Qu'en effet dès lors que l'œuvre a été édifiée au mépris des règles d'ordre public édictées tant par la législation sur la protection des sites que par le code de l'urbanisme, le droit moral de l'auteur ne saurait faire échec à l'exécution des mesures prévues par la loi en vue de mettre fin aux conséquences des infractions pénales constatées » (Crim. 3 juin 1986, n° 85-91.433).
(29) TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 13 oct. 2000, cité par C. Caron, CCE 2002. Comm. 126 : « Qu'il apparaît suffisant, dans ces conditions, d'accorder aux demandeurs un délai de deux mois pour procéder au retrait de leur œuvre faute de quoi monsieur Lecole pourra disposer librement du bien qui lui appartient ; que le coût de la dépose de cette œuvre sera supporté par ses auteurs, monsieur Lecole ne pouvant se voir imposer les frais de retrait de l'œuvre exécutée de façon illicite sur une partie des murs et des sols des lieux dont il est propriétaire. »